Une secrétaire d'Etat, un Commissaire européen... le campus Minatec de Grenoble accueille, ce lundi 19 mai, le Sommet KETs. KETs-ce que c'est? Les "Key Enabling Technologies" ou technologies clés génériques doivent redonner à l'Europe sa compétitivité industrielle.
Geneviève FIORASO, secrétaire d'Etat en charge de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et Michel Barnier, Commissaire européen, sont à Grenoble pour un Sommet qui ne dira pas grand chose aux non avertis. Et pourtant, il y est question des technologies d'avenir. Celles que l'Europe entend favoriser pour enrayer la perte progressive de compétitivité de son industrie.
Ces technologies "clés prioritaires" sont au nombre de six. Il y a les nanotechnologies, la micro & nanoélectronique, la photonique, les matériaux avancés, la biotechnologie industrielle et les systèmes de production avancés. Des technologies qui bercent aujourd'hui notre quotidien. Le téléphone portable en est le plus bel exemple.
Encore faut-il être capable de convertir nos connaissances en produits compétitifs sur le marché! C'est ce qui pose le plus souvent problème.
Reportage Frédéric Lefrançois et Dominique Bourget
L'Union Européenne est l'un des leaders mondiaux en matière de recherche et développement des KETs (32% des brevets en 2008), mais elle souffre d'un handicap en termes de production: les brevets européens sont souvent exploités en-dehors de l'UE, notamment en Asie.
L'idée, au cours de ce Sommet grenoblois, est donc de montrer aux entrepreneurs qu'ils peuvent transformer des découvertes scientifiques en produits et services innovants.
>>> Voir aussi - Les Technologie Clés Génériques (KETs), de belles opportunités pour les PME industrielles européennes
Les KETs sont également synonymes d'une belle enveloppe financière attribuée à ces entreprises qui cherchent des débouchés aux trouvailles européennes, c'est le cas pour ST Microelectronics. Son président Thierry Tingaud était l'invité du 12/13 de France 3 Alpes.
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Le discours de Geneviève Fioraso
"Les KETs représentent un enjeu essentiel pour notre recherche et pour notre industrie. Le soutien aux KETs vient combler une faiblesse dans le panorama des dispositifs d’accompagnement pour franchir la « vallée de la mort » si souvent décrite. Cette vallée est celle qui sépare le champ fertile de la recherche fondamentale du marché industriel.La recherche fondamentale est, dans tous les sens du terme, fondamentale, car elle est au coeur de notre patrimoine intellectuel et est la source d’avancées majeures dans les domaines sociétaux comme technologiques. Elle est la source des innovations de rupture. N’oublions pas que le prix Nobel de Physique attribué à Albert Fert en 2007 a donné lieu à des applications pour améliorer la performance des disques durs d’ordinateurs. La recherche fondamentale, comme l’a réaffirmé récemment le Président de la République, nous voulons la préserver.
Mais nous avons aussi besoin de développer notre recherche technologique, pour apporter un soutien direct à la montée en gamme de nos produits et de nos services. L’innovation stimule la croissance, améliore notre compétitivité sur la scène internationale et permet d’augmenter nos exportations. La recherche technologique concourt ainsi au dynamisme de l’industrie, à la croissance, à l’emploi.
Nous sommes confrontés, depuis des années, à une désindustrialisation néfaste pour la France et pour l’Europe, en particulier dans le domaine de l’industrie manufacturière. Depuis les années 1980, l’emploi dans l’industrie est passé de 5 à 3 millions d’actifs, et la quasi-totalité de ces pertes a touché l’industrie manufacturière. Rappelons qu’aujourd’hui la part de l’industrie dans la PIB de la France n’est plus que de 11%. Dans le même temps, la compétitivité de l’industrie n’a cessé de régresser. La part des exportations de la France dans la zone euro a reculé depuis les années 2000.
Cette désindustrialisation entraîne l’augmentation du chômage, augmente le déficit et la dette publics, et fragilise le potentiel d’innovation. Mais ce n’est pas une fatalité, et nous devons poursuivre nos efforts pour que cette tendance s’inverse.
Grâce aux recherches sur la micro-nanoélectronique, les nanotechnologies, la photonique, les biotechnologies, les matériaux avancés et les procédés avancés de fabrication, nous allons pouvoir répondre au défi de la désindustrialisation de la France mais aussi de l’Europe, et renforcer le poids de l’Europe dans la compétition internationale en matière de recherche, d’innovation et d’industrie.
La dynamique initiée par la recherche sur les KETs repose sur les trois grands piliers du programme établi par le groupe de haut niveau : la recherche technologique, le développement, l’industrie manufacturière à valeur ajoutée. Pour que cette dynamique soit possible, il faut ainsi que l’industrie puisse bénéficier des travaux d’excellence de nos chercheurs et que la recherche se tourne vers le marché et innerve l’ensemble du tissu industriel. Ce sont ces liens renforcés entre recherche technologique et industrialisation qui permettront ce renouveau industriel tant attendu.
