Philippe Bas, Jean-Pierre Sueur, Muriel Jourda : avec leurs manières quelque peu "old-fashion", le président et les rapporteurs de la commission d'enquête sénatoriale sur l'affaire Benalla ont presque réussi à voler la vedette aux personnalités qu'ils ont auditionnées.
Le "petit marquis" -
"Ce Philippe Bas, sous ses airs très 18e siècle, est un putain de killer". Pas sûr que le président de la commission des Lois ait apprécié le style du compliment, mais force est de constater que ce grand commis de l'État, venu sur le tard en politique, a déchaîné durant l'été les réseaux sociaux. Changement de ton à l'automne lorsqu'Alexandre Benalla, entre autres critiques,le traite de "petit marquis".Le sénateur Les Républicains reste imperturbable face à l'insulte et continue de présider les auditions en veillant scrupuleusement au respect du mandat de la commission d'enquête. Sans jamais un mot un plus haut que l'autre, même si le ton poli laisse passer quelques flèches empoisonnées et ne tolère pas l'imprécision. Certains de ses adversaires politiques lui reprochent d'ailleurs son côté "maître d'école". A la tête de la commission des Lois, le sénateur de la Manche se pose en gardien sourcilleux de la Constitution face aux ambitions de réforme du "nouveau monde" incarné par Emmanuel Macron. A 60 ans, celui qui fut l'homme de confiance de Jacques Chirac ne s'est sans doute jamais autant exposé que durant cette affaire. Y compris lorsqu'il fut ministre, à deux reprises.
- Le linguiste -
J'adore la politique, j'ai adoré être ministre, j'ai adoré être maire.
A 72 ans (il les aura le 28 février), le co-rapporteur socialiste Jean-Pierre Sueur a trouvé dans l'affaire Benalla un nouveau terrain d'exploration. Il a derrière lui une longue carrière politique : il a été député à trois reprises, secrétaire d'État aux Collectivités locales, maire d'Orléans pendant 12 ans, président de l'Association des maires des grandes villes de France... Le sénateur du Loiret, qui en est à son 3e mandat au Palais du Luxembourg, est passé maître dans l'art du rapport. Il est intarissable sur l'organisation des communes comme sur le droit funéraire. Philippe Bas lui a succédé à la présidence de la commission des Lois après la victoire de la droite aux élections sénatoriales de 2014. Il en est depuis vice-président. Le doyen du trio est sans doute aussi le plus à l'aise avec les médias. L'air de rien, ce linguiste a su ressusciter la concordance des temps sur les chaînes d'info allant jusqu'à y imposer le subjonctif passé. "Passionné" par Charles Péguy, il a publié en septembre dernier un livre sur "Victor Hugo au Sénat". "Sénateurs, prouvez que vous êtes nécessaires", peut-on lire dans l'extrait du discours de Hugo reproduit en dernière page de couverture.
Mercredi 20 février 2019, @JP_Sueur et Muriel Jourda, rapporteurs, ont présenté à la presse leur rapport d'enquête sur "l'#AffaireBenalla", fait au nom de la #ComLoisSénat, présidée par @BasPhilippe.
— Sénat (@Senat) 21 février 2019
Plus d'informations ?https://t.co/n1f2Nce0CY pic.twitter.com/qhl8qe1knr
- La plus discrète -
Co-rapporteure LR avec Jean-Pierre Sueur, Muriel Jourda cultive une forme de discrétion. Pour autant, en audition, cette avocate qui semble ne jamais se départir de son calme et affiche volontiers un sourire bienveillant, peut se montrer insistante face à des réponses imprécises.Ses collègues la décrivent comme "très tenace", "d'une grande rigueur", mais aussi "extrêmement amicale".
A 51 ans, la benjamine du trio apporte parfois une touche de couleur qui tranche avec les tons sombres des costumes de ses collègues. Mais lorsqu'il s'agit d'affronter les caméras, elle s'efface le plus souvent derrière MM. Bas et Sueur, davantage rompus à l'exercice. Ancienne maire de Port-Louis, commune de 2.500 habitants du Morbihan, Mme Jourda a été élue sénatrice pour la première fois en septembre 2017. Entrée en politique "par hasard", elle est depuis l'automne présidente de la fédération morbihanaise des Républicains. Au sein de LR, elle se positionne comme "assez légitimiste".