Camille Montaz, habitante d'Orléans, est guérie depuis plus de deux ans de sa dermatillomanie, un TOC qui l'obligeait à abimer sa peau pour tenter de la lisser à l'extrême. Elle raconte son histoire en ligne et en livre, pour aider les autres personnes atteintes.
Se débarrasser d'un TOC relève bien souvent de l'impossible, ou de l'effroyablement difficile. Camille Montaz, 31 ans, est parvenue à surmonter le sien, et tient aujourd'hui un blog et un compte Instagram promouvant l'acceptation de soi sur le chemin de la guérison.
Originaire de Grenoble, cette chargée de communication en freelance habite à Orléans depuis plus d'un an. Et depuis deux ans, elle a laissé derrière elle son trouble obsessionnel compulsif, à savoir la dermatillomanie. C'est "un trouble anxieux par lequel on va essayer de lisser la peau en grattant les irrégularités, les croutes, les boutons noirs et les petits reliefs", explique Camille Montaz. Avec des conséquences fortes en matière de mal-être physique, mental et social.
Des transes de 5 heures
Pour la jeune femme, le trouble est apparu à ses 12 ans, en même temps que ses premiers boutons d'acné. "Je passais des heures à percer, triturer, en pensant que ça ferait disparaître le problème, et ça a juste rendu la chose deux fois pire", affirme-t-elle. Se regarder dans le miroir et se triturer la peau du visage est alors devenue pour elle un réflexe, "la première chose que je faisais quand je rentrais du collège", pour se transformer en rituel implacable, qui allait lui pourrir la vie pendant 15 ans.
Et plus qu'un simple automatisme, Camille Montaz commence alors à "prendre du plaisir" à s'abimer la peau, l'opération lui permettant pendant quelques minutes à quelques heures "de déconnecter du monde extérieur, comme si j'avais une mission et que j'étais dans ma bulle". Les crises deviennent des transes, parfois de 4 à 5 heures, et détériorent de façon permanente la peau de son visage, qui était "tout le temps enflammée, avec des marques rouges, et parfois du sang". Pendant des années, les crises sont cycliques, tantôt quotidiennes avant un calme de trois semaines, puis une rechute violente.
Isolement social
Et si les transes sont parfois inconscientes, Camille Montaz réalise bien, juste après une crise, les dégâts qu'elle a elle-même causés à sa peau. En résultent "un sentiment de honte" et "une peur du regard des autres" :
On a l'impression que tout le monde juge notre peau. Les marques, c'est la partie visible d'un mal-être invisible, et on n'a pas envie que d'autres personnes voient que quelque chose ne va pas, qu'on est soi-même à l'origine des marques.
Camille Montaz
Elle doit alors mettre en place des "stratégies de camouflage" -comme se maquiller lourdement ou marcher à contre-jour- qui affectent sa vie sociale. "Quand je dormais chez des amis, je me levais une heure avant tout le monde pour refaire mon maquillage", se souvient-elle. Mais le plus souvent, la peur gagne et la force à annuler des soirées et même des entretiens d'embauche. "C'est un trouble anxieux, donc il se déclenche avant un évènement stressant, où il y aurait eu beaucoup de monde."
Se développent aussi chez elle des stratégies de mensonge. Honteuse, Camille Montaz n'en parle pas avec ses proches, souhaite s'en sortir seule. Elle fait pourtant face à l'incompréhension, voire à "la moquerie", de dermatologues, ignorant parfois l'existence même de la dermatillomanie.
8 ans pour guérir
Le début de la guérison arrive pour elle quand elle tombe, vers ses 21 ans, sur "des groupes Facebook anglo-saxons, qui en parlaient en anglais, avec des milliers de gens [très majoritairement des femmes] qui partageaient des photos". Un évènement qui entraîne sa "prise de conscience" : "Ca m'a rassuré de voir que je n'étais pas bizarre, que je n'étais pas seule dans ce cas, à vouloir m'arrêter mais à ne pas y arriver."
Puis tout s'accélère à partir de ses 24 ans, quand sa meilleure amie lui donne le déclic : "Si je n'avais pas réussi, c'est qu'il fallait que je change de stratégie." Elle s'ouvre alors à l'aide extérieure, et passe par presque tout ce qui est possible : psychiatrie, thérapie comportementale et cognitive, psychothérapie, hypnose... Elle se focalise aussi sur son hygiène de vie, et fait un travail de connaissance d'elle-même, de son mal-être. "Lors des premières thérapies, je ne faisais que pleurer, parce qu'il fallait que ça sorte enfin, rapporte-t-elle. Ça m'a fait énormément de bien parce que je ne gardais plus tout ça pour moi. Parce que ce qui fait le plus de mal, c'est quand ça se cristallise à l'intérieur. "
Evidemment, tout n'a pas fonctionné, "tout n'a pas été rose". Mais à force d'efforts et d'exercices, Camille Montaz commence à "avoir un mieux-vivre vers 27-28 ans". C'est à ce moment qu'elle crée son compte Instagram et son blog "Peaussible", pour témoigner de son parcours, et partager ce qui l'a aidé à guérir. En somme, tout ce qu'elle aurait "aimé savoir à l'époque", elle qui a "tellement souffert d'avoir été seule". L'autre objectif est de sensibiliser les professionnels médicaux à l'existence de ce trouble, pour en améliorer la prise en charge.
Connais-toi toi-même
Ses conseils, elle les partage également dans un livre autoédité, Mon histoire avec la dermatillomanie. Lancé en juin, il s'est vendu à 1 600 exemplaires, et devrait être bientôt traduit en anglais.
Aujourd'hui, Camille Montaz est débarrassée de son trouble, malgré des séquelles encore visibles, comme des "pores dilatés, des taches, des cicatrices". Mais l'important est ailleurs : "Je vais bien, je me sens libérée, je n'ai plus ce poids permanent", témoigne-t-elle. Elle estime cependant :
Mon rapport à ma peau ne sera jamais le même que pour les autres personnes, j'ai toujours le réflexe de comparer ma peau et celle des autres.
Camille Montaz
Mais elle confie parvenir "à prendre du recul", à se "détacher de cette apparence physique" et à "mettre du temps entre émotions et actes", pour rationnaliser son propre comportement vis-à-vis d'elle-même. Elle espère désormais que les personnes suivant son blog pourront s'en sortir plus facilement. Et que chacun redevienne, comme elle, "maître de sa vie".