Résidents autour du campus, des étudiants de l'université d'Orléans racontent leur confinement dans leurs chambres universitaires de 9m².
A Orléans, la faculté est à plus de vingt minutes de transport du centre-ville. Située dans le quartier de la Source, les espaces verts, orangés par l'automne, sont omniprésents et les familles prennent plaisir à se promener, même en période de confinement. Comme pour se fondre dans ce décor, les résidences universitaires ont pris des noms de végétaux : les Ormes, les Dahlias ou encore les Magnolias.
"On est contraints de faire beaucoup de choses dans 9 m2"
C'est au dixième étage des Châtaigniers qu'habite Marine, étudiante en première année de droit. Emploi du temps accroché au mur, chambre très personnalisée : la jeune femme s'est organisée pour préparer le mieux possible ses partiels. "Je peux rester en pyjama, je cuisine moi-même et je me permets de travailler tard le soir, car la nuit je ne vois pas le temps passer, chose que je faisais moins quand j'allais à la fac".Originaire de Châteaudun, Marine a préféré rester à Orléans, car elle craignait de ne pas travailler correctement chez ses parents, notamment à cause de la connexion Internet instable. Malheureusement, elle rencontre le même problème dans sa résidence : "Le Wi-Fi coupe presque tous les jours, donc je loupe une partie des cours. Si les profs ne mettent pas en ligne la rediffusion, mes amis m'envoient le cours".
En traversant le campus, il règne une ambiance sinistre. On discerne seulement la lumière de la bibliothèque universitaire, anormalement vide à l'approche des examens de fin de semestre. Les étudiants se préparent tous à leurs partiels, à l'image de Fatokhoma, étudiant en deuxième année de master en physique des matériaux, qui révise avec l'un de ses camarades son examen du lendemain. Contraint de travailler dans sa petite chambre de la résidence des Hêtres, ses cours sont dispersés sur son lit et son bureau. "Ce n'est pas facile parce qu'on n'a pas beaucoup d'espace. On est contraints de faire beaucoup de choses dans 9m2 : manger, réviser, dormir".
D'origine sénégalaise, Fatokhoma étudie en France depuis 3 ans. "Je n'ai pas beaucoup de moyens , donc je n'ai pas d'autre choix que de vivre dans 9 m2". Ses amis rajoutent à ce problème le manque d'offres de locations à Orléans. Tous les trois habitent donc le premier étage du bâtiment : "On est presque comme des frères. On se taquine souvent, et ça contribue à notre état psychologique. On voit du monde, on parle et on échange des idées avec eux. Ce doit être plus difficile pour certains étudiants".
"Je restais collée à mon téléphone et aux réseaux sociaux"
A la résidence des Roses, Emma(1), étudiante en master de chimie de l'environnement, nous accueille dans sa chambre en rez-de-chaussée. La jeune femme, d'origine algérienne, est arrivée en France en septembre dernier.
Avec le temps, elle parvient tant bien que mal à réviser ses partiels : "Avec tout ça, je m'y suis prise un peu à la dernière minute donc je me mets beaucoup la pression". Elle a de la famille à Paris, mais n'a pas pu la rejoindre car ses examens de travaux pratiques ont toujours lieu à l'université. Dans ces conditions, il est difficile pour elle de se faire de nouveaux amis : "On arrive à l'heure de l'examen, on ne part pas tous en même temps et avec la situation actuelle, on ne peut pas rester sur le campus. On n'a pas trop l'occasion de faire connaissance".Dès que j'ai commencé à m'adapter et oublier un peu le manque de ma famille, le confinement est arrivé. Les premiers jours c'était assez difficile. Je restais dans mon lit et je n'avais aucune motivation pour faire autre chose. J'étais collée à mon téléphone et aux réseaux sociaux
Youssoupha, étudiant en master d'informatique, déplore lui aussi ce manque de contacts physiques avec ses camarades. "En informatique, on travaille beaucoup en groupe, donc on partage beaucoup d'idées. A distance, ce n'est pas facile de trouver des disponibilités pour tout le monde, sans compter les problèmes de connexion de chacun". Etonnamment, le jeune homme et ses amis de la résidence, présents chez lui, mangeaient très tôt ce soir-là. Il explique alors qu'ils ne peuvent plus manger dans les espaces communs et que "les femmes de ménage ferment parfois les cuisines car les étudiants n'y respectent pas forcément la distanciation sociale".
Le confinement provoque aussi des retards administratifs. Le jeune homme réclame depuis plusieurs semaines un nouveau logement, car il retrouve souvent des punaises dans sa chambre : "Ca m'empêche de dormir, alors que je commence les cours à 8h". Il confie également être asthmatique : il se retrouve contraint de fermer ses fenêtres, car ses voisins fument à proximité. Cette accumulation de problèmes n'est pas facile à vivre pour le jeune, qui espère voir la situation s'arranger au plus vite.
(1) : les prénoms ont été changés