A 28 ans, le Premier danseur de l'Opéra de Paris François Alu vient d'être nommé danseur étoile. Nous avons rencontré sa famille à Fussy, dans le Cher, pour qui le sacre n'était qu'une question de temps.
"J'ai le grand plaisir de nommer François Alu." A l'Opéra Bastille de Paris, samedi 23 avril, c'est sous les applaudissements du public, venu nombreux, que François Alu est nommé danseur étoile à 28 ans. Ce soir-là celui qui a enfilé ses premiers chaussons dans le Cher, n'en revenait pas. "C'était un moment suspendu, en plus il y avait toute ma famille dans la salle, mes amis, mon équipe, mon amour donc forcément c'était un moment de célébration".
Ce titre honorifique de danseur il vient pas forcément récompenser que la performance. C'est plutôt une ouverture d'esprit sur le monde et une entreprise de différents projets
François Alu, danseur étoile
Car depuis le début de la crise sanitaire, il multiplie les casquettes. Ce titre, il le voit donc comme une récompense de l'ensemble de son travail. "J'ai commencé à écrire, j'ai joué dans un film, j'ai vendu deux courts métrages pour la télévision, j'ai commencé à faire du coaching en entreprise. J'ai, disons, accepté ma multiplicité". Une chose qu'il avait du mal à faire jusqu'à 2020, tant il était concentré sur l'expérience de son public durant ses spectacles et prestations.
"Un bourdon parmi les abeilles"
"François aimait beaucoup faire des farces et des cabrioles". Selon sa maman, Christine Henry Alu, c'est cet aspect de la personnalité de son fils qui l'a naturellement attiré vers son idole : Patrick Dupont, un ancien danseur étoile décédé en 2021. Pour François, "c'était pas que de la danse, c'était un artiste qui utilisait son corps pour véhiculer des émotions [...] Je veux me définir plutôt comme un artiste et je pense que c'est un peu ce qu'il était aussi".
Son premier parquet, il n'était même pas en âge de le fouler. A six mois déjà, depuis son transat, "il regardait les filles, avec sa petite tétine dans la bouche et il était bizarrement sage" se souvient sa mère. "Il était un bourdon parmi les abeilles, c'était rigolo, il amusait la galerie".
Les années passent, François prend ses premiers cours de danse avec sa mère, ce qui ne facilite pas toujours les choses. "Il avait du mal parce que j'étais maman à la maison et professeur de danse ici donc il avait du mal à faire la distinction". Mais ce qu'il détestait par-dessus tout, c'était se tenir à la barre et faire des ports de bras, "des trucs de filles" quoi. Mais il ne cessait de s'entrainer.
Aujourd'hui, Christine enseigne toujours la danse à Fussy. Au milieu de la dizaine de filles qu'elle entraîne le jour de notre rencontre, des jeunes qui connaissent évidemment l'histoire de son fils, la maman ne cache pas son admiration pour son fils dans le milieu si compliqué de la danse.
Je trouve que [l'Opéra de Paris], c'est un peu une machine à broyer les faibles. Faut avoir le mental. C'est pour ça que je dis à mes élèves qu'elles peuvent être de très bonnes danseuses et ne pas forcément intégrer l'opéra.
Christine, la mère de François Alu
"Le côté Yamakasi de la danse"
Son frère, Thibaut Alu, ne comprend pas comment son ainé n'a pas eu cette récompense plus tôt. "Ca fait des années qu'on attend ça". Tous les deux partagent leur passion commune pour la danse ... mais dans différents registres ! "Moi c'était plus l'inspiration avec les copains au collège que je voyais faire des figures sur la tête, tourner, faire des vagues, je trouvais ça plus sympa. Lui, c'était plus le côté Yamakasi qui lui plaisait dans la danse, un peu comme Patrick Dupont".
Il a ce qu'il mérite. Quand on était plus petit, il se défonçait dans cette salle de danse, moi j'étais feignant j'avais pas assez la niaque à l'époque
Thibault Alu, danseur et frère de François Alu
Pour autant, les deux jeunes hommes adorent le hip-hop. Il est même l'une des sources d'inspiration de François. "Ca lui permet d'avoir une approche complémentaire et une belle ouverture d'esprit à côté de la danse classique" constate Thibault. Une inspiration qui guide François Alu dans ses nouveaux projets. Aujourd'hui, il se voit non plus comme un "simple danseur" mais avant tout, comme un artiste.