C'est un témoignage très fort livré par le fils d'un patient décédé au centre hospitalier d'Albertville-Moûtiers. Il dénonce des manquements dans le suivi de certains soignants, un manque d'humanité et de bienveillance, alors que la santé de son père se dégradait. Plusieurs erreurs sont reconnues par l'hôpital.
Claude avait 86 ans lorsqu'il est décédé à l'hôpital d'Albertville-Moûtiers, après plusieurs jours d'hospitalisation. Thierry Binet, son fils, témoigne du parcours médical de son père.
Début janvier 2024, Claude est admis une première fois à l’hôpital d’Albertville-Moûtiers pour insuffisance respiratoire, avant de ressortir le lendemain matin. Dans la nuit qui suit, "ça s'est compliqué". Thierry et son frère rappellent le 15. Leur père est à nouveau admis dans le centre hospitalier, où il passe la nuit aux urgences. "Le lendemain matin, ce n'était déjà plus le même. Sa santé s'est dégradée. Pourquoi, je ne sais pas. On n'est pas médecin et on ne les remet pas en cause."
Il est ensuite pris en charge durant deux semaines avant de décéder. Aujourd’hui, son fils Thierry dénonce des manquements dans la transmission des informations et dans les soins quotidiens, notamment pour la toilette et l’hygiène. Certaines couches usagées auraient été jetées à même le sol.
Des manquements pointés
"La prise en charge, c'est lamentable. Et encore une fois, je ne remets pas en cause la médecine ou certains personnels qui sont très bienveillants. Mais il y en a d’autres, je suis désolé de le dire, ils n’ont pas à travailler dans un hôpital", dénonce-t-il.
Il prend pour exemple une personne ayant dit à un patient : "Ecoutez, on n’est pas venu vous chercher. Si ça ne vous convient pas, vous repartez chez vous. Je ne peux pas entendre des choses comme ça."
Autre exemple où l'hôpital a reconnu son erreur et s'est excusé, l'information concernant le pacemaker de Claude. Thierry montre le certificat d’avis de décès "où la case comme quoi mon père n’a pas de pacemaker est cochée". Or, Claude en était porteur.
Un manque de remontée d'informations
Au départ, Claude aurait été admis comme diabétique, alors qu’il ne l’était pas. Pendant plusieurs jours, il ne pouvait plus s’alimenter. Au début, "il y avait toujours le plateau qui arrivait avec des saucisses grosses comme le pouce. Et le plateau repartait comme ça."
C'est lors d'une rencontre avec un médecin, "très bienveillant", que ce dernier a entendu la situation, en répondant à Thierry : "On va essayer de lui faire des plats mixés." Le lendemain, il n'avait toujours pas de plats mixés, selon son fils. Quand ils sont arrivés, Claude n'arrivait presque plus à s'alimenter. Plusieurs jours se sont passés avant qu'il soit alimenté par perfusion, poursuit-il.
Qu'on remette un peu de l’humain dans l’hôpital.
Thierry BinetFils de Claude
Concernant l'hydratation, "il l'a été un petit peu au départ avec une perfusion. Et puis très vite, on a enlevé la perfusion. On m’a dit que ce n’était pas une des priorités pour des personnes qui étaient malades comme ça. Ce n’était pas une des priorités, l’alimentation, l’hydratation. Ça, je ne le remets pas en cause, je ne sais pas. Ce que je vois simplement, c’est que, de jour en jour, il s’affaiblissait."
Après la prise en charge de son père et son décès, l'un des points que Thierry souhaite pointer est la prise en charge des personnes vieillissantes et en perte d'autonomie.
"Ce que j’attends, c’est une prise en charge humaine. Qu’on remette un peu de l’humain dans l’hôpital, qu’on soit bienveillant à l’égard des patients et des familles." Il dénonce également un manque de remontée des informations de la part du personnel soignant.
Tous les services doivent se sentir concernés pour ces personnes-là.
Martine AdorAide-soignante, secrétaire CFDT
Martine Ador, aide-soignante et secrétaire CFDT, qui ne souhaite pas s’exprimer sur l’affaire, donne son avis sur l’accompagnement général existant auprès des personnes âgées. "J’ai été aide-soignante en gériatrie pendant 20 ans, donc je peux très bien en parler. Pour moi, c’est sûr, certains fonctionnements sont choquants. Il y a des termes et des agissements qui ne sont pas tolérables."
Elle rappelle que "l’humanité est la base du métier. Ça ne s’apprend pas. Quelles que soient les circonstances, on doit rester humain. Il ne faut pas insister si on ne sent pas apte à faire ce métier." Sans vouloir juger de l'affaire, elle affirme de manière générale : "On a tendance à voir arriver des personnels qui ne sont pas forcément faits pour ça. D’où le rôle de l’institution de bien viser ce genre de personnel."
Comme Thierry, elle pointe le manque de communication dû "à un manque de temps des professionnels qui courent tout le temps et qui font au mieux".
Enfin, elle souligne qu’une personne âgée "peut arriver dans tous les services de l’hôpital". Une situation d'autant plus vraie avec le vieillissement de la population. C’est pourquoi "tous les services doivent se sentir concernés par ces personnes-là", exprime Martine Ador, tout en suggérant des formations, dans tous les services, sur la prise en charge de ces patients.
Une médiation en cours entre l'hôpital et la famille
Sur cette affaire, l’hôpital précise qu’une enquête interne est en cours et qu’une médiation a débuté. Romain Percot, directeur délégué de l'hôpital d’Albertville-Moûtiers affirme que la bienveillance "fait partie des valeurs de l’hôpital, de l’hôpital public en général et du centre hospitalier d’Albertville-Moûtiers en particulier. S’il y a des choses qui doivent être améliorées, elles le seront. Mais ce qui est important aussi, c’est de reprendre précisément les éléments très factuels, des éléments objectifs sur lesquels on doit travailler."
La médiation continue entre l’hôpital et la famille, qui fait son deuil petit à petit et qui a demandé le dossier médical de Claude.