L'ancien Président de la Société d'histoire naturelle de la Savoie a été condamné à 3 000 euros d'amende pour avoir capturé des espèces protégées de papillons. Michel Savourey assume cette peine, mais il estime que la loi est mal faite.
Pris, la main dans le sac, Michel Savourey a du mal à digérer cette condamnation qu'il accepte malgré tout, la boule au ventre. "Ca fait une tâche sur ce que je suis, reconnait l'ancien Président de la Société d'Histoire Naturelle de la Savoie, je sais que certains ne vont pas chercher à comprendre, mais si j'ai enfreint la loi, c'est sciemment, je ne suis pas un collectionneur-chasseur."
En dépit de la loi, cet entomologiste reconnu a collectionné 1237 spécimens de 14 espèces de papillons protégés. Une collection au fil du temps, capturée durant 40 années, ci et là en Savoie. Pour ce délit, Michel Savourey a été condamné par le Tribunal d'Albertville, hier mercredi 17 juin 2020, à 6 000 euros d'amende dont 3 000 avec sursis. Il doit également verser 300 euros à la Ligue de Protection des Oiseaux et 1 euro symbolique à France Nature Environnement, toutes deux parties civiles dans cette affaire.
"Je reconnais les faits, déclare l'entomologiste Mauriennais. J'ai enfreint la Loi, en toute connaissance de cause, mais pas n'importe comment. Je prélévais quelques individus pour pouvoir les analyser et constituer une "entomothèque" des espèces de Savoie." Et d'ajouter que, grâce au développement des recherches génétiques, ces papillons, mis en collection raisonnable, dont certains ont peut-être disparus, pourraient faire l'objet d'études scientifiques.
Et pour justifier sa bonne Foi, Michel Savourey sort sa calculette. "Sur 116 individus de 10 espèces différentes prélevés entre 2013 et 2019, cela fait deux papillons de la même espèce par an, martèle l'entomologiste, rien à voir avec le nombre d'animaux massacrés par les bulldozers du chantier du TGV Lyon-Turin qui eux, ne sont pas inquiétés par la Loi, et je ne parle pas des pesticides ou de la pollution."
Toujours pour sa défense, l'entomologue précise que ses "captures" lui ont permis de mettre en évidence des faits scientifiques sur les papillons et notamment deux espèces souvent confondues, erebia sudetica et erebia melampus (voir photos) Indiscernables à vue, et nécessitant capture et dissection. "J'ai pu, grâce à leur présence en collection, rapidement préciser les répartitions géographiques alpines qui jusque-là étaient incorrectes, vu que ces deux espèces étaient confondues sur le terrain."
Au passage, le scientifique souligne le déclin vertigineux des espèces de papillons ou d'insectes dû au changement du climat, qui désoriente la nature, citant les éclosions précoces de papillons qui ne trouvent pas de fleurs à butiner ou encore les chenilles qui naissent trop tôt dans la saison à cause des pics de chaleur et qui ne trouvent pas leurs plantes nourricières. Il souligne aussi la disparition d'oiseaux comme les chardonnerets qui ont disparu du Corbier en Maurienne. "Il n'y a plus que des merles".
"Je n'ai pas participé à la destruction d'une espèce ou une autre, ni d'un biotope, et je crois que la juge l'a bien compris."Pour preuve, Michel Savourey rappelle que l'avocat général réclamait une interdiction de chasser pendant 5 ans et au final, "je n'ai écopé que d'une petite amende, et pourtant, ils ont fouillé mes comptes bancaires pour vérifier que je n'ai pas vendu de collection."
Un peu meurtri par cette condamnation, d'autant plus qu'il a été dénoncé par un membre actuel de la Société d'Histoire naturelle de la Savoie (qu'il a lui-même présidé durant 5 ans), Michel Savourey relativise et se console par le fait que sa collection "illégale" sera donnée à la Société, habilitée en tant que Fondation à recevoir les saisies des douanes. "J'avais de toute façon l'intention d'en faire don à la fondation, j'ai fait cela dans un but scientifique et citoyen, jamais pour m'enrichir."
Epinglé pour des papillons épinglés, un comble ?
Michel Savourey
Né le 3 mai 1947 à Juvisy sur orge (91)Etudes d'ingénieur (génie civil) à l'Ecole centrale de Lyon de 1967 à 1970, DEA de mécanique des Sols à la faculté de Grenoble.
Professeur de Mathématiques (Physique-Chimie et Technologie) en Lycée, puis Collège à l'Institution St Joseph de St Jean de Maurienne de 1972 à 2010 (et passage 5 ans à Chambéry en collège et BTS).
Retraité en 2010.