"La Mémoire du Feu" mêle musique et littérature. Sorti le 7 janvier dernier, le concept-album du groupe tourangeau Ez3kiel, très attendu, s'avère encore une fois innovant.
Perplexité, c'est le mot qui vient directement à la première écoute de ce septième opus quand on connaît les précédents. Ensuite les mélopées oniriques et les voix déclamatoires s'insinuent dans votre tête.
Ez3kiel, plutôt connu pour la fusion d'images et de musique, explore maintenant les contrées de la littérature. Le disque est issu de la collaboration entre trois musiciens et un auteur de polar. Présent aux guitares et aux claviers, Johann Guillon raconte : "Un jour, on a reçu dans notre boîte aux lettres "Mapuche", de Caryl Ferey. À l'intérieur du livre, nous avons trouvé une dédicace nous disant qu'il avait été écrit en écoutant notre album "Hint Collision Tour 2009". L'auteur adorait ce que nous faisions. On a mis du temps mais on a fini par se rencontrer à Agen et, très vite, on est devenus intimes, vraiment amis".
Le percussionniste Stéphane Babiaud se souvient "avoir proposé et construit des morceaux autour du texte. Au début on avait structuré l'histoire avec des saisons, et puis des intersaisons ; on a gardé le principe d'avoir plus de morceaux instrumentaux que chantés." Nicolas Puaux, également membre de Narrow Terrence, est intervenu à la composition en y rajoutant son sens du songwriting.
Une épopée romantique rock
Album-concept, "La mémoire du feu" tisse une seule histoire au long de ses onze titres. Les textes, une épopée romantique à la "Melody Nelson", rappellent l'univers de Gainsbourg.
Quarante-cinq minutes de mots scandés et de chansons racontent les destins froissés de deux âmes sœurs, Duane et Diane, un amour physique sur fond de fin du monde. Flamme et vent, les voix slammées masculines et féminines se mélangent ou se répondent : la voix rocailleuse de l'homme, Duane, incarné par Benjamin Nero, aux tonalités graves réminiscentes de Rodolphe Burger, alterne avec celle de Diane, interprétée par Jessica Martin-Maresco.
La chanteuse a trouvé ses marques : "J'ai pris les paroles, j'ai pris l'instrumentation, et je me suis arrangée. Je voulais que cela me corresponde. J'ai changé l'ordre des couplets, répété certaines choses, déformé d'autres, je voulais rendre cela plus mystérieux. Je me suis amusée car j'ai toujours été attirée par les polyphonies. Il y a beaucoup de mélodies, cela fait partie de ma culture musicale."
Défini comme "post-chanson" par Benjamin Néro, l'album n'est pas si atypique dans la carrière protéiforme du combo tourangeau. Johann Guillon, le plus ancien membre du groupe, se souvient d'une expérience similaire avec l'acteur Pascal Greggory, dans le cadre du festival "Le Goût des Autres", au Havre en janvier 2017, autour du livre "Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?" de Philip K. Dick.
C’était la première fois qu’on nous demandait de faire quelque chose d'aussi différent des concerts et des tournées. Travailler avec cet acteur a été incroyable. On devait rejouer ce spectacle par la suite, mais faute d'avoir obtenu les droits, ça ne s'est pas fait.
Johann Guilon
Avec cette première expérience, Ez3kiel a pris goût à la narration. Voyons maintenant comment le groupe parviendra à retranscrire cet album inattendu sur la scène de l'Espace Malraux de Joué-lès-Tours, le jeudi 24 février.
