Stéphane Bulle, médecin des équipes de France de ski, appelle dans un entretien mardi à l'AFP à un "décorticage scientifique" des récentes blessures
en série chez les Français (Worley, Rolland, Mougel, Vaultier...). Il rappelle au passage la nature même du ski, un "sport dangereux" selon lui.
Dans un entretien accordé à l'Agence France-Presse, le médecin de l'équipe de France de ski revient sur les blessures à répétition de ses champions. Il appelle à un "décorticage scientifique" de ces accidents et rappelle que, par essence, le ski est un "sport dangereux".
- Worley, Rolland, Mougel chez les filles, Vaultier, Midol, Place chez les garçons, comment est le moral des troupes après toutes ces blessures à 40 jours des JO de Sotchi ?
"Le moral est globalement bon. Les athlètes ne sont pas 'suraffectés' par ces blessures car beaucoup ont été blessés eux-mêmes et qu'ils savent que cela
fait partie du ski. Il ne faut pas perdre de vue que le ski est un sport dangereux où on va très vite. Après, c'est vrai que cette année, on n'a vraiment pas de chance."
- Y a-t-il une explication plus profonde à ces lésions en série?
"On va devoir se pencher sérieusement sur ces blessures, les décortiquer pour voir si on ne trouverait pas un facteur commun qui pourrait les expliquer. Je ne
suis pas du tout sûr qu'on en trouve un, mais il faut essayer. Mais le décorticage qu'il va falloir faire est scientifique: il va falloir revoir les images, en parler
avec les coaches, les athlètes blessés... La réponse qu'il faut qu'on donne aux athlètes doit être scientifique, ce n'est pas une réponse de comptoir dont ils
ont besoin."
"Les athlètes blessés ne coupent pas le cordon avec le groupe"
- Cela signifie qu'il est trop tôt pour donner un début d'explication?
"Oui, je veux engager une vraie réflexion qui concerne les médecins, les préparateurs physiques, la Fédération française, mais probablement aussi la Fédération internationale.
Pour l'instant, on a le mauvais oeil à la fédération française, mais d'autres nations pourraient aussi être concernées."
- Qu'est-ce qui pourrait être en cause? Le matériel, les tracés des épreuves?
R: "Ce serait bien si on pouvait rejeter la faute sur le matériel. Mais on a du ski, mais aussi du skicross (Midol), du snowboardcross (Vaultier). Ca touche beaucoup de disciplines. S'il peut y avoir une composante matériel, elle n'est donc pas unique. A mon avis, on est sur quelque chose de 'multifactoriel' et en tant que tel, c'est toujours beaucoup plus compliqué à étudier."
- Quel impact peuvent avoir ces blessures sur le reste des athlètes? Ils peuvent hésiter, gamberger?
"Hésiter, je ne pense pas, très honnêtement. En équipe de France on a quand même de vrais pros. Quand vous hésitez dans un slalom, c'est un vrai problème pour
y aller et prendre la pente. Mais je redoutais que ça les rende tristes. Heureusement, cette possible tristesse est atténuée par le fait que les athlètes blessés ne coupent
pas le cordon avec le groupe. Par exemple, Marion Rolland est venue voir ses copines à Val d'Isère l'autre jour. Il y a une persistance de l'athlète au sein de son
groupe et ça, ça aide. Maintenant, il va falloir que les filles se reconstruisent rapidement parce que Sotchi arrive."
- Est-ce que l'exemple de skieurs comme Grange ou Lizeroux, qui étaient lourdement blessés et sont revenus cette saison, peut également être un réconfort?
"Oui. Une fille comme Tessa (Worley) sait qu'elle peut revenir rapidement au devant de la scène à la lumière d'un Grange ou d'un Lizeroux. Les gens qui ne connaissent
pas bien le ski ne se rendent pas compte de la prouesse qu'a réalisée Lizeroux de rentrer dans les 30 en deuxième manche de son slalom de rentrée (à Levi, ndlr). Tessa a dit elle-même après sa blessure qu'elle savait qu'elle pouvait revenir plus forte, et ça c'est important. Et c'est vrai: chaque fois qu'on remet un athlète sur des skis, on a l'impression qu'il est plus fort".