Les réactions se multiplient après l'annonce de la non-réouverture des remontées mécaniques. Les professionnels des stations de ski expriment leur "colère" et leur "tristesse" et réclament des aides pour "sauver tous les acteurs du secteur".
L'issue ne faisait guère de doute. Alors que l'épidémie de coronavirus continue à inquiéter les autorités sanitaires, les stations de ski ne rouvriront pas leurs remontées mécaniques le 1er février, a annoncé le gouvernement. La saison est très probablement condamnée, ce qui amènera l'État à renforcer son soutien.
Quelques heures après un Conseil de défense sanitaire consacré aux "mesures de freinage" de la pandémie de Covid-19, qui "demeurent plus que jamais nécessaires" alors que les indicateurs sanitaires restent mauvais en France, le secrétaire d'État au tourisme a annoncé mercredi que le secteur s'orientait "hélas vers une saison blanche". En effet, "une réouverture mi ou fin février paraît hautement improbable", a annoncé Jean-Baptiste Lemoyne lors d'une conférence de presse téléphonique. Or, les vacances d'hiver représentent pour ce secteur l'essentiel de la saison - déjà amputée de Noël.
Il avait réuni un peu plus tôt lors d'une visioconférence les professionnels, qui espéraient cette réouverture "pour assurer la survie de l'écosystème montagne" et "limiter l'impact social" sur une industrie touristique de la montagne qui représente entre 250.000 et 400.000 emplois directs et indirects. Le Premier ministre Jean Castex recevra dans les jours qui viennent ces acteurs afin de "finaliser les mesures de soutien économique" qui permettront de renforcer l'accompagnement des entreprises touchées par cette fermeture prolongée, a rapporté M. Lemoyne. "Les canons à neige ne vont pas fonctionner, les canons à indemnisation doivent être au rendez-vous", a déclaré le secrétaire d'État au tourisme, soulignant que les fabricants de matériels, en aval de la filière, devraient également être aidés "pour pouvoir continuer à investir".
L'annonce de la non-réouverture a provoqué une avalanche de réactions. Le président du conseil départemental de la Haute-Savoie se dit "indigné". Dans un communiqué, Christian Monteil "s’insurge contre [une] décision unilatérale, incompréhensible, qui met en péril toute une filière économique et saborde la vie d’un territoire".
"Il va falloir assumer la parole du président"
Cette décision est "d'une tristesse absolue", a réagi de son côté Alexandre Maulin, le président de Domaines skiables de France (DSF), qui ne croit pas à une ouverture en fin de saison. "On avait placé nos tout derniers espoirs dans le fait de faire février" et "on vient de prendre un coup de massue dans la gueule." "Maintenant, il va falloir assumer la parole du président, +quoi qu'il en coûte+, et qu'on sauve tous les acteurs du secteur, tous !"
"C'est le seul sport de plein air qu'on ne peut pas faire, c'est très difficile à admettre", s'insurge Eric Brèche, le président du Syndicat national des moniteurs du ski français (SNMSF). Ouvrir fin février ou début mars, c'est "comme (si) on ouvrait une plage début novembre", ironise-t-il. Fabrice Boutet, le directeur général de Sata Group, qui gère les grandes stations des Deux Alpes et de l'Alpe d'Huez (Isère), fait part de sa "colère". "C'est terrible", estime-t-il, en particulier pour les saisonniers. "Il y a toute une génération qui ne travaille pas, qui perd le sens, la valeur du travail". Selon lui, le gouvernement "n'ose pas dire que c'est terminé" alors que "ce serait un gouffre total d'ouvrir au 15 mars".
Devant l'ampleur des enjeux pour le secteur, les appels à la réouverture s'étaient multipliés ces derniers jours: dimanche, Henri Giscard d'Estaing, le PDG du Club Med, exhortait dans l'hebdomadaire Journal du dimanche (JDD) à "sauver la montagne". Lundi, le nouveau Collectif des entreprises de montagne, qui dit représenter 12 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 200.000 emplois directs, avait appelé à augmenter les aides "pour assurer la survie de l'écosystème montagne" et "limiter l'impact social".
Des conséquences sur le long terme
"Il va falloir se battre pour que le soutien à cette économie-là soit le plus important possible, que l'on traite la problématique des saisonniers", affirme Christine Massoure, directrice générale de la société N'Py, qui regroupe huit stations du massif pyrénéen."Rien que le groupe N'Py, ce sont mille saisonniers", souligne-t-elle. "On ne sait pas si demain on devra arrêter leur contrat ou si l'on aura du chômage partiel qui nous permettra de les maintenir dans l'emploi".
Les professionnels craignent aussi des conséquences de long terme : arrêt des investissements, départ de grands hébergeurs, chute du revenu des collectivités, casse des fournisseurs... et disparition de nombreux emplois."On espère bien obtenir des aides, sinon beaucoup d'entreprises vont déposer le bilan", affirme Pascale Jallet, déléguée générale du Syndicat National des Résidences de Tourisme (SNRT), demandant une indemnisation des charges fixes sans plafond.
Selon Didier Arino, directeur du cabinet spécialisé Protourisme, "beaucoup de stations de ski sont déjà fragilisées du fait de gros investissements" et la chute du chiffre d'affaires sera comprise entre "au moins 80%" pour celles qui dépendent le plus du ski alpin et "au moins 50%" pour les stations de moyenne montagne.