Le docteur Jean Kseib et son assistante ont été attaqués au couteau ce lundi 17 octobre dans leur cabinet de Tours, et ont tous deux reçu plusieurs coups. Deux jours après leur agression, qui aurait pu leur coûter la vie, ils reviennent sur ces minutes qui ont semblé des heures.
"J'ai entendu ma collègue dire : 'Mais monsieur, vous ne pouvez pas entrer comme ça !' Et je me retrouve dans le dos de la personne, avec mon praticien qui crie." Deux jours après l'attaque, l'assistante médicale d'un cabinet dentaire du quartier Fontaines à Tours peine à cacher son émotion.
Ce lundi 17 octobre, un homme a fait irruption dans le cabinet, juste avant son ouverture, armé d'un long couteau et d'un marteau. "Je vois la lame du couteau en l'air, mon praticien par terre, hurlant, et je l'ai vu lui remettre un coup de couteau."
Un coup "à deux doigts du cœur"
Le dentiste, le docteur Jean Kseib, se souvient "du sang qui giclait" sous les coups de son assaillant :
J'ai vu le mec arriver sur moi avec un long couteau. Je me suis protégé, parce que je ne pouvais pas fuir ni attraper un objet. J'ai reçu un premier coup sur mon bras, qui m'a coupé l'artère et quatre tendons. Dans ma tête, je me suis dit : "Ça y est, il vient pour me tuer."
Docteur Jean Kseib, dentiste à Tours
Dans un réflexe de survie, le dentiste se rapproche de l'agresseur, "pour l'empêcher de me donner des coups forts". Dans la manœuvre, il reçoit un coup d'une moindre force dans le thorax, "à deux doigts du cœur et du poumon". Puis une série de blessures plus profondes dans le dos.
Pendant tout ce temps, le docteur Kseib dit avoir "tenté de le raisonner". Car l'homme en question est un ancien patient, venu plusieurs fois au cabinet depuis 2018. Lors de sa dernière visite, en août, il aurait pris pour un préservatif le doigtier, protection en latex, que le dentiste a appliqué sur l'embout destiné à réaliser une radiographie de sa mâchoire :
Je lui disait : "Arrête, tu vas me tuer, j'ai des enfants." Et il me répondait : "Oui je veux te tuer. Tu m'a tué, tu m'as mis un préservatif dans la bouche."
Docteur Jean Kseib, dentiste à Tours
Son assistante, qui a tenu à rester anonyme, décide de se jeter sur l'assaillant. "On y va ! Je n'ai pas eu peur, je n'ai pas eu le temps d'avoir peur. L'adrénaline, sûrement." L'emportant dans sa chute, elle l'assomme contre des tiroirs quelques secondes, le temps pour le dentiste de se dégager. Puis la lutte continue. Elle prend elle aussi un coup de couteau, dans la hanche. "Je n'ai pas eu de douleur, j'ai juste senti la lame froide me pénétrer, j'ai eu un coup de colère et ça a dû me donner beaucoup de force."
"Je ne veux pas mourir à cause de ça"
Pendant ce temps, l'autre assistante du cabinet appelle à l'aide à l'extérieur. Avec l'intervention d'un passant, le groupe parvient à immobiliser l'attaquant, en attendant l'arrivée du Samu et de la police. Des minutes qui paraissent une éternité au docteur. "Je voyais mon sang partir, la flaque de sang par terre, témoigne-t-il. Je priais pour que les secours arrivent, que le cauchemar s'arrête tout en restant éveillé. Je me suis senti vaciller à un moment. J'ai perdu presque un litre de sang."
À leur arrivée, les secours envoient l'assistante directement à l'hôpital. Mais, inquiets du pronostic vital du praticien, ils le prennent en charge directement sur place :
J'ai frôlé la mort plusieurs fois. J'ai vécu ma jeunesse au Liban pendant la guerre, avec les obus qui tombaient. J'ai vécu l'explosion à Beyrouth. J'ai été hospitalisé à cause du Covid. Je me suis dit : "Les autres ne m'ont pas tué, je ne veux pas mourir à cause de ça, de quelque chose de si bête."
Docteur Jean Kseib, dentiste à Tours
Le dentiste s'en sort avec trois mois d'arrêt de travail et une dizaine d'entailles, son assistante avec 45 jours d'arrêt.
"Si je pouvais reprendre demain, je reprendrais demain"
À l'hôpital, on les avertit d'un probable stress post-traumatique. La première nuit, le docteur Jean Kseib ne ferme pas l'œil. "Je me repassais les images de l'attaque, en me demandant ce que j'aurais pu faire différemment." Un ami psychologue lui prescrit un anxiolytique pour dormir, et lui conseille d'en prendre un deuxième s'il se réveille en cours de nuit. "Ça a bien fonctionné, mais je ne vais pas rester sous anxiolytiques toute ma vie. J'espère qu'un jour, je vais oublier."
Entre le dentiste et son assistante, un lien indéfectible s'est créé. "Elle m'a sauvé la vie." "On s'est sauvé la vie mutuellement", rétorque-t-elle. Recevant des fleurs à son domicile de la part de ses patients, le docteur Jean Kseib n'a qu'une hâte : repartir au travail. "Ils m'attendent. Si je pouvais reprendre demain, je reprendrais demain."
Le suspect, âgé de 41 ans, n'était pas connu des services de police. Après examen médical, "son état de santé n'a pas été jugé compatible avec une mesure de garde à vue", indiquait le parquet de Tours ce lundi. Un arrêté de soins psychiatriques est donc attendu. L'enquête a été confiée à la Sureté départementale de la Direction départementale de la sécurité publique d'Indre-et-Loire.