Alors qu'une étude sur l'isolement des personnes âgées vient d'être publiée par Les Petits Frères des Pauvres, des bénévoles témoignent des difficultés rencontrées dans les territoires de montagne. Des villages où le sentiment de solitude se renforce et l'aide associative peut être mal vue.
Elles sont plus de 4 millions à ressentir la solitude en France. Les personnes âgées sont de plus en plus exposées au risque d'isolement, aussi bien relationnel que géographique, selon une étude publiée par l'association Les Petits Frères des Pauvres lundi 30 septembre. Dans les territoires de montagne, les aînés cumulent les handicaps, racontent ces bénévoles qui donnent de leur temps libre pour aller au chevet des personnes isolées.
"Les gens de la montagne ont une certaine pudeur à demander de l’aide. Le territoire est petit, tout le monde se connaît. C'est difficile de créer des relations avec certaines personnes", explique Marie-Laure Paviet, responsable de l'équipe des Petits Frères des Pauvres des Versants d'Aime (Savoie). Dans ce territoire perdu entre Bourg-Saint-Maurice et Moûtiers, difficile pour les habitants d'affronter le regard des voisins, de la famille, quand arrivent les bénévoles de l'association. "Si l’on est aidé, c’est afficher qu’il y a des manques", résume Marie-Laure Paviet.
Dans quelles #régions de France les personnes âgées ont-elles le plus de risque de se retrouver isolées ?
— Petits Frères des Pauvres (@PFPauvres) September 30, 2019
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Certains hameaux reculés culminent à 1.000 mètres d'altitude, un facteur de risque quand l'hiver arrive et les intempéries avec lui. "Il faut déneiger devant sa maison, il y a des risques de chutes, de prendre froid", liste la bénévole, confiant que la plupart du temps, les personnes âgées dans le besoin sont "des femmes, veuves, signalées par les services sociaux".
"Les voisins ne sont pas des amis"
Le problème de ces personnes vivant dans des coins reculés de la montagne, ce n'est pas les revenus financiers. Beaucoup de ceux à qui l'association vient en aide ont "des revenus supérieurs à la moyenne des personnes accompagnées", explique-t-elle. Mais elles se retrouvent "extrêmement isolées" d'un point de vue relationnel : "Pour les personnes qui ont de la famille, beaucoup de proches ont quitté le département, d’autres sont des saisonniers qui travaillent dans le coin en hiver et ailleurs l’été".
Il y a toujours l'entraide entre voisins qui reste forte dans ces zones rurales, mais ponctuelle. "Comme tout le monde se connaît, il y a aussi des rancoeurs, des inimitiés, du passif et l’écoute ne sera pas neutre (...) Les voisins ne sont pas des amis", estime la bénévole. Face à une solitude grandissante, certaines personnes âgées "font le vide autour d'elles", raconte Marie-Laure Paviet. Alors il s'agit de leur apporter un peu de réconfort et de bien-être. "Il y a cette dame qui adore qu'on lui mette du vernis à ongles. C’est tout bête mais personne ne le lui faisait", se rappelle-t-elle.
Mai l'une des difficultés reste de repérer ces personnes âgées isolées qui, parfois, "ne sont pas signalées par les services sociaux et les partenaires". Un dénominateur commun avec la capitale de la Savoie, Chambéry, où un grand nombre d'aînés soutenus par les Petits Frères des Pauvres est "issu des vagues d’immigration des années 60". Et en vieillissant, ces personnes se trouvent de plus en plus isolées ; souvent à cause des "distances familiales, des proches partis s’installer ailleurs, et il peut aussi exister de grosses difficultés intra familiales", liste Jean-Louis Beratto, bénévole de l'équipe du bassin chambérien.
"Urgence humaine et territoriale"
"Dans les immeubles anciens du centre-ville, de plus en plus de personnes âgées se retrouvent isolées, entourées d’autres personnes âgées isolées dans des immeubles (...) Et ce n’est pas facile de faire la connexion entre ces personnes qui ne sortent pas", résume le bénévole. Un isolement qui crée un sentiment de nostalgie chez ces aînés qui se retrouvent dans un quartier "qu'ils ne reconnaissent plus", avec leurs amis qui disparaissent et les autres qu'on perd de vue avec le temps. "Face à cette anonymisation de leur vie, elles deviennent méfiantes et inquiètes", note Jean-Louis Beratto.
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Pour conjurer le sort, les bénévoles des Petits Frères des Pauvres organisent des activités avec ces personnes isolées et leur prêtent une oreille attentive. Une aide essentielle mais dérisoire face au "manque de politique publique" qui serait nécessaire, selon la déléguée générale de l'association Armelle de Guibert, pour conjurer l'"urgence humaine et territoriale" que constitue l'isolement des personnes âgées.