À moins d'un mois du premier tour des élections municipales, certaines voix s'élèvent pour demander à leur commune de reprendre la main sur la gestion de l'eau potable et associer les citoyens aux décisions relatives à ce qu'elles considèrent comme un bien commun.
Déléguer la gestion de l'eau potable à une entreprise privée ou laisser la commune s'en occuper ? C'est l'une des questions qui agite la campagne des municipales à Orléans. Car les contrats de délégation engagés auprès de sociétés privées (Véolia et Suez) arriveront à échéance fin 2023. Date à laquelle les élus devront se décider pour l'un ou l'autre système. Ou un mélange des deux.
400 000 euros économisés chaque année
À Saint-Jean-de-Braye, à l'Est d'Orléans, "l'eau du robinet s'est mise à couler en régie au 1er janvier 2012", se rappelle Bruno Malinverno, adjoint à l'urbanisme. Un changement de gestion qui répondait à une exigence politique et économique.Alors après avoir commandité une étude sur les coûts et la faisabilité, consulté les habitants, pris l'avis des partisans et des opposants à la régie publique, la commune située à l'est d'Orléans a pris sa décision. "On y a vu un avantage économique évident qui nous a permis de récupérer environ 400 000 euros par an", poursuit l'élu.On était engagé dans un contrat avec une entreprise qui ne nous satisfaisait pas pleinement et surtout, on considérait que l'eau n'était pas un bien comme les autres, ni une ressource avec laquelle on fait de l'argent, pour dire les choses simplement.
Une économie qui a permis à la commune de reprendre en main la maintenance de ses équipements, notamment plusieurs châteaux d'eau, et d'améliorer drastiquement ses performances, supérieures à 90 % aujourd'hui. Mais pas que : l'argent a également pu être réinjecté dans le financement d'une usine de décarbonatation (élimination du calcaire dans l'eau) qui devrait voir le jour en 2021.
Alors pourquoi de nombreuses localités persistent-elles à se tourner vers un opérateur privé ? "Reprendre l'eau potable nécessite tout de même un peu de boulot, reconnaît l'élu abraysien, et de personnel." Sans compter qu'en cas de défaillance du réseau, les édiles peuvent se retrouner vers l'entreprise pour se dédouaner.
La perspective de 2024
L'exemple réussi de Saint-Jean-de-Braye pourrait inspirer les débats à venir au sein d'Orléans Métropole. Car au 1er janvier 2017, la compétence du traitement de l'eau a été transférée à l'agglomération, qui a repris les modèles en place dans ses 22 communes. Jusqu'au 31 décembre 2023, où le système devra être repensé dans son entièreté.Sur la Métropole orléanaise, neuf communes sont gérées en régie publique. Ce qui n'interdit pas de déléguer certaines tâches plus ou moins ponctuelles à une entreprise privée. Les autres ont engagé une Délégation de service public (DSP) auprès de Véolia, pour dix d'entre elles, et de Suez, pour les trois restantes.Plusieurs personnes sont venues nous demander comment ça s'était passé pour nous, constate Bruno Malinverno. Des maires, des élus, des membres de l'opposition aussi. C'est un débat qui dépasse le clivage gauche - droite.
Pour une régie globale et l'établissement d'un conseil de l'eau
D'ici 2024, le collectif À l'eau citoyenne entend bien peser sur la campagne - d'abord - puis sur les débats. Ses militants plaident pour un passage à une régie publique globale, intégralement gérée par la métropole, mais aussi pour l'établissement d'un "Conseil de l'eau", composé d'élus et de citoyens.À l'eau citoyenne, qui regroupe plusieurs associations dont Attac ou Alternatiba, a fait son entrée dans la campagne en distribuant à chaque liste candidate un formulaire, sur lequel figure différents engagements relatifs à la gestion de l'eau. À Orléans, tous les candidats - sauf lutte ouvrière - ont signé le document, en validant néanmoins tout ou partie des points qu'ils entendaient respecter. Pour l'heure, le collectif acte que deux listes (celles d'Olivier Carré et de Serge Grouard) s'opposent à une régie globale, approuvée par toutes les autres listes signataires.Il faut que les citoyens soient associées aux décisions financées par leurs factures, explique Éric Vidal, membre du collectif. Il n'y a qu'avec une politique globale de l'eau que l'on pourra mener de grandes réflexions sur son utilisation, améliorer sa qualité, assurer son accès à tous et intégrer les problématiques écologiques du moment.