Le Parquet antiterroriste vante un vaste coup de filet, le collectif Famille Unie dénonce des arrestations ciblant des familles qui avaient "toujours été transparentes".
Vingt-neuf personnes, dont quelques proches de femmes et d'enfants de jihadistes détenus en Syrie, ont été placées en garde à vue mardi en France lors d'un vaste coup de filet contre un réseau de cyberfinancement du terrorisme. Parmi les interpellés figure un homme de 44 ans résidant à Joué-les-Tours, selon une information de nos confrères de la NR, confirmée auprès de France 3.
Un réseau "au bénéfice de proches"
Ces personnes sont soupçonnées "pour la plupart d'avoir injecté des fonds", totalisant des centaines de milliers d'euros, "dans le réseau au bénéfice de proches se trouvant en Syrie, et, pour deux d'entre eux, d'avoir joué le rôle de chevilles ouvrières du système de cyberfinancement" par des crypto-monnaies, a détaillé le Parquet National Antiterroriste (Pnat) dans un communiqué.
Selon le parquet, des dizaines de personnes résidant en France se sont rendues "à maintes reprises" depuis 2019 dans des bureaux de tabac pour acheter anonymement des coupons (de cryptomonnaie) "d'une valeur comprise entre 10 et 150 euros" et les créditer sur des comptes ouverts depuis l'étranger par des jihadistes.
Au cours des investigations, les enquêteurs ont pu identifier "deux jihadistes français" à l'origine de ce réseau, Mesut S. et Walid F., tous deux âgés de 25 ans, indique le communiqué. "Ayant rejoint ensemble la Syrie en 2013, ils sont suspectés d'être des membres du groupe terroriste Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) affilié à Al-Qaïda et sont visés par un mandat d'arrêt" depuis leur condamnation par défaut à 10 ans d'emprisonnement en avril 2016, détaille le Pnat.
Seules 10 personnes soupçonnées
Parmi les 29 personnes placées en garde à vue, dix sont fichées "S" pour radicalisation islamiste, a précisé une source proche du dossier. Il convient de rappeler que la fiche S est un outil de renseignement qui ratisse assez large. "Il y a des gens qui se retrouvent fichés S parce qu’ils sont sur le téléphone portable de personnes qui ont préparé un acte terroriste. Mais ça peut être le garagiste, le coiffeur, une connaissance qui n’a rien à voir avec le terrorisme ! Il faut être prudent" rappelait dans nos colonnes le sénateur Jean-Pierre Sueur.
Sollicité par l'AFP, le Pnat a précisé que parmi les 29 personnes entendues en garde à vue, "seulement six sont suspectées à ce stade des investigations d'avoir envoyé de l'argent à des personnes se trouvant dans des camps". Elles ont été entendues sous ce statut "pour des raisons tenant aux nécessités de l'enquête".
Le collectif Familles Unies dénonce des arrestations "traumatisantes"
L'opération de police a suscité la colère du collectif Familles unies, qui regroupe des proches de Français détenus dans des camps en Syrie et défend le droit d'envoyer de l'argent à "leurs filles ou leurs belles-filles" afin de les aider à "survivre". Pour ce collectif, les arrestations de simples membres de la famille de personnes se trouvant en Syrie ont été "effectuées dans des conditions traumatisantes" avec des parents "menottés devant leurs enfants".
Ces aides étaient "connues des services de police depuis des années" et les familles avaient "toujours été transparentes là-dessus", explique dans un communiqué le collectif qui réclame le rapatriement en France de leurs proches. "On est en train de refuser de rapatrier ces enfants et d'interdire aux familles de leur apporter un minimum d'aide", a réagi auprès de l'AFP Me Marie Dosé, avocate de plusieurs gardés à vue.
Environ 150 adultes et près de 300 enfants français sont détenus en prison ou dans des camps en Syrie et en Irak. Dans celui d'Al-Hol, dans le nord-est syrien, où s'entassent des dizaines de milliers de déplacés, 371 enfants sont morts en 2019. Jusqu'ici, la France n'a rapatrié que 28 mineurs, surtout des orphelins ou les enfants des rares mères qui acceptent de s'en séparer.