Le conseil scientifique n'est pas opposé à sa tenue le 28 juin. Qu'il se déroule à cette date ou à l'automne, le second tour des élections municipales réserve encore bien du suspens en Pays de Savoie. A Annecy et Chambéry, d'abord. Mais pas seulement. Les sortants sont souvent en difficulté...
Elles font figures de vitrines : Annecy et Chambéry, les deux grandes villes, sont toujours en ballotage. Avec des situations très différentes, toutefois. Mais en Pays de Savoie, ces deux communes sont loin d'être les seules à réserver encore du suspens. Certes, en Haute-Savoie, l'élection est déjà jouée dans 13 des 20 plus grandes villes. En Savoie, elle est terminée dans 15 de ces 20 principales communes. Mais dans celles où un second tour est nécessaire, les enjeux sont nombreux. Et passionnants.
A Annecy, tous contre Jean-Luc Rigaut?
Maire depuis 2007, président du Grand Annecy, ancien conseiller départemental pendant 15 ans, président de l'Assemblée des communautés de France... Jean-Luc Rigaut semblait indéboulonnable à l'approche du scrutin de mars dernier. D'autant qu'il affichait fièrement pléthore de soutiens : l'UDI, le MoDem, la République en Marche et les Républicains étaient rangés derrière lui. Las, le maire sortant est aujourd'hui en bien fragile posture : il n'a distancé, le 15 mars, son principal rival que de 150 voix (28.4% contre 27.9%).
François Astorg, l'écologiste résolument ancré à gauche, à crée la surprise. Une surprise qui pourrait bien se concrétiser au second tour, aidé en cela par le soutien de la députée LREM dissidente Frédérique Lardet qui avait obtenu 21.5% des voix au premier tour. Jean-Luc Rigaut serait alors la victime d'un processus connu en politique, celui du sortant indéboulonnable finalement déboulonné : "Certains élus semblent totalement imbattables jusqu'au moment où une opportunité apparaît, là une union même de circonstance peut suffire à faire levier pour sortir le sortant", explique le politologue et chercheur Florent Gougou. A Jean-Luc Rigaut de rebondir, donc. Sous peine de perdre son fauteuil...
Chambéry, un sortant fébrilement en tête...
A quelques kilomètres de là, l'approche du second tour ne doit pas être forcément plus sereine pour Michel Dantin. Le maire de Chambéry, certes en tête à l'issue du premier tour, ne "réalise pas une performance flamboyante", selon Florent Gougou.
"Michel Dantin n'est qu'à l'issue de son premier mandat, il apparaît donc moins usé que Jean-Luc Rigaut à Annecy. Mais il fait moins bien qu'en 2014", explique notre politologue. Les chiffres, en effet, sont sans appel. Alors qu'il avait obtenu 49.7% des voix au premier tour il y a six ans, le maire LR sortant n'obtenait plus que 37.4% en mars dernier. Son nombre de voix a été divisé par deux. Certes, l'abstention liée au Covid19 est passée par là. Mais elle n'explique pas tout.
... mais bien aidé par les divisions de la gauche
A défaut d'enregistrer une forme électorale olympique, Michel Dantin peut néanmoins compter sur les divisions de ses adversaires. Le socialiste Thierry Repentin, arrivé deuxième, ne distance la candidate écologiste Aurélie Le Meur que de 22 voix. Difficile, dès lors, de déterminer un leadership à gauche. La quatrième liste, de gauche également, pointe à 8.35%. Elle sera sans doute courtisée d'autant qu'elle ne peut pas se maintenir au second tour mais peut fusionner. Même si, sur le fond, des problèmes de personnes et surtout de programmes rendent les éventuels rapprochement difficiles.
Ne reste alors que le candidat LREM/MoDem Christian Saint-André. Avec un score assez piteux de 6.05%, il est lui aussi éliminé du second tour. Mais un rapprochement avec Thierry Repentin permettrait sans doute au socialiste de prendre la tête de l'opposition. Alors qu'une alliance avec Michel Dantin assurerait à ce dernier une réélection bien plus tranquille. Les téléphones doivent déjà chauffer...
