Après une longue période de déclin, les guinguettes sont de nouveau à la mode. Elles fleurissent un peu partout, sur les bords de Loire et attirent des adeptes de toutes générations. Alors on guinche ?
"Alors on guinche ?" est une histoire racontée par un vieux vélo, "le pneu à plat, le chrome rouillé et le phare éteint, qui cent ans auparavant, fonçait de guinguette en guinguette, toujours le nez dans le guidon."
Très populaires jusqu'au début du 20e siècle, elles fleurent bon la Belle Époque, les années folles avant le déclin et le néant. Un mauvais tour dû à l'évolution des modes de divertissement et des habitudes sociales : la radio, la télévision, les discothèques et les boules à facettes, les écrans qui s'imposent et les réseaux sociaux.
Un récit illustré par des images d'archives et commenté en tandem par Bertrand Sajaloli, géographe à l'université d'Orléans.
Ce documentaire, réalisé par Jacques Bedel, sur une idée d'Arnaud Gobir, est une immersion dans un univers de fête au fil de la Loire et des années qui défilent jusqu'à aujourd'hui.
Les guinguettes ont eu le vent en poupe, un souffle qui a pris de l'ampleur en attirant nombre de voyageurs jusqu'à nos bords de Loire. On y danse, on y nage, on y rame, et on y mange aussi, tout en se rafraîchissant avec le cru du terroir. C'est un lieu de rendez-vous, de convivialité sur un air de Java ! Le vieux vélo a dû croiser de bien jolis modèles en col-de-cygne !
Aujourd'hui, il n'a pas assez d'élan pour rouler aux côtés d'une bicyclette et peine à suivre du regard son neveu électrique. C'était une autre époque, un "jadis" au parfum de nostalgie. Le décor est obsolète et la musique aussi ? Pas si sûr ! Cela a été vrai, un certain temps, mais cela ne l'est plus et tant mieux pour nous !
Dans les années 50 se développe une certaine phobie des zones humides qui a un impact sur tous les loisirs de l'eau. Puis dans les années 70, une sensibilité plus verte est mise en avant. Pour des raisons économiques et des vacances d'été qui se prolongent, depuis dix ou vingt ans, les lieux de détente de proximité ont le vent en poupe.
La guinguette est de retour, à la mode, elle s'appelle La Corne des Pâtures", "La toue cabanée","Le Boui-Boui", "La sardine", Au Piaf du Loiret" ou encore, "La guinguette de Rochecorbon".
Ouvrez la parenthèse
Comme dans la décoration, le démodé est devenu rétro puis vintage. Le vieux vélo a repris du service, après une bonne remise en état, il se balance en danseuse sur les chemins, comme autrefois. Peut-être un peu moins vite, plus longuement mais sûrement, il roule de guinguette en guinguette, heureux de quitter le vieux local où on l'avait confiné pendant la période Covid.
"Quand on se promène au bord de la Loire, on voit que la vie n'est plus si noire."
La danse est un antidote à la grisaille et la bamboche un lieu de convivialité. Quand la maîtrise ou la forme n'y est pas, il n'est pas nécessaire de tournoyer ou d'enchaîner les pas avec virtuosité. La piste est ouverte à tout le monde, à chacun son rythme, l'essentiel étant de prendre du plaisir.
Et quand vraiment ça ne vient ou que ça ne veut pas, il reste les petits coins à l'ombre ou ensoleillés pour grignoter, papoter ou se la couler douce en solo. Oublier les soucis, le train-train quotidien pour monter dans cette ronde enchantée, c'est ça, l'esprit bamboche. Alors, on guinche ?
La toue cabanée
Chaque guinguette a son visage, un profil et une musique qui lui sourit. L'empreinte du lieu est une invitation pour une destination particulière. Quelques tours de roue bien motivés pour rejoindre la Toue cabanée de Saint-Martin de la Place dans le Maine-et-Loire où les clients gourmands et gourmets savourent les petits plats faits maison.
"Entre la friture et le lapin en gibelotte, une solide réflexion sur le rôle social de leur établissement."
