Un nouvel habitat inclusif va voir le jour en juin 2023 à Tours. Il permettra à six jeunes adultes souffrant de troubles du spectre autistique (TSA) de mieux s’insérer dans la vie active, grâce notamment à un logement adapté, le but étant de favoriser leur l’autonomie
Il se nomme Lucas. Depuis ses 4 ans, il est suivi au Centre d'excellence sur l'autisme et les troubles du neurodéveloppement de Tours. En grandissant, il a voulu voler de ses propres ailes mais aucune structure adaptée n’existait, à sa grande détresse.
Quand il a fêté ses 24 ans, son père, Gilles Souchard, bénévole d'ALVA, une association d’accompagnement au long de la vie des personnes avec autisme et troubles apparentés, a pu enfin entrevoir une solution pour l'indépendance de son fils. "On était dans une impasse", raconte-t-il. "Lucas souhaitait être autonome mais n’en était pas capable, au niveau de la nourriture et du ménage. Comme mon fils, de nombreux jeunes sont en dehors de structures médico-sociales, isolés et avec un problème de vieillissement." La relation parents-enfants devient alors complexe.
Une longue quête pour un logement adapté
En quête d'un logement adapté, Gilles Souchard réussit à obtenir un rendez-vous avec l’ancienne municipalité de Tours, qui le met en lien avec le bailleur Ligeris, propriétaire en ville du 153, avenue Grammont.
Pierre Rochery, directeur général de Ligeris, explique : "Jusqu’à maintenant, il n’y avait pas d’offre de logement pour les autistes Asperger. Quand Alexandra Schalk-Petitot, à l’époque présidente de Ligeris, et adjointe au maire, nous a mis en relation avec Gilles Souchard et l'association ALVA, j’ai immédiatement été partant."
La famille et le bailleur ont donc "réfléchi ensemble" afin "d’adapter des appartements privatifs aux besoins des personnes situées sur le spectre autistique".
Les TSA sont hyper-sensibles au bruit. Nous avons donc installé une sur-isolation phonique, mis des boutons lumineux en guise d'interphones, créé des espaces bien identifiés et délimités. Par exemple, une cuisine ouverte serait impossible pour eux : à chaque pièce, une fonction. Enfin, il fallait un espace de vie pour les aider à s’autonomiser
Pierre Rochery, directeur général de Ligeris
"En fin de journée, quand la lumière décline, il y a des adaptations à prévoir, aussi un animateur socio-culturel ainsi qu’un ingénieur psycho-social accompagneront les jeunes. En soirée, deux salariés travailleront dans la structure", ajoute Gilles Souchard.
"Il y a beaucoup de chemin à parcourir"
"Ce qui a été compliqué, même si tout le monde est bienveillant, ce fut de trouver des financements. Notre association a tout fait en ce sens, avec l'aide de fondations privées." Le coût total du projet s’élève finalement à 825 000 euros, avec un surcoût limité entre 10 et 15%. Petite cerise sur le gâteau, ces appartements seront équipés avec du mobilier recyclé, grâce aux associations Valesens (spécialiste du réemploi) et Tri 37.
Marie Quinton, adjointe au maire en charge du logement, actuelle présidente de Ligéris, se réjouit de la réussite du projet et souhaite élargir le dispositif : "L’idée est qu’il y ait des rencontres, des activités communes, mais aujourd’hui c'est encore expérimental. Il faut créer du lien avec les étudiants qui occuperont la vingtaine de logements." Elle poursuit : "On fait attention à toutes les formes de handicap. Sur ces sujets, il y a beaucoup de chemin à parcourir, et les normes ne suffisent souvent pas, alors on tente de proposer du 'sur mesure' aussi bien dans le parc social que le privé."
Un nouveau pas sera effectué en juin prochain dans ce bâtiment, ancienne poste, garage et bains-douches tourangeaux, situé au 153, Avenue Grammont. Six appartements de 45 m2 seront occupés. Les loyers seront modérés : il ne restera à charge que 200 euros, aides déduites. Selon Gilles Souchard, "ce sont des appartements-passerelles ; le but est de sortir les six jeunes pour qu’ils soient autonomes ensuite, au niveau du logement et du travail".
80% des jeunes souffrant de TSA sont actuellement au chômage en France. Lucas, lui, aura 29 ans quand il testera les fonctionnalités de son logement. "Parents et enfants, on a hâte, vraiment !" conclut Gilles.