Si la sècheresse inquiète en France, chez nos voisins italiens, elle a déjà atteint un niveau très préoccupant. Le pays a fait face à son hiver le plus sec depuis près de 70 ans. L'ARPA (l'Agence régionale pour la protection de l'environnement) du Piémont a relevé près de 70 % de précipitations en moins pour les 5 premiers mois de l'année.

"Les pluies tombées durant la semaine qui a suivi Pâques n'ont fait qu'atténuer le déficit hydrique dont souffre le Piémont depuis le mois de décembre 2021". Le bulletin de l'Agence régionale pour la protection de l'environnement du Piémont ne diffère guère de celui de toutes ses autres antennes du nord de la péninsule.

Sur l'ensemble bassin du Po, le fleuve nourricier de l'Italie, on y parle de sècheresse "sévère", voire même "extrême"

"Il manque 67 % des précipitations habituelles pour les 5 premiers mois de l'année dans le Piémont", poursuit le bulletin de l'agence (90 millimètres de pluie depuis janvier 2022 contre 270 millimètres en moyenne sur les 30 dernières années). D'où des nappes phréatiques remplies seulement à 26 % de leur capacité. Quant au débit des cours d'eau, il est en chute libre : moins 90% pour les rivières Bormida, Pellice ou Varaita, et moins 80% pour le fleuve Po.

Le lac de Ceresole a disparu

"Imaginez qu'il n'a pas neigé ici depuis le 8 décembre dernier..." Le visage penché vers la fine nappe d'eau qui bouillonne encore au pied du barrage hydro-électrique, orgueil de sa commune depuis presque cent ans, le maire de Ceresole Reale a la mine des mauvais jours.

À 1600 mètres au-dessus de la plaine du fleuve Po, le lac artificiel de Ceresole attire une foule de touristes chaque été. De Turin et même de Milan, on vient y faire du ski de fond en hiver sur la boucle de 18 kilomètres autour du lac, et de la plongée ou de la planche à voile l'été. Le tout sur fond de sommets du parc national du Grand Paradis.

Or, en ces derniers jours de mars : plus une seule trace de neige. "L'an dernier en février, les gens marchaient en raquettes sur le lac", explique l'édile. Aujourd'hui, non seulement il n'y a pas l'ombre d'une plaque de glace, mais pas davantage de trace d'une goutte d'eau. Le lac a, pour ainsi dire, disparu.

La plus grave sècheresse de l'histoire du Piémont ?

En bas, dans la plaine du Po, l'humeur n'est pas davantage au beau fixe. C'est que le fleuve nourricier de toute l'Italie du Nord n'a pas son allure habituelle. En plein cœur de Turin, sur la fameuse rive des "Murazzi" où les "orsi polari" (un groupe de joyeux drilles que le tout Turin connaît sous le nom "d'ours polaires") se baignent chaque début d'année, de véritables îlots de pierres émergent un peu partout. "105 jours depuis décembre sans une seule goutte de pluie", précisait fin mars le bulletin de l'ARPA. 

Et l'on ne peut pas dire que depuis, la situation se soit améliorée. A l'agence, on en est donc maintenant convaincu : "C'est l'une des sécheresses les plus graves de l'histoire de la région".

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Le pays a fait face à son hiver le plus sec depuis près de 70 ans. L'ARPA (l'Agence régionale pour la protection de l'environnement) du Piémont a relevé près de 70 % de précipitations en moins pour les 5 premiers mois de l'année. ©France 3 alpes

"L'augmentation des températures et la succession de périodes sans précipitations combinées au changement climatique déterminent des épisodes de sécheresse toujours plus fréquents. Avec son cortège de conséquences dramatiques sur l'approvisionnement en eau, les activités agricoles et l'environnement en général".

Les agriculteurs de la plaine du Po inquiets pour leurs récoltes

"A priori, ce n'est pas cette année que nous entrerons à nouveau au livre des records..." Devant la photo de la cerise géante (4,3 centimètres de diamètre, pour 33,05 grammes!) qui a valu à son exploitation agricole d'entrer dans le célèbre ouvrage l'an dernier, Alberto Rosso regarde chaque jour avec inquiétude le bulletin météo. Des cerises, il en récolte environ 20 tonnes chaque année. Certainement beaucoup moins d'ici la fin de la récolte en juillet prochain.

 

Car pour la première fois depuis que son arrière-grand-père a commencé la culture des cerisiers dans la région de Chieri (Piémont), voilà qu'il faut arroser dès le mois de mars. "Regardez comme la terre est sèche", s'exclame l'arboriculteur et céréalier de la plaine du Po. "Une année normale, quand je déclenche mon système d'arrosage au goutte-à-goutte, l'eau se diffuse à plusieurs centimètres autour du tronc. Là, la terre est tellement sèche que l'eau fait à peine une petite auréole autour du pied de mes cerisiers !".

"La situation est tellement préoccupante", explique pour sa part Giancarlo Chiesa, le responsable turinois de la Coldiretti (le principal syndicat agricole italien), que "l'on n'a même pas pu apprécier la bonne nouvelle qui nous est venue de Bruxelles ces jours derniers. Vu les incertitudes qui pèsent sur les récoltes de céréales venues de l'est européen, on avait obtenu le feu vert de la commission pour pouvoir planter du blé sur des terres normalement au repos...Finalement, avec cette sècheresse je ne sais même pas si l'on va pouvoir assurer une récolte digne de ce nom dans les champs initialement prévus".

 

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