Rien ne les destinait à "la grande classique". Grâce au projet Démos porté par la Philharmonie de Paris, 75 jeunes des quartiers populaires d'Orléans ont pu se produire sur une des plus prestigieuses scènes françaises. Avec des étoiles plein les yeux.
Le trac est palpable ce jeudi soir à la Cité de la musique à Paris. Mais la fierté plane aussi dans l'air. Ce 20 juin marque l’aboutissement d’un projet lancé il y a trois ans, celui de l'Orchestre Démos d'Orléans qui permet à des jeunes âgées de 7 à 12 ans venant de quartiers populaires de la ville de découvrir la musique classique en apprenant à jouer d'un instrument.
Un objectif musical... et social
Avant le grand concert, les enfants, comme Asaph (10 ans) qui joue du basson, n'ont qu'une envie, celle de monter sur scène. "Je suis sûr de moi, c'est quand même trois ans de travail acharné. Et finir sur une belle note comme ça, ça fait plaisir !", nous confie-il, plein d'émotion dans la voix. Comme lui, ils sont 75 à participer à cette aventure. Tous fiers de jouer devant leurs parents pour ceux qui ont fait le déplacement depuis le Loiret.
Lancé en 2010 sous l'égide de la Cité de la musique - Philharmonie de Paris, le projet se nomme Démos, pour "Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale", comme nous l'explique Benoît Barberon, administrateur de général de l'orchestre symphonique d'Orléans. Initié d'abord dans la capitale, le projet a été, depuis, décliné dans toute la France. Il y a aujourd'hui pratiquement 50 orchestres venant aussi bien de quartiers populaires que de milieux ruraux, où les enfants sont loin des lieux d'apprentissage. Enfin, un instrument est prêté à chaque enfant qui intègre Démos pendant trois ans, soit le temps du programme.
À Orléans, les équipes de la direction d'animation sociale de la ville et celle de l'orchestre symphonique ont tissé un partenariat pour identifier des "enfants qui n'avaient jamais eu de pratique musicale, mais qui étaient partants pour s'engager pour trois ans. Et c'est long trois ans", avance Benoît Barderon. "Le plus grand objectif, il est social. Au travers de l'orchestre, on apprend à vivre ensemble, à construire un projet ensemble, ça, c'est plus important. On recrée du lien social avec les familles aussi", ajoute l'administrateur général de l'orchestre symphonique.
"Une sorte de famille qui grandit petit à petit"
Cette initiative, que l'on peut rapprocher de "El Sistema" - un projet lancé dans les années 1970 au Venezuela et aujourd'hui sous la houlette du maestro Gustavo Dudamel qui a permis à de nombreux enfants défavorisés de faire de la musique classique -, a tout de suite suscité l'intérêt de Léo Margue, le chef d'Orchestre de Démos Orléans.
Pour lui, c'est même "un aboutissement d'une vision de la musique qui dépasse juste la vie professionnelle". "C'est une sorte de famille qui grandit petit à petit. Et puis, c'est aussi très passionnant de voir les passions qui se développent. L'instrument devient quelque chose d'inséparable pour certains".
Sur ce point, la petite Amel, 10 ans, est tout à fait d'accord. Son plus beau souvenir de ces trois dernières années a été en effet "le jour où j'ai reçu mon instrument". Ce dernier, un alto, est même un peu bizarre selon elle : "Je ne m'attendais pas du tout qu’il soit comme ça, mais je l'aime quand même".
On apprend aussi du coup à s'accepter, à aussi gérer nos différentes émotions, nos humeurs.
Léo MargueChef de l'orchestre Démos d'Orléans
Le choix du programme éclectique qui a été joué ce jeudi soir à la Cité de la musique a fait l'objet d'une attention particulière, mêlant grand classique - une composition de Joseph Hayden -, un chant traditionnel turc et une création spécialement conçue par le compositeur Tom Georgel pour Démos Orléans.
Dans cette composition, les enfants ne font pas que jouer de leurs instruments, ils utilisent leur corps pour bouger dans l'espace. "La musique, c'est aussi un jeu", avance Léo Margue. "Cette pièce, c'est notre pièce".
Regardez la performance de l'orchestre Démos d'Orléans dans le lecteur ci-dessous (de 11m40s à 39m05s) :
La musique, c'est pour la vie
Pour les initiateurs et les formateurs du projet Démos, une chose est certaine : les enfants ont intégré la rigueur qu'exige l'apprentissage de la musique. Elle fait désormais partie de leur quotidien comme les capacités d'écoute et d'attention développées durant ces trois dernières années et qu'ils pourront mettre en pratique à l'école ou dans leur vie de tous les jours.
Enfin, signe que l'aventure Démos a représenté quelque chose d'important dans la vie des petits musiciens d'Orléans, "45% d'entre eux ont choisi d'intégrer le conservatoire à la rentrée", se réjouit Benoît Barberon, l'administrateur de l'orchestre symphonique la ville. Un chemin qui les emmènera, peut-être un jour, à diriger un orchestre comme Léo Margue, leur maestro de ce jeudi soir.