A l'heure où l'on parle d'une nouvelle candidature des alpes françaises aux Jeux olympiques de 2030, la volte face de la capitale piémontaise ne peut qu'interpeller. Turin vient de proposer ses services au duo désigné pour organiser les JO de 2026. L'occasion de belles "prises de becs" à l'italienne.
"Turin est sortie comme une grande par la porte et elle veut rentrer à nouveau, mais par la fenêtre, et en catimini cette fois ! "
Selon que l'on s'éloigne ou pas de la capitale piémontaise, les commentaires de la presse italienne se sont fait plus ou moins ironiques pour évoquer la "volte-face", l'opération "machine arrière" tentée par Turin ces derniers jours.
Alors que le tandem Milan/Cortina a été désigné il y a presque un an et demi par le CIO (Comité International Olympique) pour organiser les JO d'hiver de 2026. Alors, qu'en 2018, la maire de Turin, poussée par sa majorité populiste du parti 5 étoiles, avait purement et simplement retiré la candidature de sa ville. Voilà Turin qui réveille son vieux rêve olympique, jamais vraiment éteint depuis ses JO de 2006 !
Pour Turin, "les jeux ne sont pas faits"
Début novembre, à l'occasion d'une conférence de presse commune, l'union sacrée entre le nouveau maire de Turin, de centre gauche, et le président de la région Piémont, de centre droit, a été savamment mise en scène pour tourner la page de la maladresse turinoise. Trois ans déjà, un siècle pour les déçus du Piémont.
"Pour nous", a déclaré d'emblée Alberto Cirio, le président de la région, "les jeux ne sont pas faits. Et ne dites pas que nous rêvons, car nous avons tous les deux bon espoir d'être entendus. Sur des points aussi concrets que le financement de l'événement et les temps de construction des ouvrages à réaliser, nous avons de réels arguments à faire valoir".
300 millions d'euros d'économies possible grâce à Turin 2006
Une façon de mettre en avant l'argument du Piémont, celui de l'héritage olympique.
Bien avant la victoire à la mairie de Turin d'une nouvelle majorité, le vice-président aux sports et au tourisme de la région avait préparé une étude portant sur les avantages financiers qu'une remise sur les rails du trio "Milan-Cortina-Turin" pourraient permettre.
En restaurant la piste de bob des Jeux de 2006 à Cesana-San Sicario, au lieu d'en construire une toute neuve à Cortina pour 70 à 80 millions d'euros, en réutilisant les tremplins de saut de Pragelato, en utilisant l'Oval (la patinoire des jeux de Turin) au lieu de construire un nouveau palais des glaces pharaonique dans une petite commune du Trentin. Au total, l'enveloppe budgétaire des jeux pourrait se trouver allégée de quelques 300 millions d'euros !
"Pour moi, la question du retour de Turin ne se pose pas"
Un chiffre à faire douter plus d'un organisateur d'olympiades. D'autant mieux d'ailleurs, si l'on ajoute au gain financier celui de l'impact environnemental nettement réduit que permettrait la réutilisation d'anciens équipements olympiques.
Pourtant, on ne peut pas dire que l'opération "séduction" des deux édiles piémontais ait été accueillie avec enthousiasme.
"Pour moi, la question ne se pose pas", a d'abord commenté sèchement le maire de Milan. "Je dirais même que la parenthèse est fermée avant même de se rouvrir", a-t-il eu l'occasion d'ajouter dès le lendemain, comme pour mieux enfoncer le clou fermant la fenêtre par laquelle la voisine turinoise voulait se glisser.
"Après tout, personne n'a voulu exclure Turin, à part elle-même. Maintenant, notre dossier est bien trop avancé. Il faut que Cirio (région Piémont) et Lo Russo (ville de Turin), se fassent une raison et qu'ils cessent d'insister. Je sais bien que nous sommes dans un pays où il faut toujours discuter de tout. Si c'est leur façon de faire, ce n'est pas la mienne ! "
Derrière la dureté des mots, un patriotisme de clocher qui ne résistera pas aux retards endémiques des grands événements
Une apparente fin de non recevoir, qui ne doit toutefois pas masquer l'alternative représentée par un éventuel retour en grâce de Turin. Surtout en cas de retard dans le calendrier des grands chantiers à mettre en oeuvre avant le jour J de l'ouverture des jeux de Milan-Cortina.
Présente ces jours-ci à Turin pour l'ouverture des finales ATP (Association of Tennis Professionals), Valentina Vezzali, la ministre des sports italienne a rappelé que le patron chargé d'organiser le calendrier des grands chantiers serait nommé avant la fin du mois de novembre. Et qu'ensuite, il faudrait courir pour boucler les travaux à l'heure dite. Ce qui n'est pas toujours le point fort des grands événements "made in Italy". La coupe du monde 90 ou encore l'Expo Universelle de Milan en sont les meilleurs exemples. En 2015, le pavillon Italie n'avait été achevé qu'après l'inauguration de l'événement !
"Il était de notre devoir de faire connaître notre disponibilité à donner notre aide", a simplement commenté le maire de Turin devant la violence du "Non" milanais.
"Nous sommes tous les deux arrivés aux responsabilités après que Turin ait renoncé aux Jeux de 2026", ajoutait pour sa part le président de la région. "Mais ce qui est certain, c'est que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour revenir dans la course ! "
Quid de l'attitude de Rome ?
A défaut de pouvoir convaincre leurs homologues vénitiens et lombards, c'est vers Rome que convergent maintenant les regards des Piémontais. Vers le président du Comité National Olympique qui aura fort à faire si d'aventure il prenait le parti de renouer les fils entre régions du nord-est et du nord-ouest italien. En sachant que pour changer de lieu un site de compétition, il faudrait rassembler les deux tiers des votes du Comité d'organisation, dont les membres sont issus du CONI et des collectivités territoriales.
A moins que Vénitiens et Lombards ne renoncent d'eux-mêmes à certaines épreuves, trop lourdes à organiser, trop impactantes pour leurs montagnes, il semble difficile au Piémont de récupérer de grands rendez-vous des JO de 2026. Le bob, quelques épreuves de patinage de vitesse, quelques entraînements d'équipe nationales peut-être ? Ou pas?
Il en va des olympiades comme il en va de la grande Histoire : au menu des grands moments, les plats ne repassent que rarement deux fois !