Créée le 17 mai, cette commission répond aux obligations de la loi du 13 avril 2016 qui renforce la lutte contre le système prostitutionnel.
"Mettre tous les acteurs autour d'une table". C'est, selon Taline Aprikian, sous-préfète du Loiret, la force du dispositif.Le 17 mai, dans le Loiret, a été mise en place une commission départementale de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle. Cette création répond aux impératifs de la loi du 13 avril 2016, "visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées".
"La loi nous indique un certain nombre de personnes à associer , explique Taline Aprikian, comme les services de police, de gendarmerie, de la cohésion sociale, de l’immigration, et les collectivités. Nous, localement, on a invité les communes les plus concernées* par le phénomène et puis les associations intéressées de participer."
*Orléans, Saint-Jean-de-Braye, Montargis, Pithiviers.
Dans le Loiret, une prostitution majoritairement contrainte
Le Mouvement du Nid, une association qui oeuvre auprès des prostitué-e-s depuis 1937, siège en tant que membre au sein de cette commission. Elle a été chargée d'une étude pour évaluer la situation dans le Loiret. A défaut de jauger l'évolution d'une histoire qui se fait sous les radars des pouvoirs publics, ce rapport donne une situation de départ.
"Comme on s’y attendait, ce sont beaucoup de personnes en situation de fragilité, en immense majorité des femmes. Soit elles sont en situation de grande précarité, d’errance liée à la drogue, l’alcool, la solitude ou l’absence de logement. Ou alors il s’agit de femmes d’origine étrangère, qui sont amenées par des réseaux de traite des êtres humains" détaille la sous-préfète.
L'association avance un chiffre, à manipuler avec la plus grande précaution : dans le Loiret, 123 personnes seraient en situation avérées de prostitutions. Un chiffre jugé en soi "peu pertinent" par Mme Aprikian, qui développe : "Il faut savoir que certaines sont comptées deux fois, car remontées par des canaux différents, et d’autres ne sont pas comptées." Il est en tout cas sur la table, alors que la commission commence ses travaux.
"Parcours de sortie"
Le but est d'abord de piloter les politiques publiques, de mettre en réseau et en partenariat toutes les personnes et entités concernées par la problématique. La sous-préfète illustre : "Par exemple, à une réunion hier, on avait une association qui n’avait pas du tout l’habitude de travailler avec la police et qui se retrouvait parfois un peu toute seule certains soirs en difficulté."
Autre mission, comme prévu par la loi : la mise en place de "parcours de sortie" pour éloigner les travailleurs du sexe de l'exploitation dont elles sont parfois victimes. "On va pouvoir les aider en fournissant une aide financière et un titre de séjour provisoire, pour leur permettre de s’insérer dans la société en quittant cette activité." Le Mouvement du Nid sera en charge de présenter à la Commission les personnes pouvant avoir besoin de ces aides.
Les bonnes volontés suffiront-elles ?
La prostitution est loin de faire l'objet d'une conception unanime, et la commission a choisi de rassembler aussi autour d'elle les associations non-abolitionnistes, à l'inverse de la sensibilité officielle de la France.
Ces dissenssions pourraient-elles entraver la bonne marche des travaux de la commission ? Taline Aprikian balaie la question. "Moi, mon souci, localement, c’est d’apporter des réponses pragmatiques aux personnes en situation de prostitution, et de l’aide. Et au fond, là-dessus, il n’y a pas tant de différence que ça. La plupart du temps, il y a une situation de mise en danger d’autrui, de traite de la personne humaine. Qu’on soit abolitionniste ou non, tout le monde se rend compte qu’il faut protéger ces personnes."
La commission ne disposera pas de moyens spécifiques, à part les allocations sociales délivrées selon les parcours. "Pour la prévention, ce sont des actions qu’on finance déjà au titre du fonds interministériel de prévention de la délinquance, ou des crédits Droits des femmes", précise Mme la sous-préfète.
S'il n'y a pas de recette miracle, Taline Aprikian est en tout cas confiante dans la démarche engagée. "Le fait de mettre tous les acteurs autour de la table est une méthode qui produit des effets sur d’autres politiques publiques. Difficile de dire si ça va marcher, mais en tout cas les outils sont là, et les acteurs sont dans une démarche constructive."