"Les tutelles ont laissé pourrir la situation" : fermeture de l'ehpad public de Dordives, entre écoeurement et interrogations sur l'avenir

Le conseil départemental du Loiret et l'Agence Régionale de Santé ont annoncé, fin juin, la fermeture prochaine de l'ehpad public de Dordives. Un autre projet, différent, doit voir le jour. Mais pour les salariés comme pour le maire, c'est l'amertume qui prédomine.

Après des mois de tergiversations et de revirements, le couperet est tombé : l'ehpad public "Les Hirondelles", à Dordives, fermera le 31 décembre 2024.

"On veut tourner la page, en proposant une autre offre plus moderne et adaptée aux besoins des familles", résume Catherine Fayet, directrice de l'Agence Régionale de Santé dans le Loiret.

L'ARS et le conseil départemental du Loiret, propriétaire des murs, ont nommé un administrateur provisoire et lancé un appel à manifestation d'intérêt. En attendant, l'ehpad n'accueille plus de nouveaux résidents. Une soixantaine sont encore sur place.

"Les tutelles ont laissé pourrir la situation"

"C'est un énome gâchis, tranche de son côté le maire (SE) de la commune, Jean Berthaud. Les tutelles ont laissé pourrir la situation." Un sentiment partagé par les salariés.

Egalement président du conseil d'administration, l'élu précise : "Pendant des années, il y a eu des carences dans le contrôle" des finances de l'ehpad et un "manque d'investissement chronique dans le bâtiment" : "Le Département n'a fait aucun travaux", dénonce-t-il.

Des informations confirmées par un rapport de la Chambre régionale des comptes réalisé en 2022 : les magistrats pointent, pour cette année-là, "un déficit structurel de 850 000€", et "la nécessité de mettre en œuvre rapidement les travaux de gros entretien et de rénovation de l’établissement".

Cinq directeurs différents en deux ans

En cause, selon eux : "Un défaut de pilotage contribuant à la persistance de désordres budgétaires et comptables" : "Depuis le 1er janvier 2020, l’Ehpad a connu cinq directeurs, qui se sont succédé sur de courtes périodes, le plus souvent à temps non complet".

Contactée, une salariée, qui souhaite rester anonyme, explique avoir appris la fermeture de l'ehpad "dans la presse".

Elle décrit des conditions de travail particulièrement difficiles, "sans médecin coordonnateur depuis 2021, dont la présence est pourtant obligatoire".

Un épisode est resté dans les mémoires, symbole, selon elle, de cet abandon par les pouvoirs publics :

En 2016, les résidents n'avaient plus d'eau chaude. On a dû se mettre en grève et manifester sous les fenêtres du Département pour que la chaudière de l'ehpad soit changée.

Une salariée de l'ehpad de Dordives

En co-gestion depuis 2020 avec le centre hospitalier de l’agglomération montargoise (CHAM), l'établissement avait ensuite été confié, provisoirement, au Groupe SOS Seniors, resté 10 mois aux commandes. Avant, donc, de céder sa place à un administrateur le 1er juillet 2024.

Contacté, Christian Braux, vice-président au conseil départemental du Loiret en charge du bien-vieillir, assume : "Depuis qu'on a lancé le plan "Loiret Bien Vieillir" en 2015, on a toujours dit et répété que les ehpad publics devaient être propriétaires de leurs murs. Ce qui veut dire racheter l'établissement. Les travaux étaient justement conditionnés au rachat du bâtiment. Ça a toujours été clair." 

"Un voeux pieux, selon le maire, étant donné les finances déjà très fragiles de l'établissement".

Le groupe SOS Seniors, deuxième gestionnaire d'ehpad associatifs en France, s'était un temps positionné pour reprendre l'ehpad, avant de renoncer.

Ce qui n'étonne pas Guillaume Grandjean, président du collectif "Notre santé, notre hôpital on y tient" : "Ça voulait dire racheter l'établissement, mais aussi faire les travaux de rénovation".

Autrement dit s'acquitter d'une facture d'environ 5 millions d'euros, selon le maire de Dordives, "plutôt 8 millions même", selon la salariée que nous avons contactée.

"C'est un ensemble qui a fait capoter l'affaire, estime de son côté Chritian Braux : le déficit structurel et la reprise des salariés, sous statut de la fonction publique, ont pu aussi jouer".

Des salariés qui s'étaient, à l'époque, fermement opposés au projet de reprise, craignant notamment, avec ce passage du public au privé, une hausse des tarifs pour les résidents et des salaires moins intéressants.

Vers un ehpad "hors les murs" ?

Passé le choc de l'annonce de la fermeture, chacun aujourd'hui s'interroge : comment prendre en charge les personnes âgées dépendantes sur le territoire de la communauté de communes des 4 Vallées, 17 000 habitants ?

La perspective d'une reprise de l'ehpad étant peu probable, c'est une autre forme de prise en charge qui se dessine : "Le "tout-établissement" n'est plus sollicité, estime Cathine Fayet. Pourquoi pas un ehpad, "hors les murs",qui permettrait aux personnes âgées dépendantes d'être accompagnées chez elles, grâce à un réseau de soignants ? Ce qu'on vise, c'est un projet qui permette le maintien à domicile le plus longtemps possible et des allers-retours entre l’hébergement en ehpad et la maison".

Le maire, lui, évoque "un ehpad plus petit, plus ouvert, pourquoi pas aggrémenté d'un tiers-lieu, avec des activités accessibles aux résidents et aux habitants".

"Tout changement pourrait être dramatique pour nos résidents"

Les 58 salariés pourraient se voir proposer des offres d'emploi dans d'autres établissements du territoire. Mais l'amertume domine : "Trouver un boulot, pour nous, ce n'est pas un problème, affirme la salariée. Des infirmières, des aide-soignantes, on en aura toujours besoin. Mais on a le sentiment de  s'être battues pour rien. Et on ne veut pas abandonner nos résidents. Ils ont leurs repères, et on sait très bien que tout changement pourrait être dramatique pour certains".

L'ARS et le Département assurent qu'une solution adaptée sera trouvée pour chaque personne âgée de l'ehpad de Dordives.

Les premiers projets pourraient arriver sur la table "au 2e semestre 2024". L'ARS s'engage à préserver l'enveloppe budgétaire jusqu'ici dévolue à l'ehpad, soit 3 millions d'euros annuels, pour financer cette nouvelle offre de soins.

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