A Passy, la Ravoire, Sallanches et le Bourget du Lac : des sortants malmenés
Ailleurs aussi, mieux valait ne pas être maire en poste... Dans les villes encore en jeu lors de ce second tour, les Savoyards et Haut-Savoyards ont souvent sanctionné les élus sortants. C'est le cas, notamment, à Passy. Dans cette commune de la vallée de l'Arve, une liste divers gauche est bien partie pour l'emporter, aux dépens du maire actuel. Patrick Kollibay, DVD en poste depuis 2014, a d'ailleurs jeté l'éponge après être arrivé troisième. Un vote punition dans une vallée très polluée.
Mêmes difficultés et scénario presque identique pour Marie-Pierre François (DVD) au Bourget-du-Lac. La maire sortante est nettement devancée par la liste divers gauche emmenée par Nicolas Mercat (29.7% contre 47.3%). Notons également le mauvais résultat de Georges Morand, maire actuel de Sallanches, second à sept points de la liste "divers" de Jacques Lemoine.
Autre sortant en difficulté : le maire de la Ravoire. Une ville longtemps tenue par le député MoDem Patrick Mignola mais qui connait une vraie guerre de succession depuis la démission de ce dernier. Résultat, Frédéric Bret (DVD), son dauphin de l'époque, est en fâcheuse posture : il est à sept points du "divers centre" Alexandre Gennaro et n'a qu'un point et demi d'avance sur la liste DVG.
Bourg-Saint-Maurice, ton univers impitoyable...
Que serait une élection sans rebondissement à Bourg-Saint-Maurice? Habituée à voir ses majorités se défaire en cours de mandat depuis des décennies, la cité savoyarde a connu une mandature 2014/2020 plutôt calme par rapport aux précédentes. Mais patatras! Le maire sortant, Michel Giraudy, élu dans un mouchoir de poche il y a six ans, est lui aussi nettement distancé. Il a dix points de retard sur la liste arrivée en tête, menée par Guillaume Desrues. Une liste "divers" incarnée par Guillaume Desrues, 39 ans. Alors que le maire sortant affiche 74 printemps.
A Rumilly, Reignier et Barberaz, un second tour très serré en perspective
Heureusement, toutes les communes n'affichent pas des résultats aussi nets et donc aussi peu propices au suspens. A Rumilly, en l'absence du maire sortant qui ne se représentait pas, une triangulaire devrait être au programme de ce second tour. Un scrutin très serré en perspective : les trois candidats ont obtenu, le 15 mars dernier, entre 31% et 36.5% des voix. Difficile de se détacher, donc...
Même incertitude à Reignier-Esery où quatre candidats peuvent potentiellement se qualifier pour le second tour avec deux listes "divers centre" en tête mais dans un mouchoir de poche. Elles ne sont séparées que par 90 voix. La surprise pourrait venir de la gauche. Si les listes écologistes et "divers gauche" s'entendaient, elles seraient virtuellement en tête mais d'un tout petit cheveu.
A Barberaz, bien malin également celui qui peut d'ores et déjà annoncer le nom du futur élu puisque deux petites voix seulement séparent Arthur Boix-Neveu (DVG) de son premier poursuivant, le "divers centre" David Dubonnet (35.27% contre 35.15%). A 25 ans, Arthur Boix-Neveu pourrait devenir l'un des plus jeunes maires de la région. Sauf si la droite, emmenée par Nathalie Laumonnier (29.6%) se rapproche du centre. Suspens, donc!
A la Roche-sur-Foron, un écologiste légèrement en tête
Dernière ville à scruter : la Roche-sur-Foron. Ce bastion historique de la droite haut-savoyarde a placé en tête un candidat... écologiste! Certes, l'écart de voix est faible : Jean-Claude Georget ne devance que de 23 voix le maire sortant DVD Sébastien Maure. Le centriste Olivier Chomat n'est qu'à 110 voix du second. Tous les rebondissements sont donc encore possibles.
Vous l'avez donc compris : si ce second tour ne concerne qu'une infime partie des communes, il n'en demeure pas moins palpitant en perspective. Quel sera, cette fois, le taux de participation? Quelles seront les priorités des électeurs après trois mois d'épidémie? Autant de mystères pour l'heure sans réponse. Même les politologues ne prennent aucun pari, à l'image de Florent Gougou : "Avec l'épidémie, les maires en fâcheuse posture ont eu trois moins pour démontrer leur crédibilité et leur disponibilité. Mais l'on peut aussi dire qu'ils avaient eu, avant, six ans pour le faire...".