Choc des cultures devant la cour d'assises de Savoie. Un réfugié tibétain qui comparaît pour le doule assassinat de sa femme et l'amant de celle-ci, semble davantage s'inquiéter de son karma que de la peine de prison qui l'attend. Le procès, débuté ce lundi doit durer trois jours.
Un réfugié tibétain comparaît devant la cour d'assises de Savoie, depuis ce lundi 17 mai, pour le double assassinat de sa femme et l'amant de celle-ci en 2017 à Chambéry. Son attitude à la barre est déroutante. L'homme semble détaché des événements et s'inquiète davantage pour ses prochaines vies.
Le choc des cultures
A l'ouverture de l'audience lundi, l'accusé récite, tranquillement et avec le sourire depuis le box, ce qu'il a répété avant son procès, en français. "Bonjour à tous, je m'appelle Atsok Drudup Tsang..." Puis une interprète lui vient en aide lorsqu'il vient à s'exprimer en tibétain.
Le quadragénaire est accusé d'avoir tué à coups de couteau - près du restaurant asiatique où les trois victimes travaillaient - sa compagne Karma Tsering Garsa Tsang et son ami Dawa Tashi Tsang, qui entretenaient une relation adultérine, et tenté de tuer Kévin Pernet Dit Rosset, un autre salarié de l'établissement nouvellement ouvert, le 26 mai 2017, à Chambéry.
Atsok Drudup Tsang raconte d'une voix monocorde et avec un oeil lumineux lui donnant une expression quasi béate qu'au moment des faits il était "beaucoup, beaucoup énervé", alors que son ami lui avait parlé "de très mauvaise manière". "Je reconnais avoir tué ces deux personnes, mais je n'avais pas le projet de tuer quelqu'un", se défend-il. Kévin Pernet Dit Rosset précise lui à la barre qu'après lui avoir donné un coup de couteau, l'accusé aurait émis "un rire hystérique".
Selon le président Yves Le Bideau, l'accusé a expliqué lors de l'instruction qu'il croyait "à la réincarnation". "Il y a pour lui le haut karma, et le mauvais karma comme lui, qui signifie que sa prochaine vie ne sera pas heureuse."
"Le karma, ce n'est pas le destin ou la fatalité comme on peut le penser, éclaircit à la barre l'aumônier bouddhiste qui rencontre régulièrement le mis en cause à la maison d'arrêt depuis son incarcération. "C'est une réflexion sur les conséquences et les causes de ses actes". "Ce n'est pas une façon de se déresponsabiliser des faits ?", l'interroge alors Me Solène Royon, en défense. "Absolument pas, non."
Voir le Dalaï Lama
"Il veut passer le reste de sa vie à purifier son âme", dépose plus tôt à la barre l'experte psychologue Karine Albanez, qui estime difficile d'interpréter, en fonction de critères psychologiques occidentaux, un discours d'une autre culture.
Elle le considère comme "affecté" par ce qu'il a fait, avec "des remords", mais "il ne se rend pas compte de ce qui l'attend, cela n'a pas de sens pour lui. C'est l'après qui compte pour lui." Après sa peine de prison, Atsok Drudup Tsang dit qu'il aimerait "aller au monastère".
"Il voudrait aller en Inde, se rendre près de sa sainteté le Dalaï Lama et lui demander des conseils", traduit l'interprète. elon l'expert psychiatre Jean Canterino, une "fragilité narcissique" existe chez l'accusé.
Pour lui, il y a dans cette affaire "le mécanisme ultra classique du crime passionnel". La directrice d'enquête a abondé dans ce sens. Décrit par des membres de la communauté tibétaine interrogés lors de l'enquête comme humble, discret, calme, travailleur et ne posant pas de difficulté, Atsok Drudup Tsang voit son retour au pays comme impossible, surtout pour des raisons politiques -il dit avoir été exfiltré après avoir inscrit des slogans anti-chinois sur les murs. "Ce serait le plus grand danger de ma vie".
Le verdict est attendu le 19 mai.