Pendant le confinement, elles étaient souvent les seules à rendre visite aux personnes âgées isolées. Pourtant, les aides-soignantes à domicile ne bénéficient pas des primes octroyées par le Ségur de la santé. Depuis plus d'un mois, elles sont en grève... tout en continuant de travailler.
Les accords dits du "Ségur de la santé", du nom de l'avenue parisienne où est implanté le ministère du même nom, a prévu plusieurs augmentations salariales pour revaloriser la carrière des soignants et non-soignants en première ligne dans cette crise sanitaire inédite de la Covid-19.
Cette revalorisation veut marquer "la reconnaissance de la Nation". Comme l'a déclaré le Président de la République : "Si notre pays a pu résister à la crise du Covid-19, c’est grâce à l’engagement exemplaire des soignants qui, en ville, à l’hôpital ou dans les EHPAD ont permis de sauver des vies. Cette mobilisation des personnels soignants et non soignants au service de nos compatriotes s’est faite malgré les difficultés accumulées par notre système de santé depuis de nombreuses années".
Après le Ségur, tous les professionnels paramédicaux dans les établissements de santé et dans les EHPAD sont donc censés gagner ainsi plus de 200 euros nets par mois en plus. Cela concernerait notamment, selon le Gouvernement, 400 000 aides-soignantes dans notre pays.
Toutes les aides-soignantes ? Manifestement non, puisque certaines d'entre elles sont en grève depuis plus d'un mois. Ce sont les aides-soignantes à domicile, qui se disent "les oublié(e)s du Ségur". Elles seraient plusieurs milliers en France.
A Saint-Genix-sur Guiers, en Savoie, Edouard Arnoldi, 80 ans, souffre de la maladie d'Alzheimer. Hospitalisé en unité spécialisée, il ne devait pas rentrer chez lui. Trop compliqué.
Mais sa famille s'est battue pour mettre en place de l'aide à domicile. Une aide-soignante vient donc s'occuper de lui tous les matins.
"Heureusement qu'elles sont là ! Elles sont indispensables à notre quotidien !" s'exclame Viviane, la fille d'Edouard.
Et son mari renchérit : "c'est pas possible de gérer ça tout seuls. C'est trop dur, cette pathologie. Au quotidien, c'est invivable".
"Utile et en même temps délaissée "
Cette aide-soignante s'occupe de six patients chaque jour. Certains, complètement isolés, en pleine campagne. Pendant le confinement, Flore ne s'est jamais sentie aussi utile.
"Utile et en même temps délaissée. Lors du premier confinement, on était face à l'inconnu avec ce virus. Et pas beaucoup de soutien, comme on peut avoir à l'hôpital. On est seules !" explique Flore.
Flore Bonnefoy travaille à mi-temps. Entre le service du matin et celui du soir, elle peut s'occuper aussi de ses deux enfants. 75 heures par mois pour 700 euros nets.
Avec ses collègues, elle fait la grève et manifeste sur le rond-point du village où est basé leur SSIAD.
Ces aides-soignantes sont en effet regroupées en Service de Soins Infirmiers à Domicile. Et employées par l'ADMR, association d'aide en milieu rural, elle-même financée par la Sécurité Sociale (Caisse primaire d'assurance maladie). Elles sont pourtant moins payées que leurs collègues du secteur hospitalier.
"On n'a pas les 183 euros du Ségur. On n'a pas eu non plus la prime grand-âge de 113 euros. On n'a pas d'augmentation de salaire. Si ça continue comme ça, y aura plus personne pour venir travailler, forcément !" dénonce amèrement Jessica, une collègue de Flore.
Les "oublié(e)s du Ségur" sont en grève depuis plus d'un mois. Une grève quasi-invisible... puisqu'elles continuent de travailler.