François Vangioni est le quatrième Français à avoir réussi l'exploit de gravir les 82 sommets de plus de 4 000 mètres d’altitude des Alpes. À 36 ans, c'est même le plus jeune d’entre eux. Il a mis 14 ans pour venir à bout de ces sommets.
C'est une date qui restera à jamais gravée dans sa mémoire : le 10 octobre 2023. François Vangioni vient de "boucler la boucle" en terminant l'ascension des 82 sommets alpins de plus de 4000 mètres. Un impressionnant exploit sportif et humain, mais le trentenaire n'en reste pas moins modeste. L'alpiniste amateur avoue seulement son "soulagement" d'avoir mené à bien son projet fou.
Mont Blanc : la montagne magique
Pas moins de 14 années ont été nécessaires pour réussir cet exploit en altitude. Le 9 août 2009, tout commence avec l’ascension du Mont Blanc, réalisée avec son père. Le jeune homme n'a que 22 ans.
Là encore, la date reste gravée dans sa mémoire. "C'était mon premier sommet, une découverte totale, c'était très fort. D'autant qu'on est passé par l'ancien refuge du Goûter, qui n'existe plus". Le père et le fils s'étaient adjoint les services de Pascal Vogne, un guide indépendant.
La boucle que j'avais débutée avec mon père se referme 14 ans plus tard, au même endroit. J'ai 36 ans.
François Vangionialpiniste amateur
Le Mont Blanc, c'est le mythe, le toit de l'Europe qui marque le début de son aventure. Et qui en signe la fin aussi : "Lors de ma dernière course, quand je suis arrivé au sommet du Mont Blanc, j'ai appelé mon père pour lui dire que j'avais terminé - Il y a du réseau au sommet, il faut le savoir !" explique le jeune homme. "C'était ma deuxième ascension du Mont-Blanc, je l'ai appelé pour lui dire que j'étais de retour au sommet. C'était très émouvant ". Dans sa voix, on perçoit encore beaucoup d'émotion. Comme si le jeune homme peinait encore à réaliser ce qu'il a réussi à accomplir. À présent, il l'avoue aussi, il lui faut "digérer" ces longues années de quête des sommets.
De pics en sommets
Les parents de François Vangioni l’emmènent, tout petit, chaque année dans les Alpes ou les Pyrénées pour faire des randonnées. Mais ce natif de la plate banlieue parisienne a découvert cette passion pour la haute montagne sur le tard. "Vers l'âge de 20 ans, au détour d’une balade, j’ai découvert la neige éternelle, un névé, en plein mois d'août. C'est la première fois que je chausse des crampons."
Un véritable coup de foudre. Il ne soupçonne pas que cette découverte extraordinaire va bouleverser sa vie. Après cette première ascension du toit de l'Europe décidée presque sur un coup de tête, il va enchaîner les courses en altitude. De manière un peu irrégulière au début. Mais François se perfectionne au fil du temps, intègre le Gaul, club de montagne à Villeurbanne.
Parfois, le jeune homme ne réalise qu'une seule ascension par an. L'idée de se lancer dans les 82 sommets est encore un rêve inaccessible. Son 41ᵉ sommet, l'Aiguille Verte, il en commence l'ascension le jour de son anniversaire, en juillet 2020. Une ascension délicate et difficile, des heures d'attente entre ciel et terre. Un déclic."
C’est une fois que j’ai gravi la moitié des 82 sommets que j’ai commencé à me dire que mon projet de les gravir tous était réalisable.
François Vangionialpiniste amateur
Tout s'accélère en 2020, l'année du Covid. Le jeune homme, inspecteur en hygiène industrielle, est un spécialiste de l'air. "Mon métier consiste à réaliser des prélèvements d'air pour vérifier la qualité de l'air", explique-t-il. Alors cette boulimie de sommets, c'est un peu comme une quête d'air pur ? François confirme en riant.
Ses courses, il les réalise à deux ou à trois, selon le degré de difficulté. Ses compagnons de cordées sont des guides de Saint-Gervais ou simplement des amis. Pour se maintenir au sommet de sa forme, François ne ménage pas ses efforts. Aucune place à l'improvisation. "La semaine est partagée entre le travail, séances d'escalade, course à pied sur les collines de Lyon, home-trainer et renforcement musculaire. Rien n'est laissé au hasard", explique le Lyonnais d'adoption.
Le jeune homme met un coup d'accélérateur en 2022 : il réalise 17 ascensions de sommets de plus de 4000 mètres en une seule année. Cette année-là, il a gravi tous les sommets suisses.
Réchauffement climatique
Durant toutes ces années, l'alpiniste a noté le recul des glaciers, de la mer de glace ou encore du glacier des Écrins. Un vrai crève-cœur pour ce passionné. Un changement en altitude qui rime aussi avec dangers pour les alpinistes : "Il y a des chutes de pierres, il faut vraiment être attentif aux variations de températures, de plus en plus aléatoires," explique-t-il.
Certaines courses, qui se faisaient il y a 30 ans, ne peuvent plus se faire. Ou bien, les créneaux pour réaliser certaines ascensions se sont considérablement réduits, parfois de 2 mois à 3 semaines.
François Vangionialpiniste amateur
Des conditions climatiques qui n'ont pas été sans impact sur son ultime ascension. Ce 10 août 2023, c'est le dernier des sommets. La dernière ascension a été pour François Vangioni la plus difficile. François a prévu de s'élancer sur l'intégrale du Brouillard, une voie qui mène au Mont Blanc. Il a envisagé de terminer avec la pointe Louis Amédée. Mais la montagne en décide autrement. Le défi a bien failli se terminer au pied du 82ᵉ et dernier sommet. En cause : des torrents d'eau qui dévalent la face de la pointe Amédée. Avec son compagnon de cordée, il lui faut alors rebrousser chemin et patienter deux longs mois avant de pouvoir recommencer. Mais à l'approche de l'hiver, il lui faut aussi changer de voie et gravir la pointe Louis-Amédée par le sommet du Mont Blanc.
"Nous gravissons tout d'abord le Mont Blanc par la voie normale via le refuge du Goûter, comme mon tout premier 4000. Puis, nous désescaladons l'arête du Brouillard jusqu'à fouler ce 82ᵉ sommet avant de remonter une seconde fois au sommet du Mont Blanc", détaille l'alpiniste. Un itinéraire "à l'ancienne".
Et après ?
Ce projet fou a fait voyager l'alpiniste à travers trois pays avec pas moins de 25 camarades de cordées. En plus d’être le plus jeune, François Vangioni est le quatrième Français à avoir gravi tous les sommets de plus de 4 000 mètres d’altitude des Alpes, selon le Club 4000. "Certains parlent de projet d'une vie, pour moi, ce fut clairement le cas !"
Pourrait-il en faire son métier ? Devenir guide de haute montagne ? Le Lyonnais ne s'en cache pas : il y pense sérieusement. Mais l'appel de la très haute altitude sera-t-il le plus fort ? C'est probable. Le trentenaire se verrait bien à présent accomplir d'autres ascensions mythiques, dans l'Himalaya ou les Andes. Des sommets compris entre 5 000 et 8 000 mètres. Rien n'est encore écrit pour celui qui marche dans les traces de l'Italien Raynold Messmer ou du Suisse Erhard Loretan.