Danseuse et chorégraphe tourangelle, Anne-Laure Rouxel s'est prise de passion pour le Hula et la culture hawaïenne en général. Avec l'appui du CHRU de Tours, elle propose aux futures mamans, expérience unique en France, une préparation à l'accouchement grâce aux mouvements de la danse hawaïenne.
Anne-Laure Rouxel a découvert la danse hawaïenne lors d'un spectacle présenté au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris, et ce fut comme une révélation :
"J'ai été complètement éblouie par la grâce de la gestuelle, la grâce des mains, par cet ancrage, ces appuis et par les mouvements de bassin. J'ai trouvé cela d'une beauté absolument sidérante et aussitôt, j'ai contacté le maître de danse du spectacle, Sandra Kilohana Silve, pour suivre ses cours."
Anne-Laure a dû gommer toute sa technique de danse classique ou contemporaine, et ne s'est pas arrêtée en si bon chemin. Elle est partie à Hawaï, se baigner un peu plus dans cette culture polynésienne :
"C'est un peuple très proche de la nature et comment ne pas l'être ? On s'y sent tout petit, forcé à l'humilité devant l'aspect grandiose de la nature."
La danse y est liée à la force des volcans, à la puissance des éléments, aux vagues et à la mer, aux arbres géants et magnifiques. Elle symbolise tout cela, on ouvre son imaginaire vers les paysages, chaque geste, chaque mouvement en est l'illustration.
Plongée dans cette culture hawaïenne depuis les années 1995-96, Anne-Laure ne fait alors pas forcément le lien avec cet évènement si bouleversant qu'est la mise au monde d'un enfant. Mais la gestuelle de la danse hawaïenne va s'imposer à elle, lors de son accouchement, en 2008, au CHU de Tours :
L'enfantement et les fondamentaux de la danse hawaïenne
"Enceinte, je pensais vraiment que j'allais devoir tirer la sonnette d'alarme et demander une péridurale, tant j'avais cette image de l'accouchement comme la pire des douleurs qui puisse traverser le corps féminin. Mais pendant tout le travail, je suis restée debout et spontanément, je me suis mise à bouger le bassin, beaucoup. La naissance est mouvante, le petit bouge et cherche son passage dans le bassin. J'étais alors dans les fondamentaux de la danse hawaïenne, très ancrée dans le sol, le dos très étiré en me suspendant à une patère de la salle de bain et le bassin qui bouge en tous sens. Je ne suis partie qu'au tout dernier moment en salle d'accouchement où je me suis allongée sur le côté."
Quelques semaines après la naissance de son fils Paul-Émile, Anne-Laure est allée voir une ostéopathe spécialiste des nouveaux-nés et c'est cette femme qui lui a dit de poursuivre dans cette voie, de travailler sur les liens entre préparation à l'accouchement, mouvements du bassin et danse hawaïenne. L'idée a fait son chemin, tout doucement...
Premiers ateliers et écriture d’un guide « Bougez votre bassin ! »
En 2012, Anne-Laure Rouxel anime les premiers ateliers de danse hawaïenne destinés aux femmes enceintes à la MJC de Joué-les-Tours. Elle y croise de nombreux professionnels, obstétriciens, ostéopathes, sages-femmes, d’autant qu’elle donne depuis longtemps déjà des spectacles destinés aux enfants malades de l’hôpital Clocheville, et la qualité de son travail est bien connue des équipes du CHU.
Une sage-femme, elle-même enseignante, incite Anne-Laure à écrire un guide "pratique et poétique" pour découvrir la mobilité du bassin à travers les pas de base de la danse hawaïenne. Les éditeurs sont frileux, tant la démarche de la danseuse tourangelle est originale, et "Bougez votre bassin ! (pour accompagner en mouvements la naissance de votre enfant)" sera finalement publié en 2019, aux éditions Leduc.s.
Pour illustrer cet ouvrage, Anne-Laure a fait appel à un autre Tourangeau, Titwane, illustrateur et graphiste installé à Saint-Pierre-des-Corps :
"Ses dessins sont très vivants, incarnés, habités, il a un talent fou ! Je lui ai fait cette proposition alors qu'il travaillait sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, il s'est enthousiasmé à l'idée de dessiner des femmes nues et des bébés dans le ventre de leur mère, lache Anne-Laure dans un éclat de rire. Avec ses illustrations, on ressent le poids du corps et des appuis, le dessin respire presque, c'est plus beau qu'une photographie..."
L'année même de la parution de "Bougez votre bassin", le travail d'Anne-Laure obtient une reconnaissance nationale. Ses ateliers sont présentés comme "projet innovant" dans le rapport ministériel "Culture, petite enfance et parentalité", par le ministère de la Culture et celui de la Solidarité et de la Santé. Une mise en lumière qui va faciliter l'accès d'Anne-Laure à la maternité Olympe de Gouges du Centre Hospitalier de Tours, et lui permettre de proposer ses ateliers de danse hawaïenne à un grand nombre de futures mamans.
