A l'étroit dans son site de production de Chambéry, le savoyard Opinel, fabricant de l'emblématique couteau de poche pliant, investit pour s'agrandir et répondre à la demande sans quitter sa vallée d'origine, marqueur fort de son identité.
Née dans les montagnes de la Maurienne à la fin du XIXe siècle, la ligne de "l'Opinel" - lame en acier, manche en bois et virole - n'a certes pas changé depuis 130 ans, mais elle n'a jamais été aussi populaire.
Pour Opinel, l'acquisition et l'installation d'un nouveau bâtiment représentent "un investissement d'une dizaine de millions d'euros entre 2025 et 2030", détaille Gérard Vignello, le directeur général adjoint à l'AFP.
Une somme importante pour la société familiale présidée par l'arrière-petit-fils du fondateur Joseph Opinel, mais un aboutissement après quinze années de croissance régulière.
15 ans de recherches pour trouver un terrain
En 2009, le chiffre d'affaires a dépassé pour la première fois 10 millions d'euros, et 20 millions en 2015. "Si tout se passe bien, en 2024, on devrait atteindre les 40 millions. Donc on aura quand même quadruplé en 15 ans", souligne Gérard Vignello.
Située aux portes de Chambéry, l'usine actuelle date du début des années 1970. En 2003, le siège a rejoint les ateliers, aux pieds des montagnes, entre les massifs de la Chartreuse et des Bauges.
Aujourd'hui, la production est de nouveau à l'étroit. Pour la société familiale - 160 salariés dont 110 à la production - la satisfaction est grande de pouvoir racheter au cimentier Vicat deux hectares, juste de l'autre côté de la route.
"À partir des années 2010, après avoir connu quelques difficultés dans les années 2000, on a senti que le site allait devenir un peu limité par rapport à nos besoins, donc on a commencé à chercher", explique Gérard Vignello, directeur général adjoint. Avec la crainte de devoir quitter le bassin chambérien, où peu de terrains sont disponibles.
6,5 millions de couteaux par an
Mais finalement, les bonnes relations de voisinage ont payé. L'entreprise fondée en 1890 par Joseph Opinel, le créateur du premier couteau à virole, a vu sa production tomber à 2,5 millions d'unités au milieu des années 2000, avant de rebondir pour atteindre aujourd'hui 6,5 millions.
Un succès lié, selon Luc Simon, également directeur général adjoint, à "une distribution un peu mieux maîtrisée", au "développement à l'export" dans environ 70 pays, et à "des développements de gamme importants" pour conquérir de nouveaux clients.
Dans l'usine de production, à quelques jours des fêtes de fin d'année, les machines tournent 24 heures sur 24, et les salariés meulent, affinent, assemblent. L'espace de stockage a déjà été condensé pour faire de la place à des machines supplémentaires et mieux répondre à la demande.
Enrichir son offre avec d'autres gammes
Échaudée par les contrefaçons, la direction veille jalousement sur le processus de fabrication : la forme courbe du manche a été protégée, la virole qui bloque la position ouverte ou fermée du couteau pliant a été brevetée et la "main couronnée" gravée sur la lame authentifie la qualité "made in Savoie" qui fait sa renommée dans le monde entier.
A près de 90 %, les produits et leurs composants viennent de France - bois du Jura, acier français ou européen -, du Made in France proposé à "des prix raisonnables", se targue Opinel.
L'extension du site doit "nous permettre de pouvoir continuer à développer le volume des produits qu'on fabrique, mais également pour venir ajouter des gammes avec une offre plus large", explique Gérard Vignello.
Car Opinel a enrichi sa gamme de couteaux à tout faire, que ce soit pour la cueillette des champignons, la randonnée, la serpette, ou une édition de Noël mais aussi dans l'univers de la cuisine et de la table. Et au-delà, vers des accessoires en tout genre : éplucheur, gamme pour enfants... En février, le coutelier va sortir un "set barbecue".
"Continuer de faire ce qu'on fait en le faisant encore mieux"
Fort de cette croissance régulière, Opinel se donne des projets "relativement tranquilles", sourit Luc Simon : "continuer de faire ce qu'on fait mais en le faisant encore mieux", notamment sur le remplacement de plastiques par du bio-plastique et des emballages en carton.
"L'idée, c'est de continuer à croître sur un niveau raisonnable", soit un rythme "qui permet de maintenir l'autonomie et l'indépendance", abonde Gérard Vignello.