Le conflit aux urgences de l'hôpital d'Orléans entre dans sa 5ème semaine : les médecins sont toujours en grève, les infirmiers et les aides-soignants sont à 60 % en arrêt maladie. A quand un retour à la normale ?
C’était le 28 mars dernier : les personnels paramédicaux du service des urgences de l’hôpital d’Orléans exercent leur droit de retrait suite au décès d'un patient dans un couloir. 90 % des infirmiers et des aides-soignants se mettent alors en arrêt maladie. Le mardi 29 mars, le plan blanc est déclenché. Le 7 avril, ce sont les médecins qui se mettent en grève. La grève est historique et elle a une conséquence directe : les urgences ferment au public. Seules les urgences vitales fonctionnent c’est-à-dire que seules les personnes amenées par le SAMU sont prises en charge. Le 3 avril dernier, selon le décompte du syndicat SUD-Santé-sociaux : 79 des 80 infirmières des urgences et 35 des 45 aides-soignantes sont en arrêt de travail ainsi que les 4 cadres de santé soit 90 % de ces personnels paramédicaux des urgences.
Les raisons de la crise
Depuis des mois, les personnels sont à bout. Infirmiers et aides-soignants dénoncent leurs conditions de travail et le manque de personnel. Ils parlent d’épuisement et de mal-être, de surcharge de travail chronique et de sentiment de soigner à la chaîne : ils ont l’impression de ne plus pouvoir exercer leur métier correctement dans le respect de la dignité des patients.
Le directeur du CHRO ne reconnait pas la pénibilité du travail des personnels des urgences. Nous demandons qu’il reconnaisse la souffrance au travail. Pour le personnel, qu’il soit au travail ou en arrêt maladie, rien ne change, il n’a aucune reconnaissance.
Grégory Quinet, syndicat Sud-Santé-Sociaux
Les symptômes sont là, la crise est profonde et l’origine identifiée : il manque des infirmières. Cette pénurie a contraint hôpital à fermer 150 de ses 1 000 lits et ce, dans différents services. Cela représente une réduction importante des capacités d'hospitalisation.
Un protocole de sortie de crise
Après de nombreuses réunions, un protocole de sortie de crise a été présenté par le directeur du CHRO, Olivier Boyer. Il comporte notamment la mise en place d’une cellule de gestion des lits : c’est-à-dire la création d’une unité qui va répertorier les lits disponibles dans les services de l’hôpital. L’idée est de trouver plus "facilement" des lits non occupés dans les services afin d’y envoyer les patients après leur passage aux urgences. Tous les jours, les médecins des urgences ont besoin d’une quarantaine de lits pour hospitaliser leurs patients. Ces lits dont ils ont besoin, ils espèrent les trouver dans les autres services de l’hôpital. C’est à ce moment que cela coince car les chefs de ces services ne peuvent promettre ces places puisqu’ils ont, eux, des difficultés à faire sortir les patients pour les envoyer dans des maisons de convalescence par exemple.
Une crise qui dure depuis plus d’un mois
Les médecins, toujours en grève, sont réquisitionnés pour assurer leurs gardes. De leur côté et depuis quelques jours, les infirmiers et les aides-soignants reviennent travailler. C’est 40 % des effectifs soit 30 infirmières sur les 80 que compte le service. Du côté des aides-soignants : une quinzaine est présente (il y a 40 aides-soignants dans le service). Selon le syndicat Sud-Santé-Sociaux, ces personnels ont repris le travail car leurs médecins n’ont pas pu prolonger leur arrêt mais pour autant, rien n’est réglé, il y a encore 60 % de salariés en arrêt maladie.
Manque de dialogue
Le syndicat Sud-Santé-Sociaux demande un médiateur par l’intermédiaire de Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret et de Caroline Fiat, aide-soignante et députée LFI de Meurthe-et-Moselle.
Il n’y a aucun dialogue. Il y a 15 jours, 11 questions ont été posées par les agents des urgences via les syndicats lors d’une instance. Pour l’heure, toujours aucune réponse de la direction.
Grégory Quinet, syndicat Sud-Santé-Sociaux
Quid de l’avenir ?
En temps normal, il y a entre 200 et 300 passages aux urgences. A l’heure actuelle, le service accueille 50 patients amenés par le SAMU. La métropole d’Orléans et ses 290 000 habitants sont privés d’accès aux urgences et ce, pour la 5ème semaine. Les habitants n’ont d’autre choix que d’aller se faire soigner aux urgences de la clinique Oréliance au nord de la ville ou dans le service "Premiers Soins" de la clinique de l’Archette au sud. Ces deux entités sont aussi débordées.
Cette crise a eu comme vertu de mobiliser la direction de l’hôpital, les services de l’Etat, l’ARS, les élus locaux, le Samu urgences de France… Pour autant rien n’est réglé. Les marges de manoeuvre sont faibles.
Matthieu Lacroix, porte-parole des médecins des urgences
Ne pas venir aux urgences sans avoir appelé d’abord le 15
Une autre réflexion est en cours pour réguler l’arrivée des patients aux urgences. Il faudra à terme mettre en place l’obligation de téléphoner d’abord au 15 avant de se présenter aux urgences. L’idée est de réduire le nombre de patients qui viennent aux urgences pour de la "bobologie" alors qu’ils n’ont pas besoin de ce service. Reste le problème de tous ceux qui n’ont pas médecins traitants, et il y en a beaucoup en Centre-Val de Loire, et ceux qui ne peuvent être reçus par celui-ci.
Maintien du préavis de grèves pour les médecins
Nous maintenons la grève. Nous sommes bien conscients que si les soignants reviennent travailler dans les mêmes conditions, ils vont vite s’épuiser à nouveau. Rien ne sera réglé. Nous maintenons la pression pour trouver des solutions pérennes pour sécuriser le retour des soignants sur leur lieu de travail.
Matthieu Lacroix, porte-parole des médecins des urgences