La Commission européenne a joué un rôle moteur pour répondre à ce défi de la désindustrialisation de l’Europe, en faisant de la primauté industrielle un des grands objectifs du programme de recherche Horizon 2020. Et je voudrais saluer le travail qui a été fait pour la recherche et pour l’industrie européenne. A quelques jours des élections européennes, il faut rappeler que l’espace européen de la recherche est une réalité et que c’est un atout pour le dynamisme de notre recherche et de notre industrie.
Nous devons nous mobiliser pour faire bénéficier tous nos territoires de ces crédits européens qui permettront d’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire de la recherche technologique et de l’industrie.
Des initiatives récentes de la Commission européenne encouragent le financement de l’innovation et facilitent les procédures de financement, et c’est une très bonne chose. Nous attendons aussi avec intérêt le résultat des premiers appels à projet dans le cadre d’Horizon 2020 sur les KETs et la mise en place de plusieurs lignes pilotes.
Le financement de ces programmes ambitieux de recherche technologique reste toutefois souvent difficile, en particulier lorsqu’il s’agit d’articuler le financement proposé dans le cadre d’Horizon 2020 avec les financements des fonds structurels. Et j’espère, comme de nombreux chercheurs et industriels, que le guide devant favoriser ces montages financiers complexes paraîtra bientôt. Il faut que les procédures de financement ne soient plus un obstacle à la mise en place de programmes de recherche ambitieux et prometteurs.
Dans une compétition internationale féroce et parfois déloyale, nous espérons aussi que l’Europe saura trouver les moyens de protéger son industrie. C’est l’avenir même de la puissance européenne qui est en jeu.
Cette politique qui fait de la recherche technologique le coeur de la compétitivité industrielle et technologique est une politique que j’ai moi-même défendue lorsque j’étais députée. Et je continue à la défendre en tant que secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Vous vous souvenez que les KETs ont obtenu un budget prévisionnel de 6 milliards d’euros dans le futur programme européen de recherche de d’innovation, Horizon 2020. Ce renouveau industriel, nous devons le financer ensemble : l’Europe, les États, et les régions. C’est la raison pour laquelle les KETs sont inscrits dans l’agenda stratégique France Europe 2020 et dans la Stratégie nationale de recherche que j’ai lancée dans la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche.
Stimuler le renouveau industriel est un des dix défis de la Stratégie nationale de recherche. Et ce renouveau passera par l’accent mis sur cinq priorités pour la France qui font actuellement l’objet d’une consultation publique. Ces cinq priorités sont : l’usine numérique du futur, les multi-matériaux, les procédés de fabrication agile et centrés sur l’humain, les capteurs et instrumentation, et enfin l’usine verte et citoyenne. C’est pour soutenir les KETs également que nous préparons un appel à projet centré sur les KETs, financé par 150 millions d’euros des investissements d’avenir. Cet appel à projet permettra de favoriser la structuration des acteurs français, de renforcer la compétitivité française en matière de recherche technologique, et de créer un effet de levier et d’entraînement sur les écosystèmes locaux.
La première réunion européenne sur les KETs a eu lieu à Grenoble, sur ce même campus de MINATEC, en février 2013. Je suis heureuse que ce nouveau sommet puisse se dérouler dans les mêmes lieux. Car je suis fière du fait que nous ayons déjà, sur le sol français, un exemple de collaboration réussie entre chercheurs et industriels : cet exemple, c’est bien sûr Minatec, « Giant », à Grenoble. Comme vous le savez, « Giant » rassemble des institutions innovantes appartenant au monde de l’enseignement supérieur et à celui de la recherche française et européenne. En mutualisant leurs connaissances, ces institutions tissent de nouveaux liens entre enseignement, recherche et industrie, et favorisent le transfert du savoir issu de la recherche vers le monde industriel.
Pour que d’autres pôles semblables se multiplient, nous devons renforcer l’attractivité des filières de recherche technologiques et industrielles. C’est une politique que je mène depuis 2012, auprès des jeunes filles notamment, qui sont bien trop peu nombreuses à embrasser des carrières scientifiques. Nous ne pouvons pas nous priver d’une partie de nos talents. Il faut que les jeunes étudiants français, et les filles en particulier, se dirigent vers les carrières scientifiques et technologiques, car c’est là que se joue, en partie, l’avenir industriel de la France.
L’intitulé de cette journée est « KETS et la renaissance européenne : quelles opportunités pour les entrepreneurs ? » Cette opportunité, c’est celle de la croissance et de l’emploi. Et j’espère que les entrepreneurs seront de plus en plus nombreux à s’en saisir. Votre présence à tous témoigne du fait que la dynamique est lancée et nous en attendons tous beaucoup pour l’avenir économique de nos pays et de l’Europe.