Nicolas P., lyonnais, est le benjamin d’une fratrie de trois garçons. Après le décès récent de leurs parents, ils tentent d’obtenir le droit de racheter l’appartement familial dans une HLM où les frères ont grandi. Mais Grand Lyon Habitat refuse. Voici pourquoi.
C’est l’histoire d’une famille, touchée par le deuil, et qui n’a pas anticipé suffisamment les problèmes, face à une administration qui suit la législation sans tenir compte de la part affective du dossier.
Nicolas P. nous a contactés pour raconter comment il essaye, en vain, avec ses deux frères Stéphane et Laurent, de pouvoir racheter l’appartement, basé dans le 8ème arrondissement, dans lequel ses parents ont été locataires durant 44 ans. « C’est là que nous avons grandi, mes frères et moi » rappelle-t-il. « Nous avons perdu notre mère en 2010, suite à quoi je suis retourné vivre de 2010 à 2016 avec mon père devenu veuf pour le soutenir dans un premier temps puis pour lui tenir compagnie. Malheureusement, en novembre 2019, notre père a contracté un cancer, auquel il a succombé le 26 aout 2020. »
Nicolas sait que, comme la loi le permet, Grand Lyon Habitat donne la possibilité aux héritiers de racheter les appartements de leurs parents de leur vivant. « Cette démarche était en pourparlers avec notre père lorsque soudainement, il a contracté la maladie. » se souvient-il. Mais, débordés par la situation, l’hospitalisation, et un décès en quelques mois à peine, aucune démarche n’est accomplie officiellement par les membres de la famille. Stéphane, le frère ainé, a vécu dans l’appartement durant la maladie de son père. « Après le décès de notre père, il est resté dans l'appartement avec pour volonté soit d'acquérir, soit de récupérer le bail en son nom de manière à conserver l'héritage le plus précieux à nos yeux, le logement dans lequel nos parents nous ont élevés et dans lequel ils ont vécu sur une période de 44 ans. » témoigne Nicolas.
ils ne peuvent donc prétendre au maintien dans les lieux
Un vécu lourd de souvenirs pour cette famille d’origine italienne… mais sans véritable trace officielle récente. Et c’est là que l’espoir se heurte à la raideur des procédures administratives. Contactés par nos soins, Grand Lyon Habitat, s’en tient à son enquête : « Nous avons repris la dernière enquête d'occupation concernant les locataires du logement : soit les parents, M. et Mme P. (Mme P. est décédée il y a 10 ans). Seul le père était déclaré sur les enquêtes précédentes. Sur la dernière enquête (envoyée en décembre 2020), le fils, Stéphane P. apparaît. Il a effectivement sollicité notre organisme pour reprendre le logement de son père après le décès de ce dernier. Nous avions répondu par la négative à cette demande car il ne bénéficiait pas du droit au maintien dans les lieux (présent depuis moins d'un an). Les deux autres frères n'étaient pas mentionnés depuis longtemps sur les enquêtes (la dernière date de 2015), ils ne peuvent donc prétendre au maintien dans les lieux. » Une réponse sans appel d’autant plus justifiée qu’il apparait que le demandeur, Stéphane, est, en plus, déjà propriétaire d’un appartement. « Mais c’est le plus mauvais des investissements » explique son frère Nicolas. « Il ne l’habite pas, il est en très mauvais état, avec des infiltrations notamment ».
De son côté, Grand Lyon Habitat enfonce légitimement le clou avec un autre texte de loi : « L’article L443-11 II. du CCH prévoit quant à lui que "sur demande du locataire qui occupe le logement depuis au moins deux ans, le logement peut être vendu à son conjoint ou, s'ils ne disposent pas de ressources supérieures à celles qui sont fixées par l'autorité administrative, à ses ascendants et descendants qui peuvent acquérir ce logement de manière conjointe avec leur conjoint, partenaire ayant conclu un pacte civil de solidarité ou concubin. Le contrat de location étant résilié, il n'y a donc plus de locataire, lequel ne peut, a fortiori, pas demander que le logement soit vendu à ses descendants. » conclut l’organisme.
Des démarches engagées... trop tard
En fait, la réelle "erreur" de la famille a été de ne pas anticiper son destin. Comme le constate Grand Lyon Habitat : « Du vivant du papa locataire, aucune demande de sa part n'a été faite : tant pour devenir propriétaire, que pour régulariser une situation dans le logement (mettre un de ses fils en collocation par exemple). ». Face à ces affirmations, Nicolas reconnaît ce fait. Mais il avance d’autres arguments : des factures et des abonnements, par exemple, qui montreraient que Stéphane vit bien dans ce logement familial depuis assez longtemps. A ce stade, les frères aimeraient au moins obtenir le droit que l'un d'eux en devienne locataire.
Si Grand Lyon Habitat nous assure que ses services sont en contact régulier avec Stéphane, son frère Nicolas déplore qu’il n’existe, selon lui, aucune réelle possibilité de faire valoir son point de vue en rencontrant un interlocuteur dédié. La famille a donc contacté un avocat. Elle réclame une médiation. Ce sera donc, peut-être, à la justice, de donner davantage de valeur à l’aspect affectif de cette affaire : un héritage familial, riche de souvenirs, pour Laurent, Stéphane et Nicolas.