Sur la ligne entre Tours et Châteauroux, seul le tronçon jusqu'à Loches est encore exploité pour les voyageurs. Depuis la fin des années 70, la liaison entre les deux préfectures n'est plus assurée que par des cars. Créé il y a un an, le Comité Urgence LCCLT milite pour une réouverture de la ligne, afin de désenclaver l'Indre et le sud de l'Indre-et-Loire.
Le Comité Urgence LCCLT (pour ligne Châteauroux-Châtillon-Loches-Tours) organise le 28 juin prochain une "rando-débroussaillage" à Châtillon-sur-Indre (36). Une opération symbolique visant à découvrir l'ancienne voie ferrée où la végétation a repris ses droits. Mais surtout à demander à la Région l'inscription, dans son prochain budget, des études préalables à une remise en service de la ligne.
"Il y a urgence à ce que cette ligne revive, explique Jean-Claude Durandeau, président du Comité Urgence LCCLT, elle manque dans ce territoire. Il suffit de regarder une carte des transports ferroviaires pour réaliser que le sud de notre région est complètement délaissé. La ligne existe, elle appartient toujours au réseau ferré national, il faut juste des travaux, certes assez conséquents, pour la remettre en service."
Une réouverture de ligne indispensable pour lutter contre le réchauffement climatique, en permettant de soulager le trafic sur une RD 943 jugée, par ailleurs, bien trop dangereuse. Mais il s'agit aussi de rendre plus attractifs l'Indre et le sud de l'Indre-et-Loire.
Dans l'Indre, les villages à l'abandon
"L'intérêt est de lutter contre la désertification du sud de la région, apporter un peu d'air, économiquement ou sur le plan touristique, poursuit le président du Comité. Aujourd'hui, pour les étudiants, les entrepreneurs, les déplacements de santé, les temps de trajet sont dissuasifs. Avec des transports plus efficaces, les gens n'hésiteraient peut-être plus à venir s'installer dans nos villages, qui sont aujourd'hui à l'abandon, déserts. Cela irait dans le sens, aussi, de la loi zéro artificialisation des sols."
Fondée en juin 2023, après de nombreuses réunions publiques où les habitants à proximité de cette ligne ont pu exprimer leurs attentes, l'association a remporté une première grosse bataille à l'automne dernier : l'inscription de l'étude de faisabilité au contrat de plan État-Région 2023-2027.
"Il faut maintenant que la Région inscrive l'étude dans son prochain budget, au mois de septembre, pour qu'elle soit faite rapidement, reprend M. Durandeau. Il faut aller vite, car Élisabeth Borne avait annoncé le déblocage de 100 milliards d'Euros pour le ferroviaire...Si cela se fait, il vaut mieux être prêt, avec un projet bien ficelé. Car la Région espère bien une participation de l'État à cette remise en service."
Au moins 240 millions d'Euros...
"Ce devrait être un financement de l'Etat, mais on n'y croit plus, se désole Vincent Degeorge, président de la FNAUT Centre-Val de Loire (Fédération Nationale des Associations d'Usagers de Transports). On est déjà tellement occupés à défendre un meilleur service, à améliorer les lignes en fonctionnement., que la réouverture d'infrastructures existantes n'est même plus un sujet ! On est encore très loin du compte, on attendait impatiemment un grand plan ferroviaire, mais 100 milliards d'Euros, cela reste notoirement insuffisant..."
Même avec la meilleure volonté, les régions ne peuvent pas tout, selon Vincent Degeorge :
"Elles ont des moyens limités, surtout une petite région comme le Centre-Val de Loire, et, encore une fois ce n'est pas à elle de financer les infrastructures. Elle prend pourtant en charge des travaux, Tours-Loches en est un exemple typique. C'est un transfert de gestion, sur une emprise du réseau ferré national ! Oui, la Région est volontariste, mais dans la limite de ses moyens. Elle doit faire des choix et se concentre prioritairement sur les lignes où il y a beaucoup de demande, beaucoup d'usagers."
La FNAUT estime que le coût d'une remise en service de Loches à Châteauroux pour le fret et pour le trafic voyageurs coûterait "au minimum 240 millions d'Euros et ne saurait intervenir avant 2040."
"Il y a fort à parier que ce serait beaucoup plus, souligne M. Degeorge. Entre Loches et Buzançais, il y a tout à refaire (la portion entre Buzançais et Loches est toujours en exploitation pour le fret, NDLR). Et refaire pour le fret ou pour les voyageurs, ce n'est pas du tout la même chose. Les trains de fret peuvent rouler à 20 km/h, ne nécessitent pas d'aménagements de gares ou de passages à niveau automatisés, ils n'ont pas besoin de la même signalétique, etc. Une remise en service pour le fret devrait logiquement être une première étape, une préfiguration de la future ligne voyageurs."
Une liaison directe via Vierzon en attendant ?
En attendant cette réouverture qui demeure pour l'instant très hypothétique, le trajet en car étant extrêmement long, la FNAUT propose une expérimentation de trains directs via Vierzon. Selon l'association, une telle offre, sans correspondance, permettrait un temps de trajet inférieur à deux heures :
"Cela demande bien sûr un tarif adapté, précise Vincent Degeorge, qui ne soit pas pondéré sur le kilométrage car on rallonge effectivement un peu le trajet. Moins de deux heures, cela deviendrait intéressant, mais évidemment sans supprimer la liaison par car qui fait du cabotage, un maillage plus fin sur les petites communes situées entre Tours et Châteauroux."
40 ans de "tout-TGV"
Le combat promet d'être long et difficile avant une réouverture de ligne entre les préfectures de l'Indre et de l'Indre-et-Loire. Mais le Comité Urgence LCCLT, la FNAUT et l'ADTT n'entendent pas baisser les bras, tant les enjeux sont devenus primordiaux :
"Ce sont des enjeux environnementaux mais aussi de rééquilibrage des territoires, conclut M. Degeorge. Les gilets jaunes attendent toujours, et l'on voit bien aujourd'hui le vote massif pour le RN en milieu rural. Comment s'en étonner ?"
Tous les rétablissements de liaison ferroviaire sont pertinents, on a fermé tellement de petites lignes ! C'est pourtant un mode de transport beaucoup plus équitable et écologique que tous les autres, sur des distances moyennes ou longues. On a 40 ans de tout-TGV à rattraper, on a complètement abandonné l'entretien, la maintenance de tout le reste du réseau et, aujourd'hui, on en paye les pots cassés !
Vincent Degeorge, président ADTT, président régional FNAUT
Pour la "rando débroussaillage", le Comité Urgence LCCLT donne rendez-vous à ses adhérents ainsi qu'à tous les habitants des deux départements concernés par le rétablissement de la ligne à Châtillon-sur-Indre, sur le parking du cimetière, vendredi 28 juin à 19h. La soirée se prolongera sur un moment convivial autour d'un buffet.