C’est l'une des plus effroyables catastrophes qu'on ait connu dans la région : le 18 octobre 1943, la poudrerie nationale du Ripault, à Monts, explosait très violemment, faisant plus de 100 morts et de très nombreux blessés.
Il est 11h03 très précisément, en ce 18 octobre 1943. Nous sommes en pleine période d’occupation et, sur ordre des Allemands, des ouvriers s’activent à décharger d’un train des caisses de coton poudre destiné à la fabrication d’explosifs. Un produit particulièrement dangereux. Soudain, une première explosion retentit, suivie de plusieurs autres. Des flammèches propagent l’incendie d’un bâtiment à l’autre.
La déflagration est d’une violence extrême. Tout est pulvérisé sur un diamètre de 850m. Le village voisin de Vontes est littéralement soufflé. L’explosion est entendue jusqu’à Poitiers. Sur l’avenue de Grammont, à Tours, des vitrines de magasins se brisent. Sur place, dans l’enceinte de la poudrerie nationale, des survivants errent, hagards. Le bilan est très lourd : une centaine de morts, 450 blessés, et des disparus par dizaines. Certaines victimes ne pourront être identifiées, tant leurs corps ont été déchiquetés.
Chaque jour, les ouvriers devaient vider leurs poches
L’origine de l’accident est aujourd’hui bien connue. On peut même dire que la catastrophe était prévisible. A la poudrerie nationale, les précautions étaient pourtant nombreuses. Les ouvriers étaient soigneusement sélectionnés. Chaque jour, en arrivant à la poudrerie, on leur demandait de vider leurs poches pour éviter qu’ils introduisent briquets ou allumettes. On les leur inspectait de nouveau avant qu’ils ne rentrent chez eux, pour s’assurer qu’ils n’emportent aucune matière dangereuse. Pendant leur journée de travail, ils devaient porter des sabots de bois et les clous étaient en cuivre, le fer étant trop propice aux étincelles. C’est que les matières qu’ils manipulaient étaient extrêmement instables.
Le coton poudre était beaucoup trop sec
Que s’est-il donc passé ce 18 octobre 1943 pour qu’une telle catastrophe se produise, malgré le luxe de précautions habituellement prises ? Il y a le contexte, tout d’abord : avec l’intensification des actions militaires des Allemands, le besoin de poudre est très important ; or, le site du Ripault commence à manquer de matière première. Un train de coton poudre abandonné dans un entrepôt sans doute depuis 1940 est retrouvé et acheminé à la poudrerie pour récupérer cette précieuse matière première.
Problème : celle-ci s’avère de très mauvaise qualité, tout comme les caisses en bois qui sont censés la protéger. Elle s’avère de surcroît bien trop sèche : son taux d’humidité est inférieur à 12,5 % alors qu’elle devrait être au moins de 18 % pour pouvoir être manipulée en toute sécurité.
Et puis il y a la société des chemins de fer, qui tient à récupérer ses wagons au plus vite pour remplacer ceux qui sont régulièrement détruits par des attaques aériennes sur les voies. Le vendredi soir, les ouvriers expérimentés considèrent qu’il est plus sage de refuser de procéder aux opérations de déchargement. Sous la pression des Allemands, la Direction de la poudrerie prend la décision de faire malgré tout décharger les caisses par une nouvelle équipe, le lundi.
A 11h03, une étincelle, sans doute provoquée par un clou métallique d’une des caisses provoque la première explosion. Deux autres suivront et des incendies se propageront en chaîne dans une vingtaine de dépôts et d’ateliers. Au total plus de 800 tonnes de poudre brûleront ainsi.
Jean Guéraud est alors âgé de 17 ans. Il rêve de devenir ajusteur-fraiseur mais, en raison de son âge, il a été affecté à des missions d’entretien dans l’un des baraquements du site. Il n’entendra que la première explosion, ses tympans n’étant plus en état de lui permettre d’entendre les suivantes.
J’ai été projeté par le souffle, le verre de la verrière qui était au-dessus du bâtiment m’est tombé dessus en une multitude d’éclats ; je me suis protégé comme j’ai pu et j’ai fini par trouver un vélo pour rentrer, le visage en sang à Montbazon, où je résidais alors avec ma famille. C’était une vision indescriptible.
Joseph Blouet est quant à lui encore écolier.
C’est jour de rentrée des classes dans l’école de Monts. Au moment de l’explosion, tous les cahiers volent dans la classe. L’instituteur nous fait alors évacuer et nous emmène plus loin dans l’herbe. Nous entendons alors plusieurs explosions. Nous avions bien compris qu’il s’agit de la poudrerie.
Soixante-quinze ans plus tard, les survivants restent marqués par cette tragique explosion. Ils ont créé une amicale des poudriers et se rendent, chaque 18 octobre, devant la stèle érigée dans le cimetière de Monts pour honorer la mémoire des victimes de cette effroyable catastrophe.