Dans le sud de la République Démocratique du Congo, trois bébés chimpanzés, sauvés du braconnage, ont été kidnappés dans un centre spécialisé. La fondation du sanctuaire J.A.C.K. parle de « prise d’otage abominable » et raconte la situation tragique du trafic de chimpanzés en Afrique.
Un kidnapping. Des animaux volés. Des menaces de mort et une demande de rançon. L’histoire se passe dans un sanctuaire pour chimpanzés rescapés du braconnage. L’histoire se passe donc loin de chez nous. La République Démocratique du Congo, autant dire le bout de monde. Et pourtant elle concerne un lyonnais. « Et elle nous concerne tous », explique la fondation du sanctuaire J.A.C.K.
C’était jeudi dernier. Il fait nuit. Sans un bruit, des criminels s’introduisent dans le parc, situé à Lubumbashi, dans le sud du Congo et kidnappent trois petits chimpanzés, tout juste sauvés des trafiquants. « C’est la première fois en Afrique que l’on s’attaque à un sanctuaire pour y voler des bébés, ça n’est jamais arrivé », assure la fondation du sanctuaire J.A.C.K « complètement bouleversée ».
Des images insoutenables
C’est une vraie prise d’otage, c’est abominable…
fondation du sanctuaire J.A.C.K.
J.A.C.K., (Jeunes Animaux Confisqués au Katanga), est un dispensaire pour les singes victimes du trafic d’animaux, et ils sont nombreux. « On savait très bien où on mettait les pieds, c’est un métier risqué, mais ces gens ne reculent devant rien », s’offusque la fondation du sanctuaire J.A.C.K.
Quelques heures après l’enlèvement de ses animaux, la fondation du sanctuaire J.A.C.K reçoit des messages violents, des menaces de mort et une demande de rançon « colossale ». « Ils ont prévenu qu’ils allaient décapiter l’un des bébés et nous renvoyer la tête», raconte cet amoureux des primates africains, au bord des larmes.
Les kidnappeurs menacent même envoient, pour preuve de leur détermination, une vidéo choquante. « En la voyant, on ne peut pas retenir ses larmes, elle montre un des petits bébés singes attaché, les bras en l’air, retenu par des cordes… C’est une vraie prise d’otage, c’est abominable… », ajoute le responsable du centre qui n’hésite pas à parler de chimpnapping sur les réseaux sociaux.
Un trafic qui génère des millions de dollars
Des histoires douloureuses, la fondation du sanctuaire J.A.C.K en a pourtant connues plusieurs. Trois attaques. Des animaux brûlés vifs. Mais des menaces de mort et des demandes de rançons, jamais. « C’est clair qu’on dérange… ».
En République Démocratique du Congo, le trafic d’animaux génère des milliards de dollars. « C’est incroyable qu’on puisse en arriver là, à notre époque », s’inquiète le fondateur de l’espace zoologique de Saint-Martin-la-Plaine, dans la Loire.
La fondation de l’espace zoologique de Saint-Martin-la-Plaine qui œuvre depuis des années pour la protection des espèces de tous les continents et dont le parc est devenu une référence mondiale, ne mâche pas ses mots. « Ce qui se passe en Afrique, c’est terrible, on a peine de s’imaginer… ». Chassés pour leur viande, vendue à prix d’or, mais aussi pour leurs bébés, prisés des amateurs d’animaux rares, les chimpanzés sont devenus une espère en danger, selon WWF. Aujourd’hui, il resterait 300 000 spécimens dans toute l’Afrique, contre 1 million au début du XXe siècle.
« On fait la guerre pour avoir des animaux, pour se payer une peluche vivante, et cela ne s’améliore pas, c’est même de pire en pire, c’est affligeant »,
La fondation de l’espace zoologique de Saint-Martin-la-Plaine
Pour réussir à capturer un bébé chimpanzé, les braconniers tuent entre 8 et 10 adultes, « c’est-à-dire toute sa famille », explique la fondation du sanctuaire J.A.C.K. Cela représente entre 3000 et 5000 singes tués chaque année au Congo. « C’est colossal, les gens croient que ces histoires de trafic, ça n’existe plus, que tout est trop contrôlé, que c’est impossible aujourd’hui d’envoyer des bébés singes à l’autre bout du monde en avion. Mais ces trafiquants sont tellement bien organisés, c’est une véritable mafia, ils connaissent toutes les failles, ils connaissaient toutes les lois et en réalité, le trafic n’a jamais été aussi important ». Elle ajoute : « c’est juste une mode, un concours, c’est comme avoir une belle voiture, c’est à celui qui aura l’animal le plus rare ».
Les principaux pays importateurs de bébés primates sont la Chine, le Pakistan et les Emirats Arabes-Unis. « Il y a une forte demande des zoos internationaux, explique la Fondation Brigitte Bardot, mais aussi des particuliers».
La célèbre association française soutient financièrement le centre J.A.C.K., qui accueille aujourd’hui 104 primates et emploie 18 personnes. « Ces refuges reçoivent beaucoup d’aides et de fonds d’associations internationales, comme la notre, et les trafiquants en profitent, parce que les animaux en deviennent d’autant plus précieux », ajoute-t-elle.
Une enquête est en cours
Les autorités locales ont ouvert une enquête et prennent l’enlèvement avec beaucoup de sérieux. Depuis quelques années, la République Démocratique du Congo s’est lancée dans une véritable guerre contre le trafic illégal d’animaux.
« Depuis une semaine, on ne dort plus, on ne vit plus », témoigne encore la fondation du sanctuaire J.A.C.K. « Ce qui me hante nuit et jour c’est d’être impuissant et de ne pas savoir… Où sont-ils ? Sont-ils encore vivants ? Encore dans le pays ? ».
Les bébés volés ont entre un et quatre ans. Ils s’appellent Hussein, César et Monga. Emu, la fondation du sanctuaire J.A.C.K. ajoute : « ces trois bébés, ils ont vécu l’enfer, on a massacré leur famille, on les a proposés à la vente, transportés, on a mis des moyens financiers énormes pour les rapatrier. On leur offrait enfin une seconde chance, leur calvaire était terminé, et la ça recommence… ».
« Ce sont des animaux qui nous sont tellement semblables, et qui comprennent tellement de choses, ce sont comme nos enfants », s’émeut la fondation de l’espace zoologique de Saint-Martin-la-Plaine, qui a lui-même adopté une jeune chimpanzé, Thaïs, il y a maintenant huit ans.
« A chaque minute, on risque notre vie »
« Malheureusement, c’est très courant que des éco-gardes soient menacés et même abattus, en Afrique, cela arrive tous les jours », confie la fondation Brigitte Bardot.
La fondation du sanctuaire J.A.C.K confirme. « Aujourd’hui, les trafiquants arrivent avec des hélicos, des bazookas, c’est devenu une guerre ». Et s’indigne. « Il faut réagir, c’est pas possible… Il faut que l’opinion publique se mobilise ». Avant de médiatiser l’affaire..
Malgré le choc, l’émotion, il assure ne pas vouloir céder à la panique et au chantage. « Si on abandonne, on leur donne raison, on est le dernier rempart face à l’extinction de ces animaux. Mais la conservation, ce n’est pas une blague, on risque notre vie à chaque minute ».