Depuis ce 3 juin, des autocollants à l'effigie d'une "chèvre à cou clair du Berry" recouvrent des affiches et d'autres autocollants liés, eux, à l'extrême-droite. Qui a eu cette idée farfelue ?
"Cet autocollant recouvre un contenu homophobe / raciste / misogyne. A la place, voici une chèvre à cou-clair du Berry." Ce message est apparu sur un tuyau de gouttière de la rue Mirebeau, en centre-ville de Bourges, accompagné des yeux rieurs de la biquette susdite mâchouillant des feuilles, et recouvrant partiellement le logo du groupuscule d'extrême-droite angevin l'Alvarium. Immédiatement, l'image a été partagée sur les réseaux sociaux, et notamment sur les Neurchi, ces groupes privés sur Facebook où s'échangent memes et autres blagues visuelles. Elle a par exemple récolté plus de 1600 réactions sur Neurchi de graffitis pétés
Sur la piste de la chèvre antifa
Découvert le 4 juin et relayé sur les réseaux sociaux, il ne s'agit pas du seul exemple de ce militantisme caprin : d'autres exemples ont été cités depuis le 3 juin, comme à Tours, Châteauroux ou encore Paris. Si le but de la campagne est assez claire, une question reste néanmoins en suspens : qui est à l'origine de ces autocollants ? Le support ne montre aucun signe distinctif, aucune adresse, numéro de téléphone ou nom. Pourtant, des indices existent.
Pendant ce temps, à #Châteauroux pic.twitter.com/MDjyZvpldA
— Yves Souben (@YvesSouben) June 3, 2021
Il y a tout d'abord la photo de la chèvre, qui est assez rapide à retrouver. Elle apparaît très vite lorsqu'on l'on tape "chèvre à cou-clair" dans un moteur de recherche, et a été publiée pour la première fois sur le site d'une association visant à la sauvegarde des animaux de ferme. L'URL de la photo mène quant à elle à un éleveur de l'Indre, Philippe Doyelle, qui a pris sa retraite en 2016. Désormais, c'est Jonathan Crogiez qui a repris l'exploitation, toujours consacrée aux cou-clairs. Notre enquête toucherait-elle au but ?
Coup de pub pour une race caprine oubliée
Eh bien non. "On a reçu plusieurs appels de collègues et d'amis qui nous ont signalé ces autocollants", explique Jonathan Crogiez. "On est plutôt content, ça fait un coup de pub à cette race un peu oubliée !" De fait, la chèvre à cou-blanc est passée tout près de l'extinction. Présente au moins depuis les années 1900 dans tout le Berry, cette race s'est amoindrie au cours du 20e siècle, laissant la place à des races alpines, plus productives. C'est seulement depuis le début des années 2000 qu'une poignée d'agriculteurs, dont Philippe Doyelle, a tenté de réintroduire le noble animal sur ses terres d'origine.
"On a réussi à prouver qu'elle produisait", se félicite son successeur, qui est désormais à la tête d'une exploitation d'une trentaine de chèvres. "Le problème, c'est au niveau de la diversité génétique, car il reste assez peu d'individus." En revanche, l'éleveur avoue n'avoir guère le temps de fabriquer des autocollants à l'effigie de son caprin, et encore moins de les coller à travers la France.
Du côté de la police d'écriture, une rapide recherche mène à la police LTC Californian Pro, une police professionnelle inventée par le concepteur pour l'imprimeur américain Lanston Type Co. Assez rare et semble-t-il absente des distributions de logiciel de traitement de texte grand public, elle ne permet guère de retrouver son utilisateur.
Épilogue
C'est finalement des réseaux sociaux, comme toujours, qu'est venue la réponse. Une twitta, ayant repéré notre article, a revendiqué l'autocollant posé rue Mirebeau à Bourges. Les autocollants, et les photos originelles, proviennent semble-t-il du compte Instagram memesberrichons, suivi par 2854 abonnés. Suite à notre article, France 3 Centre-Val de Loire a d'ailleurs fait l'objet d'un petit meme récoltant plusieurs centaines de likes. C'est de bonne guerre !