"Cahiers de doléances" de la ruralité : "Ces fractures, on n'a pas été capables de les résorber"

Vanik Berberian, président de l'Association des Maires Ruraux de France, et ses confrères ont remis au préfet de l'Indre des "cahiers de doléances et de propositions". Qu'en est-il ressorti ? 

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"Nous, les maires, nous étions là comme des intermédiaires. A aucun moment nous ne sommes entrés dans le débat, on se contentait de recueillir la parole." Le précieux document rendu, Vanik Berbérian peut souffler, un peu. Le 28 décembre, le président de l'Association des Maires Ruraux de France (AMRF) a remis au préfet de l'Indre des "Cahiers de doléances et de propositions".

Ils sont une synthèse de la parole recueillie pendant l'opération Mairie Ouverte. Pendant plusieurs week-end de décembre, les maires de la ruralité ont compilé les impressions et les idées de leurs administrés.

Une première prise de température, avant l'ouverture du grand débat national souhaité par Emmanuel Macron. "Chantal Jouanno, présidente de la commission nationale du débat public, nous a dit qu'elle allait mettre sur le site internet ce qu'on a recueilli, qui pourra être un élément de réflexion, de repère", explique Vanik Berbérian. 
 

Le podium des inquiétudes


Les témoignages recueillis, l'AMRF a réalisé une "lecture analytique" des documents, classé les doléances et propositions et dégagé 11 thèmes majoritaires. "L'urgence à agir est dans les conditions de vie, le pouvoir d'achat, c'est quand même le sujet premier", constate Vanik Berbérian. Sur le podium également : l'injustice sociale et l'abandon de la ruralité via le retrait des services de l'Etat. 

Vanik Berbérian détaille : "[Sur l'injustice sociale], vous avez des gens qui s'échinent à travailler et qui n'ont pas de revenus, pendant que d'autres vivent très confortablement sans faire grand-chose. Le constat du délitement des services publics, c'est la prise de conscience, une nouvelle fois, que les territoires ruraux sont un peu abandonnés, livrés à eux-mêmes. Dans l'Indre, c'est le train qui ne s'arrête plus dans les gares, on pourrait aussi parler de la santé..."
 
Rôle du politique, organisation territoriale, justice fiscale... Les "cahiers" ont brassé large, et déjoué certaines idées reçues. "La question de l'immigration, souvent évoquée sur les ronds-points, ça n'arrive que 8ème.  Quand on pense que le Front National grimpe élection après élection, on se rend compte que, finalement, la motivation du vote FN se situe autre part", s'étonne le président de l'AMRF, témoin dans ce cas de l'écart entre le ressenti et la réalité de terrain. 
 

Les vieilles fractures


Témoin silencieux des échanges, Vanik Berbérian, à l'heure du bilan, s'autorise une analyser personnelle. "Vous avez une superposition de fractures. Fracture territoriale, et fracture sociale. Ça ne date pas d'un an et demi de macronisme, c'est quand même Chirac qui avait lancé la formule. Ces fractures, on n'a pas été capables de les résorber."

Pour lui, le déclic, c'est la déception, après un changement qui n'est pas venu. LREM a réussi à bousculer tout l'échiquier politique sur "la promesse d'un nouveau monde, de nouvelles manières de faire de la politique. Et, finalement, tout le monde s'est rendu compte que c'était pareil."

Une déception d'autant plus amère qu'En Marche y avait mis l'énergie et le coup de com' adéquat. "Je repense à la séquence où on nous a expliqué que les marcheurs faisaient du porte-à-porte pour recueillir les doléances, et qu'à partir de là, ils allaient construire un programme, ironise l'élu. Je ne sais pas s'ils avaient des cotons-tiges dans les oreilles, mais ça n'a pas marché.

Un an et demi plus tard, il faut de nouveau tendre l'oreille, avec l'air, désormais, d'y avoir été forcé. Peut-être arrivera-t-elle, même, jusqu'à cet habitant qui a de son côté réclamé - non sans humour - le retour des maisons closes, "les seuls services qui méritent d'être rouverts".
 

Le changement, c'est pour quand ? 


Il y a eu du fantasque, mais ceux qui sont venus s'exprimer croient encore au dialogue. "Vous avez des gens qui viennent en disant : "De toute façon, ça sert à rien". Mais il y a vraiment de tout. L'idée n'était pas de créer une diversion, de faire un défouloir. C'est véritablement dire les choses, faire des propositions. Il y a même des gens qui ont commencé leur intervention par "Monsieur le président de la République". C'est qu'ils y croient un peu quand même."

Et le maire de Gargilesse-Dampierre, y croit-il ? "Le mouvement du moment est important, parce qu'il est assez inédit. On n'a jamais connu ça, en réalité. Nous, maires ruraux, pensons qu'il faut saisir cette chance. Il y a une forme d'espoir. Peut-être que c'est l'occasion, pour le politique et les citoyens, de se ressaisir. De revoir certains paradigmes de notre fonctionnement politique et sociétal. Il faudrait que le politique écoute davantage."
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