Si franchir la frontière entre la France et l'Italie fait figure de banalité, il n'en a pas toujours été ainsi. L'exposition présentée par le service patrimoine du département de la Savoie entend "déplacer les bornes" de la connaissance sur la vocation de "portiers des Alpes" des Savoyards.
"Emprunter la frontière du département de la Savoie, c'est être devant une formidable vitrine de notre histoire et de nos territoires." Pour Jérôme Durand, le chef du service conservation du patrimoine du département de la Savoie, l'exposition "Déplacer les bornes, histoire de frontières en Savoie" ouverte depuis le 24 juin à la Grange batelière de l'abbaye de Hautecombe, c'est un peu le soleil d'été qui illumine la grande histoire de la Savoie.
Baluchon sur le dos, de Lyon à Turin
Après avoir accueilli sur les bords du lac du Bourget pendant trois étés consécutifs l'exposition "Mines de montagne", qui a rassemblé 60 000 visiteurs, c'est le fruit de plus de deux ans de travail du service patrimoine du département qui se trouve enfin présenté au public pour les deux étés qui viennent.
"Avec les scénographes de l'exposition, on est allé jusqu'à reconstituer une guérite de douanier pour évoquer les contrôles à la frontière", explique Jérôme Durand. "Aujourd'hui, on en a perdu l'habitude, mais elles étaient des points de passage cruciaux autrefois pour les voyageurs".
Des voyageurs de l’Antiquité jusqu’à 1947 (date de la dernière rectification de la frontière savoyarde), dans les pas desquels les visiteurs de l'exposition sont d'ailleurs invités à marcher.
"Un parcours famille permet aux plus jeunes de se mettre dans la peau d'un colporteur qui doit se rendre à Turin. Il suffit de prendre son petit baluchon à l'accueil et il y a ensuite une série d'épreuves à passer. Par exemple, franchir la douane avec ses marchandises ou rendre visite à sa famille turinoise".
Matérialiser une frontière mouvante
Autant d'aventures sur la frontière qui permettent de matérialiser une ligne de partage des territoires des plus mouvantes. Au cours de la grande histoire, des traités de paix, qui finissent toujours par sanctionner les conflits entre les hommes.
Pour comprendre l’évolution des frontières, leur bornage, les visiteurs sont ainsi invités à manipuler des documents cartographiques, ou même diplomatiques.
Une autre étape leur donne l'occasion de faire le tour des nombreuses fortifications de la ligne frontière savoyarde. Pour mieux comprendre comment on a rivalisé d'ingéniosité afin d’adapter, par exemple, au relief alpin, les forts de l'Esseillon de la Haute Maurienne au XIXe siècle, ou ceux de la "ligne Maginot des Alpes", en Tarentaise, au siècle dernier.
"Cette exposition, c'est aussi une invitation à aller découvrir tous nos grands cols : le petit Saint-Bernard, le mont Cenis, explique enfin le chef du patrimoine du département. Mais aussi l'avant-pays savoyard avec des structures qui parlent très bien de la notion de frontière, qu'il s'agisse de l'Espace Mandrin de Saint-Genix-les-Villages, ou encore du musée de la frontière de Modane".
Cette exposition est là pour le prouver : tous les chemins frontaliers semblent faits pour ramener les Savoyards à leur vocation originelle de "portiers des Alpes"
Déplacer les bornes - Histoire de frontières en Savoie : à la Grange batelière de l’abbaye d’Hautecombe. Exposition ouverte tous les jours jusqu'au 24 septembre (excepté le mardi) de 13 heures 30 à 18 heures.