La France et la préfecture du Loir-et-Cher condamnées par la Cour européenne des droits de l’homme

En 2018, la préfecture du Loir-et-Cher avait placé en centre de rétention une Malienne et son bébé de 4 mois. La Cour européenne des droits de l'homme a jugé le 22 juillet que les services de l'Etat français avaient dans ce cas violé plusieurs articles de la Convention des droits de l'homme.

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L’affaire remonte à 2018. Une Malienne, âgée alors d’une vingtaine d’années, avait fui son pays où elle disait risquer "des mutilations génitales" et un mariage forcé.

Elle était arrivée en France le 15 janvier de cette année, en passant par l’Italie. Quelques mois plus tard, en juillet 2018, elle donna naissance à sa fille sur le sol français.

La préfecture du Loir-et-Cher, qui représente l'Etat au sein du département, cherchait alors à renvoyer cette Malienne en Italie, responsable de l'examen de sa demande d'asile car c'est le pays par lequel elle était entrée en Europe (selon les accords de Dublin III, l’examen de la demande d’asile d’un réfugié en Europe doit être examiné par le premier pays qui l’a accueilli, NDLR).

"Risque de fuite"

Après une assignation à résidence, le préfet du Loir-et-Cher décida de placer cette femme et son nouveau-né au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) le 26 novembre pour une durée maximale de 48 heures, invoquant "un risque non négligeable de fuite".

La jeune réfugiée avait en effet clairement manifesté son refus de traverser à nouveau la frontière transalpine, déclarant dans une audition que les Italiens l’avaient “menacé de [lui] enlever [son] bébé”.

Le lendemain de son placement en rétention, elle refusa d’ailleurs d'embarquer dans un avion vers l'Italie, et contesta la décision préfectorale devant la justice, en vain. La préfecture demanda pour sa part de prolonger de 28 jours la rétention de la Malienne et de sa fille, requête que valida le tribunal de grande instance de Meaux.

11 jours de rétention

Pour sortir de cette situation, la jeune réfugiée se tourna donc début décembre vers la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui valida de sa demande de mesure provisoire (c’est-à-dire de mesure d’urgence), obligeant légalement l’Etat à ne pas procéder provisoirement à son expulsion.

Le gouvernement français mit donc fin, au bout de 11 jours, à la rétention, et la jeune mère et sa fille furent alors prises en charge par les services sociaux. Elles déposèrent alors une demande d’asile auprès de l’Office de protection des réfugiés et des apatrides et bénéficièrent de titres de séjour provisoires.

Seuil de gravité dépassé

Deux ans et demi après, la CEDH a jugé l’affaire et condamné l'Etat français pour le placement en centre de rétention de la réfugiée et de son bébé, un placement décidé par le préfet du Loir-et-Cher, dépositaire de la puissance étatique sur le territoire.

Par cette mesure "excessive", la Cour a conclu que la France avait ainsi violé les articles 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants), 5.1 (droit à la liberté et à la sûreté) et 5.4 (droit à faire statuer à bref délai sur la légalité de la détention) de la Convention européenne des droits de l'homme.

"Compte tenu du très jeune âge de l'enfant, des conditions d'accueil dans le centre de rétention" et de la durée de la rétention, les services de l'Etat ont "soumis l'enfant", alors âgé de quatre mois, ainsi que sa mère "à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l'article 3 de la Convention", estime le bras judiciaire du Conseil de l'Europe.

16.780 € de dommages

La Cour épingle la justice qui n'a pas tenu "suffisamment compte" de son "statut d'enfant mineur" avant notamment "d'ordonner la prolongation de la rétention", prolongation demandée par la préfecture du Loir-et-Cher. La CEDH rappelle que le droit français prévoit que la rétention d'un mineur "ne peut être décidée qu'en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible".

La France devra verser au total à la mère et à sa fille 16.780 € au titre du dommage moral, des frais et dépens.

La Cimade, association qui défend les migrants, réfugiés et déplacés, est satisfaite cette décision de la Cour européenne qu'elle a immédiatement relayée sur les réseaux sociaux. 

Pas responsable des conditions d'accueil

Contactée, la préfecture du Loir-et-Cher affirme que c'est l'Etat français et non pas elle qui a été condamnée, car "l'arrêt dénonce surtout les conditions de rétention" au Mesnil-Amelot "(conditions matérielles d'hébergement minimalistes et inadaptées aux enfants, mobilier des chambres dégradé, aucune offre de loisirs pour les enfants)", conditions d'accueil dont elle n'est pas responsable.

Elle déclare par ailleurs que le Défenseur des droits "fait valoir que l'article L. 551-1 III du CESEDA (Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, NDLR) tend plus à légaliser la pratique de la rétention des mineurs qu’à la prohiber et souligne l’augmentation du nombre d’enfants placés en rétention". 

Elle se défend donc en disant s'être "bien fondée sur l'article L. 551-1 III du CESEDA et a, au commencement du dossier, tenté d'assigner à résidence l'intéressée qui ne l'a pas respectée". Elle rappelle enfin que "les différents actes pris par la préfecture de Loir-et-Cher ont toujours été confirmés par le Tribunal administratif d'Orléans et le Juge des libertés et de la détention".

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