La crise sanitaire et la désertion des lieux de travail a mis un coup aux finances des gestionnaires des distributeurs automatiques de boissons et gourmandises. La fin de l'obligation de télétravail, annoncée par Jean Castex, ne suffit pas à les rassurer.
En 2020, le prix des cafetières a grimpé dans tous les magasins de France. Partout, la demande a fortement augmenté. La faute aux confinements, qui ont obligé les Français à passer plus de temps chez eux, loin du travail et du café du matin au distributeur automatique.
Avec le télétravail, les machines à café et autres salles de pause ont été désertées. Et les gestionnaires des machines ont accusé le coup. "On a eu une baisse de 90% d'activité lors du premier confinement, et de 70% au deuxième", estime Yoann Chuffart, directeur général de la Navsa, la Fédération Nationale de Vente et Services Automatiques. Depuis le début de la crise sanitaire, "on n'a pas retrouvé une activité d'avant crise au niveau national", ajoute-t-il.
Pourtant, "on a bien cru que c'était vraiment en train de repartir, et puis il y a eu les annonces du gouvernement". C'est ainsi que Pierre-Emmanuel Grateau raconte sa désillusion de fin d'année. Gérant de trois entreprises de distributeurs en Centre-Val de Loire (à Tours, Orléans et Bourges), il avait presque atteint en novembre un niveau d'activité comparable à celui de 2019. Et puis le télétravail est devenu obligatoire au moins trois jours par semaine au 3 janvier, à cause de la vague Omicron.
La culture du télétravail
Alors, pour les gestionnaires, l'allègement des contraintes reste une nouvelle bonne à prendre. Ce jeudi 20 janvier, Jean Castex a en effet annoncé que l'obligation de télétravail serait levée au 2 février. Un bon début, mais qui ne sera pas suffisant, selon Pierre-Emmanuel Grateau :
Même avec la fin de l'obligation, ça ne va pas repartir du jour au lendemain. Nos clients ont mis en place des protocoles avec du télétravail qui ont commencé avant et finiront après les délais du gouvernement.
Pierre-Emmanuel Grateau, gérant d'entreprises de distributeurs automatiques
Il constate que "le télétravail est rentré dans les cultures des entreprises, dans les habitudes". Et parfois, même quand les salariés sont sur leur lieu de travail, la machine à café reste inaccessible. "Régulièrement, ils interdisent l'accès à la salle de pause, parce qu'on s'y rencontre, affirme le gérant. Alors dans le contexte de psychose sanitaire actuel, ils se disent ceinture et bretelles, et je ne les blâme pas."
Augmenter les prix, mission : compliquée
Heureusement, lui a pu minimiser la casse. "J'ai eu la chance d'étendre mon marché en 2020, et d'installer de nouvelles machines", explique-t-il. Si bien que sa baisse d'activité, déjà importante, aurait été encore pire si son marché avait stagné. "Mais ça veut dire que j'ai des concurrents qui, eux, ont perdu plus", nuance-t-il.
Car les gestionnaires de distributeurs se rémunèrent uniquement grâce aux pièces mises dans la machine. Si bien que moins de consommation équivaut à une perte sèche. A cela, il faut ajouter "les gobelets qui ont pris 60% en six mois", et qui représentent "une grosse part du prix" du café pris à la machine, précise Pierre-Emmanuel Grateau. Sauf que ce prix est contractualisé entre le gestionnaire et son client.
Alors pour faire face, le gérant se prépare à frapper à la porte de ses clients pour renégocier ses tarifs. Et "souvent ce sont les CSE qui négocient avec nous, assure-t-il. Et nous risquons d’obtenir comme réponse qu'ils n'ont pas demandé à gagner plus pour dépenser plus dans notre café, et je les comprends." Il mise désormais sur son "tact" pour tenter de faire accepter une augmentation des tarifs à la machine à ses 650 clients, un par un.
15% des effectifs licenciés en deux ans
En deux ans, les entreprises de la distribution automatique auraient licencié environ 15% de leurs effectifs selon la Navsa. "C'est trop, mais c'est peu en comparaison avec les difficultés qu'on a eues", explique le directeur général de la fédération Yoann Chuffart. Pierre-Emmanuel Grateau assure, de son côté avoir limité la casse en signant principalement des ruptures conventionnelles, avec "un départ choisi par le collaborateur". En revanche, "on avait deux recrutements prévus pour le 14 mars 2019 et un sous le coude, qu'on a dû annuler", regrette-t-il.
Face aux grandes difficultés du secteur, les entreprises ont pu bénéficier du chômage partiel sans reste à charge et des prêts garantis par l'État (PGE). Aujourd'hui, elles réclament le retour du chômage partiel, des allègements voire exonérations de charges patronales quand la situation est au plus mal, et le report des remboursements des PGE.
Car "la charge que représente le PGE, c'est une année de fonctionnement entière, donc si on doit le rembourser là, on devra payer le fonctionnement de 2020 et de 2021 d'un coup, anticipe le gérant tourangeau. Il faudra un redémarrage canon pour qu'on puisse amortir ça." Sans les aides réclamées, la Navsa estime que 35 à 40% des 55 000 salariés du secteur pourraient avoir été licenciés d'ici à la fin de l'année.