Les cas de grippe aviaire en France obligent les éleveurs de canards, poulets, pintades, etc. à confiner leurs animaux. Il faut s'adapter, avec des infrastructures qui ne sont parfois pas pensées pour enfermer les volailles 24h/24. Reportage avec Gabriel Simon, éleveur à Ingrandes-en-Touraine.
"On ne peut tout simplement pas enfermer les plus gros canards, c'est impossible", lorsque l'on évoque les restrictions dues à la grippe aviaire, Gabriel Simon pense tout de suite au bien-être de ses animaux. "Il n'auraient pas assez de place, se nourriraient moins, seraient tristes et finiraient par mourir".
Les années se ressemblent
Depuis la reprise des épidémies de grippe aviaire en 2016, les années se suivent et ont tendance à se ressembler. Presque à chaque fois, c'est la même chose : les volailles sont confinés de la fin de l'automne, jusqu'au printemps.
Chez cet éleveur de 5 000 volailles à Ingrandes-en-Touraine, il a fallu s'adapter. La plupart de ses animaux ont pu être enfermés, mais pour une petite partie, il a demandé une dérogation, possible seulement depuis l'an dernier. "C'est très contrôlé" explique Gabriel Simon, "un vétérinaire agréé passe, et décide si oui ou non nous pouvons laisser une partie de l'élevage dehors, en restreignant la parcelle."
Enfermement du jour au lendemain
Pour les autres pintades, poules et jeunes canards, c'est enfermement obligatoire : "Nos bâtiments ne sont pas faits pour de l'élevage comme cela, nous avons des trappes pour les faire sortir, et à l'inverse, pas de ventilation électrique, ni de système de nourriture et abreuvage automatiques." Place alors à la débrouille : "Parce que quand on nous demande de confiner, c'est du jour au lendemain."
Ici, l'élevage se fait en plein air, les volailles sont censées gambader au milieu des vignes. Devoir les enfermer pendant presque la moitié de l'année, c'est forcément un crève-cœur.
Ce jeudi 9 février encore, Gabriel Simon recevait un mail, l'informant de la découverte de plusieurs mouettes et un pigeon, morts du virus, près du lac du parc de la Bergeonnerie, à Tours-Sud. La commune d'Ingrandes-en-Touraine n'est cependant pas concernée par le rayon de 20km dans lequel est placé une zone de contrôle temporaire.
Après avoir passé ses bottes dans un pédiluve de désinfection artisanal, il rend visite à ses poulets, pintades et coucou de Rennes : "je leur ai installé des perchoirs, des cordes à picorer pour leur permettre de se divertir" détaille-t-il.
Adapter l'environnement et la nourriture
La nourriture, le paillage, tout est modifié. Lorsque les volailles sont en plein air, Gabriel Simon change la paille toutes les deux semaines, en ce moment, c'est tous les deux jours. "Nous avons aussi changé leur nourriture, on travaille avec une entreprise qui nous fournit des plantes aromatiques que l'on ajoute." Par ces compléments, il doit venir compenser pour ses animaux tous les insectes qu'ils ne vont pas pouvoir manger dans l'herbe.
Installé depuis 2017, l'éleveur de 28 ans semble avoir le caractère d'un éternel optimiste. "On a pu trouver des solutions, acheter quelques brebis pour compenser l'absence de certaines volailles."
Pour cette structure indépendante qui élève, abat et transforme, il est toujours possible de trouver des alternatives, vendre d'autres produits pour s'en sortir. Chez Gabriel Simon, il y a aussi des cochons et lapins.
Transmissible à tout moment
Ce n'est pas le cas de tous les éleveurs. La plupart sont dépendants de coopératives. Gabriel Simon prend l'exemple d'une entreprise du sud-ouest, dont l'exploitation est vide depuis un an et demi à cause du virus.
Cette année, détaille Gabriel Simon, toutes les parties de la France sont touchées. Habituellement, seul le Sud-Ouest est particulièrement frappé. Et le virus peut arriver partout "autant dans les élevages en plein air que ceux qui son déjà enfermés."
Alors lui respecte à la lettre les restrictions, jusqu'à ne pas laisser entrer les camions de livraison. Les silos de sa ferme sont désormais en bordure de route. Les camions s'arrêtent sur la voie publique, déchargent, et ne rentrent pas dans l'exploitation.
L'espoir d'un vaccin face à un virus qui change
Il suffirait que le poids-lourd ait été livrer dans une exploitation avec des cas de grippe, pas encore connus, il transporte le virus sur ses roues : "ensuite moi je marche au même endroit avec mes bottes et je ramène ça dans mon exploitation, ça va très vite".
La grippe aviaire elle aussi s'adapte vite : "c'est pire que le covid, les variants s'enchaînent alors c'est difficile de trouver un vaccin." Il espère en voir un commercialisé prochainement, mais se pose tout de même la question : si les professionnels sont obligés de vacciner et pas les particuliers, comment cela va-t-il se passer ?