A Lyon, la photographe Edith Roux consacre une exposition à des ressortissants chinois de culture ouïgour. Ces musulmans, opprimés en République populaire, ont dû s'exiler pour échapper à la déportation ou au génocide. Dans leurs pays d'adoption, ils s'intègrent et perpétuent leurs traditions.
"Contrairement à la volonté du gouvernement chinois de déshumaniser les Ouïgours en les envoyant dans des camps, moi, j'essaie de les montrer non pas comme des victimes, mais dans toute la richesse de leur culture." La photographe Edith Roux signe un travail artistique engagé, à la frontière du documentaire. À la galerie lyonnaise "Le Bleu du Ciel", son exposition intitulée "Les exilés" s'intéresse à des familles réfugiées à l'étranger pour fuir la tyrannie du régime de Pékin.
En 2010 déjà, l'artiste était partie au Xinjiang pour immortaliser le peuple ouïgour, pourchassé sur ses terres et victime d'acculturation de la part du pouvoir central. Il en est ressorti un livre, "Les dépossédés", publié en 2013.
Cet ouvrage lui vaut une belle reconnaissance parmi la diaspora ouïgoure. Activistes ou pas, ces réfugiés ont dû quitter le Turkestan oriental pour pouvoir observer leur religion et vivre selon leur culture. À Paris, La Haye, Munich, Istanbul et Washinton DC, ils lui ont ouvert leur porte.
Un quotidien en exil
Édith Roux en a rapporté des instantanés de la vie quotidienne qui témoignent de leur adaptation à leur ville d'adoption, autant que de la conservation de leur identité culturelle. On y voit des plats et des vêtements traditionnels, des éléments de décoration emportés sur les routes de l'exil, des objets typiques, mais aussi les traces d'une assimilation au pays d'accueil.
Élément très marquant : les visages de certaines photos ne sont pas visibles. Remplacés par une surface brillante dans laquelle le spectateur peut se refléter. Un choix qui assure l'anonymat des modèles dont la famille restée au pays pourrait être menacée, et permet à chacun de s'identifier à eux.
Menacés même à distance
Après les Arméniens et les Ukrainiens, le Centre d'art "Le Bleu du Ciel", fait sien le combat d'un autre peuple face à l'oppresseur. "Ce qui m’a toujours motivé, ce sont, au fond, les injustices", explique Gilles Verneret, le fondateur de la galerie. "Nous vivons dans un monde où règne une urgence dont l'art doit rendre compte, et le "Bleu du Ciel", c'est un petit lieu de résistance."
L'exposition est à voir, à Lyon, jusqu'au 2 mars 2024.
Le reportage de Myriam Figureau et Sébastien Allec :