Sophie Pomès, Sage-femme, Chargée d'encadrement, s'en félicite :
C'est une grande chance qu'on ait pu mettre en place ces ateliers complètement gratuits et qui permettent un travail corporel tout en douceur, très adapté aux femmes enceintes, quel que soit le terme de la grossesse. Ce travail sur le corps est intéressant, non seulement pour le bien-être des futures mamans mais aussi pour l'aspect préparation du bassin à l'accouchement.
" Non seulement Anne-Laure a adapté ses connaissances de danseuse à la maternité, mais elle a aussi été rechercher toutes les informations médicales existantes sur le déroulement de l'accouchement."
À Olympe de Gouges, Anne-Laure a investi, au tout de l'année 2020, une salle de préparation à la naissance pour y animer ses ateliers. Expérience de courte durée, l'arrivée de la pandémie puis le premier confinement, y ont rapidement mis un terme. L'aventure ne reprend qu'au mois de septembre dernier, mais "hors les murs", tant que dure la crise sanitaire, au studio du Petit Morier à Tours.
À ce moment-là, Clarisse Dernoncourt était enceinte de son troisième enfant. Elle avait acheté "par hasard" le livre d'Anne-Laure et s'entrainait chez elle à reproduire les mouvements proposés :
"Ce livre m'a beaucoup parlé, car j'avais envie d'accoucher de façon naturelle, sans péridurale, d'accompagner vraiment la descente du bébé dans le bassin. En en parlant avec ma sage-femme, j'ai découvert qu'Anne-Laure donnait des cours justement là où je m'apprêtais à accoucher."
Même s'il lui restait à peine plus d'un mois de grossesse, Clarisse s'est inscrite aux ateliers de danse hawaïenne :
"Nous étions très peu nombreuses, c'était des moments de pause très agréables. Mes deux aînés sont encore petits, 3 ans et 2 ans, j'étais contente d'avoir un moment pour moi, et, à travers la danse, de sentir vraiment le bébé, de sentir mon corps. Je prenais conscience de mes appuis dans le sol, je me sentais plus ancrée, chaque mouvement me reliait davantage à mon bébé."
"C'est un moment d'évasion, une ouverture artistique qui fait appel à l'imaginaire, reprend Anne-Laure, la "praticienne de danse prénatale". Cela fait un bien fou, quand je les vois danser, je vois aussi le bébé en elles, c'est très beau. Quand elles sortent de l'atelier dans la rue, elles ont encore leur fleur dans les cheveux, et cette façon si belle de marcher...Ce qui est formidable, c'est qu'il y a souvent une résonnance de ces cours dans leur quotidien."
Balancements et bascules du bassin pour ouvrir le chemin à l'enfant
Bien, mais comment tout cela se traduit-il au moment de l'accouchement ? Cette résonnance existe-t-elle encore ? Oui, apparemment, si l'on en croit Clarisse, qui a donné naissance à une petite Félicité le 30 octobre dernier :
"Pour la première fois, j'ai réussi à me passer de péridurale, j'étais portée par le récit d'Anne-Laure et par nos discussions. Elle décrit tellement bien chacune des étapes, cela m'a beaucoup aidé. Tout ce que nous avions appris sur la respiration, les mouvements du bassin, m'est revenu lors de l'accouchement."
Et la Sage-Femme Sophie Pomès ne peut qu'approuver :
"Pendant la première du travail, la dilatation où les femmes sont encore très mobiles, je pense qu' inconsciemment elles sont imprégnées de tous ces mouvements. Cela leur permet une plus grande ouverture sur les possibilités de leur corps, sur leurs sensations. Pendant les contractions, il faut pouvoir être très à l'écoute de ce qui se passe dans son corps."
Revenons, avec Anne-Laure, sur l'ouverture vers l'imaginaire, sur la force de la nature et des éléments dans la danse et la culture hawaïenne :
Le mépris occidental du corps et de la nature, on est allé jusqu'au bout, culturellement. Cette nature sauvage qu'est la naissance, qui traverse le corps des femmes pour donner la vie, il va falloir enfin apprendre à la regarder en face.
"C'est un sujet qui a longtemps été méprisé dans notre société puisque l'on est au plus intime, au sexuel, au corps sauvage et qu'il s'agit des femmes. C'est un problème de santé majeur de s'occuper de la façon dont on vient au monde. Les femmes commencent à parler, à dire ce qui les a traumatisées, ce qui les a déchirées, au sens propre du terme. Avec la danse hawaïenne, elles s'approprient leur corps, elles le ressentent, leur bassin, leur respiration, leurs appuis...Bouger, s'ouvrir, se libérer, s'épanouir....se préparer à rencontrer ce petit."