Dans un rapport publié le 18 janvier, la Chambre régionale des comptes met en lumière d'innombrables dysfonctionnements qui pèsent sur la vie des résidents. Le directeur reconnaît une situation "dégradée".
C'est un rapport sans détour. La Chambre régionale des comptes du Centre-Val de Loire a publié, ce 18 janvier, un rapport alarmant sur la situation de l'Ehpad des hirondelles de Dordives dans le Loiret. Finances dans le rouge, mal-être des salariés, risque pour la santé des résidents, le tableau dépeint par les magistrats de la Chambre raconte les immenses difficultés que vivent de nombreux Ehpad français.
"Désordre budgétaire" et "situation financière préoccupante"
L'établissement d'accueil de personnes âgées est déficitaire. En cause, selon la Chambre des comptes, un "désordre budgétaire", renforcé par "une forte rotation de l’encadrement". Ainsi, depuis 2020, cinq directeurs se sont succédé, "le plus souvent à temps non complet", créant une "instabilité" et une "une difficulté pour le management des équipes, le dialogue avec les familles et la mise en œuvre du projet d’établissement".
Le directeur du CHAM a évoqué les difficultés dans sa propre équipe de direction qui comporte plusieurs emplois vacants. Il souligne aussi que les publications de poste ont été infructueuses.
Rapport de la Cour régionale des comptes
Symbole de ces difficultés, l'actuel directeur de l'établissement, Jean-Luc Davigo, qui est également en charge du Centre hospitalier de l'agglomération montargoise (CHAM) ne peut consacrer qu'un seul jour par semaine à l'Ehpad, "alors même que l’ordonnateur reconnaît que la taille de l’établissement justifie une direction à temps plein".
Le résultat de cette "désorganisation" semble se ressentir dans les comptes de l'établissement à en croire la CRC. Elle pointe des "résultats comptables déficitaires", "un déficit structurel qui s’est accentué en 2022", ou encore "un faible niveau d’autofinancement brut".
La situation dégradée de l'établissement est connue par les autorités de tutelles depuis plus de 10 ans.
Réponse de Jean-Luc Davigo à la CRC
Dans ses conclusions, la CRC assène : "Les tensions financières de l’établissement, malgré quelques efforts pour redresser les comptes, trouvent leur source, pour une large part, dans les errements budgétaires et organisationnels [...], mais aussi dans un resserrement des financements publics, notamment en 2022."
4,80 euros pour trois repas et un goûter par jour
Face à ces difficultés, les dépenses semblent rationalisées au maximum. La Chambre régionale des comptes indique dans son rapport que le "coût unitaire du repas est estimé par la direction à 4,80 euros TTC" par résident et par jour. "Ce prix couvre le petit-déjeuner, le déjeuner, le goûter, le dîner et, le cas échéant, la collation nocturne."
Le service de restauration fait l’objet de critiques récurrentes dans les instances à la fois sur la qualité ou la température des plats servis aux résidents.
Rapport de la Cour régionale des comptes
Le rapport cite également l'alerte "d'un membre du conseil d'administration" en mars 2021. Il pointe "la dénutrition importante chez beaucoup de personnes âgées dues au budget insuffisant octroyé à la cuisine" et qui "engendre l’achat de compléments alimentaires qui affectent le budget soin".
Vers une reprise par un groupe à but non lucratif ?
Dans leur rapport, les magistrats de la Chambre proposent alors quatre scénarios pour sortir l'établissement de cette situation. Mais un seul est largement plus détaillé que les autres : celui d'une reprise de l'Ehpad par le privé.
Il faut dire que la direction et les autorités semblent également miser sur ce scénario. Depuis septembre 2023, la gestion de l'Ehpad des Dordives a été déléguée au groupe à but non lucratif SOS. Ce rassemblement d'associations et d'entreprises solidaires qui pèse près de 1,4 milliard d'euros de chiffre d’affaires pourrait reprendre l'établissement.
Si cette orientation est retenue par le groupe SOS, un dossier devra être déposé auprès de l’ARS et du Conseil départemental du Loiret sont les deux institutions conjointement compétentes pour les autorisations et la tarification.
Agence régionale de santé
"Il faut donner une chance à cette option", confirme Jean-Luc Davigo tout en assurant "que toutes les options" sont encore sur la table. "On devrait y voir plus clair d'ici le mois de mars", poursuit-il. Reste que pour la Chambre, quel que soit le scénario choisi : "La question de l’adéquation des tarifs à l’état de santé et de dépendance des résidents, mais aussi aux charges induites par le rachat et l’entretien du bâtiment se pose", tout comme "les efforts de gestion à mettre en œuvre".