Faire un pied de nez à la morosité actuelle en donnant du plaisir aux gens, voilà une bien jolie devise !
"Participer à un projet comme ça, c'est grandiose. On est un peu à l'inverse de la société actuelle où chacun essaye de ramener plus pour soi parce qu'on a tous peur de manquer. Investir de l'argent pour faire plaisir aux gens, pour occuper les enfants, organiser des concerts ".
Un projet généreux, qui fait écho dans une clientèle intergénérationnelle où chaque personne tient une place unique. Dans cet esprit de partage et de bons procédés, l'équipe de la Toue Cabanée achète ses meubles à Emmaüs.
"On a un accord avec eux, où on paye 50 % de la valeur de ce qu'on achète et en l'occurrence, on récupère beaucoup de choses dont ils n'arrivent pas forcément à se débarrasser."
Un lieu de rencontres ou chaque week-end sont programmés, chanteurs, duos et groupes. Des soirées salsa cubaine, cumbia et latino pour se laisser porter par le rythme, en se levant du pied-droit. Une ambiance chaleureuse encadrée par un personnel enthousiaste et concerné, le plus souvent recruté localement.
La Corne des Patûres
Le périple en deux-roues s'arrête aussi à la Corne des Patûres, à la Baule dans le Loiret. Les notes de la partition sont affichées dès l'entrée et elles sonnent juste.
La mise en place avant les festivités ne laisse pas de place au hasard. Tout est pensé pour que cette mise au vert, à l'écart des commodités du village, soit en harmonie avec l'environnement : une autonomie électrique dispensée par des grappes de panneaux solaires installés sur les toits de deux bus, recyclage et épuration de l'eau. Ingéniosité et huile de coude sont au rendez-vous.
Une programmation artistique et culturelle quasi-quotidienne, variée et intergénérationnelle : cinéma, atelier pour les enfants, spectacles à écouter le vendredi puis festif le samedi pour "bouger le popotin"
"L'envie au départ, c'était tout simplement d'inviter tous les potes artistes à venir jouer chez nous et d'en faire profiter tous les potes qu'on a dans le coin. La notoriété et le succès, ils sont venus après, à notre grande surprise. On avait tout budgétisé pour accueillir 30 à 50 personnes par jour. On a complètement été dépassés."
La guinguette de Rochecorbon
Après une succession de minipauses, en Indre-et-Loire, à une petite demi-heure à pédale de Tours, notre deux-roues, tout regonflé, rencontre Monique et son cavalier de danse Christian. Impossible de ne pas les remarquer, ils virevoltent sur la piste de 300 mètres carrés avec classe et légèreté.
Marie-Claire, elle non plus ne peut plus s'en passer, "c'est une drogue presque, si l'on n'a pas notre dose d'accordéon, ça ne va pas.". Jusqu'à quatre fois par semaine, dans des tenues différentes, en robe ou en jupe qui tournent, elle se laisse inviter pour une danse de salon.
"Chaque guinguette cherche sa recette de la fontaine de jouvence pour retrouver le plaisir d'être ensemble". Et puis danser, c'est bon pour la santé ! On y respire un air joyeux, un air de fête. Rotation, équilibre, travail du corps dans l'espace, mémoire des enchaînements, confiance en soi, les bienfaits sont nombreux."
La danse devrait être remboursée par la sécurité sociale.
Christian
À Rochecorbon, toutes les danses ont leur place et leurs soirées, du rock’n’roll au country. À chacun son style, à chacun ses goûts !
La nouvelle génération change un peu les codes. Les jeunes femmes invitent, guident à leur tour quand le cœur leur en dit. Comme les corps, les traditions bougent.
Le vélo tout ragaillardi est interpellé par la sonnette d'une bicyclette pour quelques tours de roue. Ils tournent bien ensemble, mais il l'a bien compris, être partenaire de danse ne signifie pas davantage que prendre du plaisir sur la piste.
Alors,on guinche ?, un documentaire de Jacques Bedel, produit par Girelle Production, à voir ce jeudi 16 mai à 23 h sur France 3 Centre-Val de Loire, à découvrir en avant-première et à revoir en replay sur france.tv.