Deux ans et quatre mois après l'agression d'Arthur Naciri, deux policiers soupçonnés d'être les auteurs des coups sont de retour devant la justice. Objectif de cette quatrième audience : obtenir des réponses dans cette affaire de violences policières, dont l'audience n'a cessé d'être reportée.
C’est un feuilleton qui perdure. Plus de deux ans après avoir gravement blessé un manifestant et plusieurs reports d’audiences, deux policiers vont comparaitre devant le tribunal judiciaire de Lyon ce vendredi 1er avril. Ils sont amenés à répondre de "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique" dont un avec arme.
L’affaire remonte au 10 décembre 2019, place Bellecour à Lyon. Lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, Arthur Naciri est attrapé par des policiers, jeté à terre et passé à tabac. Mâchoire fracturée, neuf dents cassées… « J’ai reçu une dizaine de coups de matraque, raconte-t-il. Et ils m’ont laissé au sol sans me porter assistance. »
Cette agression a lourdement affecté le jeune Lyonnais. « Ils m’ont gâché ma vie, confie Arthur Naciri. Je suis gêné en permanence, mon état ne sera jamais consolidé. C’est pour ça que je demande réparation. »
L'audience reportée trois fois
Y a-t-il eu violences policières ? L'audience devrait le déterminer. C’est loin d’être la première fois que cette affaire se retrouve devant la justice. Le procès devait se tenir au 10 décembre 2020. Entre-temps, l'audience des deux policiers a été reportée trois fois. Des renvois exigés par la défense pour réclamer de nouvelles expertises. Pour Arthur Naciri, ces multiples reports témoignent d’une volonté de « gagner du temps ».
Plus de deux ans après les faits, Arthur Naciri reste dans un état d’esprit combatif. « J’ai hâte qu’il y ait enfin justice, qu’on puisse enfin discuter. En plus de deux ans, les policiers n’ont toujours pas répondu aux questions. » L’avocat de la victime, Maître Thomas Fourrey, le confirme : « Mon client veut qu’on en termine, il veut la vérité ».
Du côté de la défense, l'avocat Maître Laurent-Franck Lienard est convaincu que l'auteur du coup n'a rien dit. "Il y a un policier qui laisse aujourd'hui deux de ses collègues comparaitre devant un tribunal et qui s'en lave les mains, et ça ce n'est pas acceptable", avait déclaré Maître Laurent-Franck Lienard lors d'une précédente audience.
Les images et vidéos au cœur de l’audience
La stratégie de Maître Thomas Fourrey ? « Leur mettre sous le nez des photos et vidéos. » L’agression d’Arthur a été photographiée et même filmée par des témoins de la scène. Ces images ont d’ailleurs permis à l’IGPN de conclure à un usage disproportionné de la force. Visionnés lors de précédentes audiences, ces enregistrements divisent les parties.
Mais un nouvel élément pourrait changer la donne. Le collectif Flagrant déni, qui lutte contre les violences policières, a réalisé un montage vidéo. Seconde par seconde, il retrace le déroulement de la scène au ralenti sous des angles différents. Des images qui pourraient déterminer les rôles de chacun.
BAC de @PoliceNat69 : 9 dents cassées en quête de justice. Acte 1 : un
— Flagrant Déni (@FlagrantDeni) March 29, 2022
coup de matraque oublié. @Flagrantdéni publie une vidéo qui prouve que
l’expert désigné par @tjlyon a mal analysé les images de l’agression
d’Arthur. Le procès a lieu ce vendredi 1er avril à 14h. pic.twitter.com/QtT2ufSKeF
Jusqu'à dix ans d’emprisonnement encourus
D’autant que Maître Fourrey compte montrer ce montage lors du procès. Mais il redoute un manque de moyens matériels : « Lors de la dernière audience, la télévision était loin et l’ordinateur ne marchait pas. »
Le procès se tiendra ce vendredi après-midi au tribunal judiciaire de Lyon. Si le motif d’agression en réunion est retenu par la justice, les deux policiers pourraient encourir jusqu'à dix ans d’emprisonnement.