Créé en 1989, l’ensemble tourangeau Doulce Mémoire se consacre à la redécouverte de tous les répertoires de la période Renaissance.
Son fondateur Denis Raisin Dadre est à la fois flûtiste, chercheur et professeur au sein du département de musiques anciennes du Conservatoire de Tours.
Il est l’un des grands spécialistes des musiques anciennes en France. Une partie de son travail l’a amené à établir un dialogue entre les musiques occidentales et les musiques orientales de la même époque.
Votre ensemble s’est spécialisé dans les musiques anciennes. Baroque ? Renaissance ?
Nous ne faisons pas de la musique baroque, ce que l’on fait est beaucoup plus ancien !
Ce qu’on appelle musique baroque commence grosso-modo au début du XVIIème siècle, Monteverdi, Bach, Vivaldi, Haendel... C’est la grande époque baroque !
Nous, on est bien avant ! Pour le spectacle Laudes (dialogue entre musiques de confréries occidentales et perses), on n’est même pas au XVIème siècle. Le XVIème ne marche pas trop avec les cultures d’ailleurs, c’est déjà un peu trop harmonique. Ce qui marche, c’est la musique plus ancienne, c’est à dire XVème et XIVème.
Comment en êtes vous venus à travailler avec des musiciens venus d’autres cultures, des ouzbeks, des indiens, des iraniens, des taïwanais...?
Ça n’a pas du tout été une volonté à la création de l’ensemble. Pendant de très nombreuses années on a fait exclusivement de la musique Renaissance en Europe. Puis ça s’est fait par rencontres tout simplement. Pour le programme iranien, c’est parce que le chanteur (Taghi Akhbari) habite Tours.
En fait tout part de Bruno Caillat qui est le percussionniste de Doulce Mémoire. Il connaît extrêmement bien les musiques du monde. Dès qu’on le branche sur n’importe quelle musique il a une curiosité insatiable. Il a énormément d’instruments chez lui. Naturellement, sur les projets avec des musiques d’ailleurs, il est la personne référente.
Est-ce que ce genre de rencontres entre musique occidentale et musique perse a pu arriver à la Renaissance?
C’est toujours la grande question de l'intérêt ou du désintérêt des occidentaux pour les musiques d’ailleurs. Il y a une grande partie de l’élite musicale européenne qui a méprisé ces musiques car ils n’y comprenaient rien. Mais c’est normal car ces musiques sont aux antipodes de la nôtre.
On a développé en occident la polyphonie, la musique à plusieurs voix, à un point de complexité absolument exceptionnel. C’était notre fierté cette polyphonie parce que c’est une conquête incroyable de l’Occident. On a abouti à des choses qui sont des agencements mathématiques. C’est de la musique mais c’est aussi des mathématiques, et c’est exceptionnel à la fois en beauté et en complexité. Donc une grande partie des musiciens occidentaux de l’époque quand ils étaient confrontés -c’était rare- à ces musiques, considéraient que c’était du bruit… Il y a plein de témoignages qui montrent qu’ils n’ont rien compris.
Est-ce que ces rencontres musicales font tomber les a priori qu’on peut avoir sur « l’Autre »?
Il faut être très précautionneux. C’est un peu la mode et ça plaît au public parce qu’ils ont le sentiment que tout le monde s’aime... C’est vrai, il y a un peu ce discours: “Voilà, grâce à la musique les peuples s’aiment et la guerre va s'arrêter.” Il y a cette idée que la musique apporte la paix, mais c’est très médiatique. La vérité, c’est qu’on faisait jouer des orchestres dans les camps de concentration nazis, et que l’Allemagne était le peuple le plus musicien qui soit au moment de la montée du nazisme. Il ne faut pas se voiler la face. Je ne crois pas qu’on arrêtera le conflit israélo-palestinien par un concert avec des musiciens israéliens et palestiniens. Mais ce qui est vrai, c’est que pour le public et pour nous sur scène, ce sont toujours de très belles rencontres sur le plan humain. (Propos recueillis par Marianne Le Roux)
Les concertsCette année l'ensemble musical Doulce Mémoire, basé à Tours depuis plus de 20 ans s'est produit au festival d'art sacré de Perpignan ou à l'église Saint-Julien de Tours. |
>>> voir le reportage de Xavier Naizet, Pierre-Dominique Lepais, Laurent Amblard et Marianne Le Roux
Intervenants :
Denis Raisin Dadren, fondateur de Doulce Mémoire
Véronique Bourin, ensemble Doulce Mémoire
>>> pour plus de musique cliquez sur la vidéo
>>> et aussi Festival Voix d'ici, Voix d'ailleurs 2012 au Prieuré de Saint-Cosme, La Riche (37)