"Si j'avais été scolarisée ailleurs, je n'aurais pas eu d'amis" : en Savoie, un institut accueille des enfants sourds et malentendants depuis 180 ans

En Savoie, depuis presque deux siècles, l'Institut national des jeunes sourds (INJS) de Cognin en périphérie de Chambéry offre une scolarisation adaptée aux enfants sourds et malentendants. Une institution rare puisqu'il ne compte que trois autres équivalents en France. Une opération portes ouvertes y a lieu ce vendredi 24 mars.

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Ce sont des générations d'enfants sourds et malentendants qui sont passés par l'Institut national des jeunes sourds de Cognin (Savoie) depuis sa création, en 1840, par une religieuse. Elle accueille alors, exclusivement des jeunes filles sourdes. Un institut voisin, pour garçons celui-là, est créé deux ans plus tard avant d'être installé à Cognin en 1863.

Devenu Institut national de sourds muets sous la IIIème République, ce n'est qu'à l'issue de la Première Guerre mondiale qu'il devient Institut National des jeunes sourds, avec ses homologues de Bordeaux, Paris et Metz.

260 jeunes scolarisés chaque année

Pour ce qui est des effectifs, si à la fin des années 1970, l'Institut savoyard accueille encore 450 élèves, il en accompagne de nos jours environ 260 chaque année. Des élèves qui sont, soit scolarisés sur ses sites de Cognin (73) ou de Bonneville (74), soit suivis par ses enseignants dans des classes labellisées INJS en maternelle, primaire, collège ou lycée, soit directement dans leurs écoles de secteur.

"Il y a désormais toutes sortes d'accompagnements possibles en fonction du parcours du jeune", souligne Sandrine Dursapt, chef de service du pôle insertion sociale et professionnelle de l'Institut national des jeunes sourds de Cognin en Savoie. Il y a 10 ans de cela, on parlait encore d'intégration des sourds, maintenant on est clairement sur des politiques d'inclusion. C'est à dire que les enfants doivent, dans la mesure du possible, être scolarisés en milieu ordinaire avec des aides adaptées à leurs problématiques".  

Mais pour tous les jeunes sourds, petits ou grands, qui ne peuvent suivre les cours dans des écoles "classiques", l'Institut savoyard est là. Pour les élèves sourds et malentendants de la région (à 60%) mais également d'autres régions françaises. 

Le monde du silence, un monde en soi

"Nos élèves viennent d'abord pour une formation professionnelle qu'ils ne trouvent pas ailleurs, et surtout pour profiter du confort d'un enseignement dispensé dans leur langue (LSF : langue des signes française ou LPC : langage Parlé Complété. NDLR). C'est beaucoup de fatigue en moins pour eux", explique encore Sandrine Dursapt.

Un risque réduit aussi de se heurter aux murs de l'isolement. Une ultime frontière de la surdité évitée par Jade, âgée de 18 ans et actuellement scolarisée en CAP menuisier à l'INJS de Cognin, (traduite par un de ses professeurs). "Mes parents, sourds et muets, se sont rencontrés ici, à l'institut. Comme moi aujourd'hui, ils ne communiquaient qu'en langue des signes entre élèves et même avec les professeurs entendants et c'était vraiment ça le principal".

Si j'avais été scolarisée ailleurs, je n'aurais pas eu d'amis. Car avec les entendants, souvent on ne se comprend pas. Nous, on est dans le monde des sourds.

Jade, 18 ans élève en CAP menuiserie

Davantage que le seul choix d'une formation professionnelle, c'est donc aussi un chemin de vie, de socialisation dans la cité que les jeunes sourds viennent chercher à l'INJS. Pour repousser toujours plus loin les frontières du monde du silence. 

Opération portes ouvertes

Ce vendredi 24 mars, l'INJS ouvre ses portes au public. "En fait, pour les Chambériens, ça reste un mystère l'INJS. Il est là, dans le décor, mais qu'est-ce qu'il y fait ? On sait pas trop !" 

Même pour un institut présent dans la banlieue de Chambéry depuis presque deux siècles, une opération communication, ça ne peut pas faire de mal, si l'on en croit Sandrine Dursapt.

"Cette journée portes ouvertes, elle nous permet, au moins une fois par an, de recevoir les professionnels qui, toute l'année, accueillent nos élèves dans leurs entreprises. Nos partenaires et puis aussi, bien sûr, des familles qui seraient intéressées pour une scolarisation future de leurs enfants".

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