Dans la nuit du lundi 3 janvier, l’examen du projet de loi sur le pass vaccinal a été suspendu à l’Assemblée nationale. L’opposition désigne une forme d’amateurisme chez la majorité, tandis que celle-ci pointe du doigt une stratégie politique d'obstruction.
C’est un coup de théâtre qui pourrait reporter la mise en vigueur du pass vaccinal. Ce lundi 3 janvier, le projet de loi transformant le pass sanitaire en pass vaccinal était examiné par les députés. A minuit, l’heure normale de clôture de l’Assemblée, la vice-présidente de l’Assemblée nationale, Annie Genevard a demandé aux députés s’ils souhaitaient continuer l’étude du texte.
Depuis quelques jours, l’exécutif avait d’ailleurs accéléré le rythme pour le vote du projet de loi. Il devait être initialement présenté en Conseil des Ministres le 5 janvier pour une adoption par le Parlement d'ici à la fin du premier mois de l'année 2022. Finalement, le gouvernement avait tablé sur une application à partir du 15 janvier.
D’ores et déjà, la nuit s’annonçait longue pour les députés au vu du nombre d’amendements. Près de 650 devaient être examinés. "On a la nuit devant nous", avait ironisé Olivier Véran en début de séance. Mais il n’en fut rien. A la surprise générale, après un vote à main levée et un décompte de la vice-présidente de l’Assemblée nationale, les députés ont décidé de ne pas poursuivre les débats.
“On a été battus"
Une surprise générale car, le texte étant proposé par la majorité, la reprise de la séance devait être gagnée d’avance. “Ensemble, les députés de La République en Marche, du Modem et d’Agir Ensemble sont majoritaires, explique Nathalie Serre, députée du Rhône et membre de l’opposition (LR). Mais ils n’étaient pas dans l’hémicycle.”
“Je ne sais quoi penser. On veut nous faire voter un texte tambour battant, on nous le présente entre Noël et le Nouvel an, on a 24h pour présenter les amendements. Et là d’un seul coup, les élus de la majorité ne sont pas présents dans l’hémicycle. Pardon hein, mais c’est de l’amateurisme.”
“On a été battus, conçoit le député du Rhône Thomas Rudigoz (LREM). L’opposition a organisé un coup politique qu’on aurait dû anticiper et faire en sorte que toutes nos troupes soient présentes dans l'hémicycle. On était plus nombreux qu’eux. Sauf que certains collègues s’apprêtaient à siéger de nuit et étaient dans leurs bureaux pour se reposer un peu.“
“Quand Mme. Genevard a commencé à compter, certains collègues ont voulu rejoindre l’hémicycle. On leur a dit “non, le décompte a commencé, vous ne pouvez pas rentrer”. Ça s'est joué à quelques voix près.”
De “l’amateurisme” d’un côté, de “l’obstruction” de l’autre
Pour l’opposition, les conditions n’étaient pas réunies pour continuer d’examiner le projet de loi. “Il restait plus de 500 amendements à étudier à minuit, ça voulait dire qu’on finissait à 9h du matin, qu’on faisait nuit blanche, raconte Damien Abad, députée de l’Ain (LR). Sur ce genre de sujet, ce n’est pas sérieux.” Un avis partagé par sa collègue Nathalie Serre. “Sur un texte aussi important, il faut laisser le temps aux débats, ils sont extrêmement importants. Nous ne sommes pas contre les débats, bien au contraire, mais il faut que l’on débatte sereinement.”
“Du foutage de gueule”
Pour Thomas Rudigoz, “c’est juste du foutage de gueule. Ce sont les oppositions qui ont majoritairement déposé les amendements. Ils font durer les débats et estiment après que les conditions ne sont pas réunies pour siéger correctement la nuit. C’est de l’obstruction” “Personne n’est dupe, réplique le député LR Damien Abad. La majorité a commis un camouflet. En plus, pour un texte important pour lequel le président de la République avait demandé de se mobiliser. Je comprends leur colère et leur amertume.”
La mise en application du pass vaccinal sûrement décalée
Malgré cette suspension, l’examen du projet de loi sur le pass vaccinal devrait reprendre ce soir. Mais son entrée en vigueur devrait être décalée. En conférence de presse, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a annoncé ce matin viser une mise en application du pass vaccinal “au plus près de ce qui était prévu”. “Il faudra que le texte soit prêt autour du 15 janvier”, affirme le député Thomas Rudigoz. Et surtout applicable.”