Une cinquantaine d'élus des hautes vallées de la Savoie, des Hautes-Alpes et du Piémont se sont réunis mardi à Cesana Torinese (Piémont) afin d'intensifier leur collaboration. Objectif, faire de leur conférence des hautes vallées un instrument qui permette à leur territoire de devenir autre chose qu'une zone de grand passage.
"C'est fou comme l'intérêt pour notre conférence des hautes vallées croît à mesure que l'on se rapproche de la frontière". Au lendemain de la réunion, en terre italienne, de ses élus des hautes vallées, Maurizio Beria d'Argentina, le président de la conférence, fait remarquer avec une pointe d'humour l'aspect central de la notion de frontière dans les débats qui ont eu lieu mardi 15 novembre.
"Je ne vois pas pourquoi, à l'heure actuelle, moi qui habite à une poignée de kilomètres de la frontière française, je dois aller me faire hospitaliser à Turin pour une pathologie que l'on soigne peut-être beaucoup mieux à l'hôpital de Briançon ou de Saint-Jean-de-Maurienne, par exemple. Pendant les Jeux de Turin, souligne-t-il, l'hôpital de Briançon avait d'ailleurs été intégré à la carte sanitaire des urgences. Mais ça n'a duré que le temps des JO."
Une interface entre Europe et régions
"Dans ma commune de Saint-Jean-de-Maurienne, expose pour sa part Philippe Rollet, nous sommes en pleine phase réaménagement de la place de la cathédrale. Et il est beaucoup plus facile de trouver des contacts avec des entreprises chinoises qu'avec des sociétés qui sont parfois juste de l'autre côté de la frontière."
C'est justement pour faciliter ce genre de contacts, faire travailler les hautes vallées italiennes et françaises en réseau, que cette conférence a été créée il y a une vingtaine d'années.
Une présence discrète, un échelon intermédiaire entre l'Europe, les régions Piémont et Auvergne-Rhône-Alpes. Et que l'on retrouve derrière quasiment tous les grands programmes engagés par l'Union européenne, qu'ils s'appellent Alcotra, Piter ou autres.
"On parle beaucoup des programmes transfrontaliers entre grandes villes, comme Chambéry et Turin par exemple, explique Jean-Claude Raffin, le maire de Modane. Mais nous, c'est tous les jours qu'on est confronté à la notion de frontière. Il est donc temps que nous, les frontaliers, on se regroupe de façon plus visible."
Une structure fixe avec vue sur l'Europe
Face à des régions énormes, qu'elles s'appellent Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur ou Piémont, les élus de la conférence veulent donc peser davantage. Les pistes de réflexions exposées mardi passent notamment par le passage d'une formule associative à un regroupement en collectif européen. "Un peu dans le style de l'Espace Mont-Blanc entre Haute-Savoie, Vallée d'Aoste et Valais suisse", ajoute Jean-Claude Raffin.
Elle permettrait à la conférence des hautes vallées d'avoir pignon sur rue avec une structure fixe et des employés voués entièrement à défendre les projets des territoires auprès des régions et de l'Union européenne dont les appels à projets pour les programmes de financement de fin de décennie sont en cours d'élaboration.
"En ce concerne nos thèmes de réflexion, il y en a un qui est évident pour tout le monde, c'est celui de la mobilité, poursuit Philippe Rollet. Avec l'arrivée de la ligne Lyon-Turin à l'horizon 2030/2032, il ne faut pas que nos territoires soient cantonnés à l'image de zones de grands passages. L'idée, c'est d'en faire une destination".
Une révolution nommée Lyon-Turin
Car, avec la future ligne ferroviaire transalpine, c'est une véritable révolution que vont vivre ces territoires. Les grands chantiers actuels de Saint-Jean-de-Maurienne n'étant qu'une avant-première des mutations à venir.
Pour les gares de Modane et son homologue piémontaise de Bardonecchia, comme pour celle de Oulx qui dessert les stations de ski comme Sestrière et jusqu'à Serre-Chevalier, l'arrivée du tunnel de base va tout changer. "On ne pourra pas dire au vététiste en vacances dans nos stations et qui veut redescendre côté italien : 'tu vas prendre le TGV pour rentrer', argumente le maire de Modane. Il faudra bien qu'une desserte de train local lui permettre de le faire".
"Ce n'est pas la frontière qui nous divise, mais l'utilisation qu'on en fait", complète-t-il. Et ces besoins d'aide à la mobilité sont loin d'être les seuls sur cette frontière entre France et Italie.
"En matière de défense de l'environnement, précise encore Maurizio Beria d'Argentina, il faut voir les difficultés qu'éprouvent les services d'incendie français et italien à travailler ensemble en cas d'incendies de forêt, par exemple. Ils ne fonctionnent pas pareil, n'ont pas les mêmes matériels. Ce n'est pas la frontière entre nos deux pays que nous voulons remettre en cause, c'est simplement l'usage qu'on en fait au niveau opérationnel." La conférence des hautes vallées se réunira à nouveau au début de l'année prochaine.