Un grand départ du Tour de France : toute l'Italie du cyclisme en rêve. Un espoir au long cours qui pourrait bien se réaliser lors de l'édition 2024, qui pourrait prendre départ de Florence. La cité toscane, qui pour s'attirer les faveurs des organisateurs français, fait équipe avec Rimini et la région Emilie-Romagne. Et ce au détriment du voisin piémontais, parti pourtant premier dans la course.
"Il est tout de même incroyable qu'un berceau du cyclisme comme l'Italie, mère du 'Giro', n'ait jamais encore partagée la grande joie d'accueillir un grand départ du Tour de France". Cette phrase extraite d'un éditorial de la fameuse Gazzetta dello Sport, la référence des quotidiens sportifs italiens, en dit long sur les attentes de nos voisins envers l'édition 2024 de la Grande Boucle.
"Un Tour unique", clame le quotidien. Selon lui, le premier départ de l'histoire en Italie pourrait être donné, le 29 juin 2024, de la place Michel Ange en plein cœur de Florence. Et l'arrivée se ferait hors de Paris, à Nice, le 21 juillet, pour cause d'organisation des Jeux olympiques.
Le Piémont à l'échappée, la Toscane dans le "gruppetto"
L'Italie du cyclisme a toutes les raisons de croire à ce scénario. D'abord, car 2024 serait l'année du centenaire d'Ottavio Bottecchia, le premier vainqueur transalpin à avoir inscrit son nom sur le trophée des vainqueurs du Tour, en 1924.
Et puis, pour tous les "tifosi" (supporters, ndlr), la ville de Florence renvoie à un champion d'exception : le "grandissimo" Gino Bartali, vainqueur des Tours 1938 et 1948. Ajoutez à cela la région voisine de la Toscane, l'Emilie-Romagne, qui voue un culte quasi-mystique à l'enfant du pays, le "pirate" Marco Pantani dont la tombe de Cesanatico est régulièrement honorée par ses "fans"... C'est pourquoi, selon la Gazzetta dello Sport, le Tour 2024 ne peut échapper à l'Italie du centre de la péninsule.
"Au moins pour les étapes entièrement italiennes", explique encore le quotidien sportif italien. Florence-Rimini, le 29 juin. Cesenatico-Bologne, le 30 juin. Et Modène-Plaisance le 1er juillet. Il ne resterait, en guise de lot de consolation pour notre voisin piémontais, qu'une quatrième étape au départ de Pinerolo vers la France, le 2 juillet.
Au siège de la région Piémont, on nourrissait pourtant d'autres ambitions pour fêter le "Campionissimo" local Fausto Coppi, premier champion de l'histoire à réaliser le doublé Tour de France/Giro d'Italia en 1949 et 1952.
Le Piémont rêvait, en effet, depuis bien longtemps d'accueillir le premier grand départ italien du Tour 2024. Après avoir accueilli le départ du "Giro" en l'an de grâce 2011, (année de commémoration du 150e anniversaire de l'unité d'Italie), Turin se voyait déjà en ville étape de départ dans deux ans.
Entre régions, la guerre des millions
Première région de la péninsule à offrir sa participation à ASO (Amaury Sport Organisation), la société organisatrice du Tour, le Piémont s'était lancé dans la course dès l'automne dernier. Une délégation s'était même rendu à Paris, d'après le quotidien turinois La Stampa, pour présenter son projet. Trois étapes : départ de Turin pour un petit tour de la province. Puis, une seconde au départ d'Alba, histoire de mettre en valeur les richesses gastronomiques de la province de Cuneo, capitale de la truffe noire ou blanche, et des plus grands crus de vins. Enfin, une 3e étape au départ de Cuneo vers la France, permettant au passage d'évoquer le duel de géants livré par Coppi et Bartali lors du Giro 1949 : la plus belle étape de tous les temps pour nombre d'Italiens.
Une 3e étape que les organisateurs du Tour auraient vu d'un bon œil, selon le quotidien, dès le premier rendez-vous. En premier lieu, pour la facilité à rester deux nuits au même endroit, limitant ainsi les déplacements de la caravane de 5 000 personnes que la manifestation entraîne chaque jour dans son sillage.
Même son de cloche lors d'une vidéo-conférence et des repérages effectués par l'organisation française quelques semaines plus tard. Et puis, en octobre : silence radio. Malgré les relances piémontaises. Malgré les 7 millions d'euros mis sur la table de négociation par la région.
Entre-temps, les régions Toscane et Emilie-Romagne ont, elles aussi, fait connaître leurs arguments. Et si à Turin, on dit ne pas savoir combien les deux régions de l'Italie centrale ont proposé, le quotidien Il Resto del Carlino de Bologne a, lui, sa petite idée sur la question. "Selon des indiscrétions, l'investissement consenti ne dépasserait pas les 10 millions d'euros", indique le journal en précisant qu'aucun accord officiel n'est signé : "Christian Prudhomme, le patron de la course en jaune, a déjà rencontré plusieurs fois les autorités locales et envoyés des émissaires : sa confiance envers le projet de nos territoires croit de jour en jour."
La Hollande toujours sur les rangs
Un optimisme pas forcément très apprécié dans le Piémont, bien obligé de reconnaître que le tandem enfourché par ses homologues de l'Italie centrale roule avec le vent dans le dos. Pour parer aux éventuelles rancœurs qui pourraient naître en terre nordiste pour s'être fait "chipper par ses voisines son Tour de France", comme on a pu le lire dans la presse piémontaise, le président de la région Emilie-Romagne a eu la bonne idée d'intégrer à la candidature italienne au Tour 2024, une étape au départ de Pinerolo dans le Piémont. Selon les mots de l'édile : "Pour épargner la fierté cycliste piémontaise liée à la mémoire de Fausto Coppi."
On ne blague pas avec l'histoire du cyclisme chez nos voisins. A fortiori lorsqu'il s'agit de trouver une suite aux duels légendaires du sport national. Mais, à l'automne prochain, les Pays-Bas pourraient aussi coiffer les Italiens sur la ligne d'arrivée. Pour fêter les 70 ans de la première grande boucle partie hors de France, Amsterdam serait également sur les rangs : un ultime rebondissement qui serait vécu comme un vrai "strappacuore" (un crève-cœur, ndlr) par nos voisins italiens.