La Prince Victor Emmanuel de Savoie est décédé ce samedi 3 février à l'âge de 86 ans. Héritier d'une dynastie déchue et exilée après sa compromission avec le fascisme, l'homme a vécu une existence prospère mais entachée d'affaires qui ont fait couler beaucoup d'encre. Retour en images sur ces moments marquants.
Le prince Victor Emmanuel de Savoie était le fils du dernier roi d'Italie. Né en 1937 à Naples, il était le chef de la maison des Savoie qui régna sur l'Italie unifiée de 1861 à 1946 et le fils d'Umberto II, qui n'a occupé le trône que de mai à juin 1946.
Il a quitté l'Italie à l'âge de 9 ans, banni avec tous les descendants mâles de la maison royale par la Constitution de 1946 pour sanctionner la collaboration de son grand-père, Victor Emmanuel III, avec le régime fasciste et la signature des lois raciales. Il n'a pu revenir dans la péninsule qu'en décembre 2002, après la levée de l'exil votée par le Parlement italien. Pour l'obtenir, il avait dû jurer fidélité à la République, un geste auquel il s'est longtemps refusé.
Accusé de meurtre en 1978
Il aura souvent défrayé la chronique, notamment en 1978 lorsqu'il est accusé d'homicide. L'affaire est au cœur de la série documentaire "Dans l'ombre du trône", diffusée à partir de juillet 2023 sur Netflix.
Victor Emmanuel y proteste de son innocence dans la mort d'un jeune plaisancier allemand en Corse, tué d'un tir de carabine. Jugé et acquitté pour ces faits en 1991, il est simplement condamné à du sursis pour port d'arme prohibé.
Le prince, qui résidait pendant l'été sur l'île de Cavallo, dans le sud de la Corse, avait reconnu avoir tiré à deux reprises pour effrayer des touristes italiens et étrangers qui lui avaient emprunté un petit canot pneumatique. Un projectile avait mortellement atteint Dirk Hamer, 19 ans. Le prince avait d'abord admis un tir accidentel, avant de se rétracter.
Accusé d'association de malfaiteurs en 2006
En 2006, il s'était retrouvé impliqué dans une affaire de proxénétisme et de machines à sous qui l'avait conduit une semaine en prison et un mois aux arrêts domiciliaires. Mis sur écoute, il avait confessé avoir "dupé" la cour d'assises de Paris dans l'affaire Hamer. Confronté aux enregistrements, il affirmera d'abord que ses propos ont été déformés, puis, dans le documentaire Netflix, ne jamais les avoir tenus.
Ce documentaire, réalisé par Béatrice Borromeo, une proche de la famille de la victime, rappelle l'appartenance de Victor Emmanuel à la puissante loge maçonnique P2, aux côtés notamment de Licio Gelli, ancien militant fasciste impliqué dans la faillite de la banque Ambrosiano liée à la banque du Vatican.
Il revient aussi sur l'apparition du nom du prince comme intermédiaire dans une enquête sur des ventes d'armes italiennes à des pays du Moyen-Orient. Le magistrat instructeur indique dans la série que son dossier a disparu au bout de six mois...
Retour manqué en Italie en 2003
Après la levée de l'exil en 2002, Victor Emmanuel de Savoie revient à Naples en 2003 mais des heurts éclatent. Son refus de condamner le choix de son grand-père de signer les lois raciales lui est reproché.
"Je n'étais pas né", avait-il déclaré en 1997, "et puis, elles n'ont pas été si terribles", avait-il dit. Victor Emmanuel III, roi d'Italie de 1900 à 1946, avait cosigné et promulgué en 1938 les lois raciales décidées par le dictateur fasciste Benito Mussolini.
Depuis la levée du bannissement, le prince continuait à résider la plupart du temps en Suisse, où il s'était fixé depuis de longues années, et il n'a rien fait pour gagner le cœur de ses compatriotes.
Au contraire, lui et son fils Emmanuel Philibert avaient réclamé en 2007 dans une lettre au président de la République 260 millions d'euros de dédommagements moral pour l'exil subi pendant 56 ans ainsi que la restitution des biens de la famille, confisqués par l'Etat. Les deux hommes ont cependant renoncé face au tollé soulevé en Italie.
L'abbaye de Hautecombe, nécropole familiale
Victor Emmanuel s'était marié civilement en 1970 avec l'héritière d'une riche famille d'industriels suisses d'origine italienne, Marina Recolfi-Doria, championne de ski nautique. Du fait de l'opposition d'Umberto II à ces noces, la cérémonie religieuse s'était tenue l'année suivante en petit comité avec le shah d'Iran pour témoin.
Régulièrement, le prince revenait en Savoie, des visites à Aix-les-Bains et à l'Abbaye de Hautecombe, la nécropole familiale, tombeau d'Humbert II (voir le reportage ci-dessus), située au bord du lac du Bourget.