L'augmentation du coût de la vie est d'autant plus difficile à vivre pour les personnes âgées vivant en milieu rural. Les prix à la consommation augmentent en moyenne de 6,2 % sur un an, en février 2023, selon l'Insee. Certaines dépenses, comme l'essence, le chauffage et les courses, commencent à peser lourd.
Courcy-aux-Loges : 400 habitants, un distributeur de pain pour seul commerce. Nous rencontrons Arlette et Jean-Luc, 71 et 66 ans. Depuis 25 ans et jusqu'à il y a peu, ils vivaient ici. Tous deux retraités, ils ont exercé, l'une dans les milieux de la banque, l'autre en tant que commercial. Pour économiser, ils viennent de vendre leur maison et se préparent à déménager à Pithiviers.
Michel et sa compagne, eux, vivent à Chambon-la-Forêt, une commune d'un peu moins de 1 000 habitants. Artisan retraité, Michel est installé ici depuis 1979. Il a 70 ans mais n'a jamais cessé de s'investir localement et de s'adonner à des activités divertissantes.
Ces deux couples du Loiret, toujours actifs du point de vue des divertissements, ont bien conscience que le coût de la vie a augmenté. On pourrait presque parler de "coup de la vie". Selon les économistes, en tout cas, qui assurent que nous ne sommes pas tous égaux face à l'inflation.
Des trajets réguliers à (forcément) optimiser
Cinéma, spectacles, sport, les sorties permettent à ces deux couples de maintenir un lien social essentiel. Le budget est estimé, pour l'un de ces ménages, à environ 1 000 euros par an. "Tous les loisirs sont chers, ils sont loin car, ici, il y en a peu", confirme Arlette.
Deux véhicules pour Michel et sa compagne. Même chose pour Arlette et Jean-Luc. Le plein de carburant, tous les 15 jours, leur revient à environ 200 € par mois. Résultat : la première des astuces, pour ces quatre retraités, est de rentabiliser chaque déplacement.
Quand on habite à la campagne, il est nécessaire d'avoir une voire deux voitures, ce qui est notre cas. Sinon, on passe nos journées à la maison.
Arlette, retraitée, ancienne habitante de Courcy-aux-Loges
"Pour aller au supermarché le plus proche, c'était 14 km", relève Arlette. La solution est donc toute trouvée. "Nous en étions à essayer de réunir sur un même jour des rendez-vous. Par exemple, si je devais aller chez le coiffeur, j'en profitais en même temps pour aller faire les courses".
Justement, le caddie est aussi un véritable sujet. "Je confirme qu'il est passé de 80 à 110 € pour une dizaine de jours. On n'a pas changé d'enseigne mais j'ai changé mes habitudes pour faire mes courses en même temps que celles de ma belle-mère", souligne la compagne de Michel.
Tu as trois fois rien dans ton caddie mais ça te coûte vite 60 à 70 € !
Arlette, retraitée
En exemple concret, Arlette note que certains produits leur coûtent plus cher. "Je constate que le beurre me coûte 2,70 €, contre un peu plus de 2 € auparavant. J'achète, de temps en temps, du foie de veau. Il était à 25 € le kg, maintenant, il est à 32 ou 33 €". De quoi consommer avec plus d'attention.
Autre poste de dépense, pour les Français : le chauffage. En milieu rural, la note peut vite être plus salée, pour les occupants de logements individuels. C'est le cas de nos deux couples, qui doivent chauffer une surface plus importante qu'en appartement.
Entre 2000 et 3500 € de budget pour le chauffage
Depuis deux hivers, Michel et sa compagne ont troqué leur chaudière au fioul, pourtant fonctionnelle, contre une pompe à chaleur air eau. Résultat plutôt satisfaisant : un budget réduit de moitié, de 2000 € à 1000 € annuels.
"On avait une maison de plus de 200 m2 avec une pompe à chaleur", explique Arlette. Par an, ils consacraient environ 3 500 € à la facture d'électricité. Ce qui ne va pas changer énormément, à Pithiviers, avec un chauffage au gaz, selon notre retraitée. La solution, dans son cas, est ailleurs.
Car voilà, pour Arlette et Jean-Luc, l'idée n'était pas de changer de chauffage. Ils ont simplement déménagé, pour éviter de toujours emprunter leur voiture. "J'avais l'impression que de vivre à la campagne ne m'apportait plus rien", résume Arlette. Ils vont donc passer d'une commune de 400 habitants à près de 10 000 pour Pithiviers.
On s'était dit qu'aux environs de 70 ans, avant que cela ne devienne trop compliqué, on essaierait de déménager. C'est ce qu'on a fait. D'ici quelques jours, nous habiterons dans le centre-ville de Pithiviers.
Arlette, retraitée
L'objectif ? Disposer d'une chambre et d'une salle de bain, au rez-de-chaussée. "Pour nos vieux jours." Ainsi, le couple va pouvoir économiser sur le carburant. "Notre souhait était de pouvoir tout faire à pied : le pain, les courses du quotidien, aller chez le médecin… Pour nous, il y a l'aspect inflation mais aussi la lassitude de devoir toujours tout organiser pour ne pas être sans arrêt à faire le plein d'essence ni emmener la voiture au garage", poursuit Arlette.
Acheter moins pour mieux gérer son budget
Quelques économies sont aussi envisagées, côté alimentaire. "Moi, j'avais une certaine tendance à acheter un petit peu trop. On ne faisait pas de gaspillage mais on mettait au congélateur si les légumes commençaient à s'abimer. Là, je pense qu'on va sans doute pouvoir mieux gérer notre budget."
De son côté, Michel n'hésite plus à acheter en ligne. "En milieu rural, ça a explosé : les gens vont sur leur ordinateur et ils ont ce qu'ils cherchent le surlendemain. Pour aménager mon van, j'ai commandé sur Internet. C'était moins cher et ça évitait de dépenser du gazole", explique-t-il.
Parmi les autres déplacements réguliers, ceux qui touchent à la santé. "Je vais à Milly-la-Forêt pour voir mon cardiologue. Il n'y en a plus à Pithiviers et celui d'Outarville est décédé", raconte Michel. Il va donc devoir faire une heure de route, contre une vingtaine de minutes auparavant.
Le budget essence est quand même conséquent !
Michel, habitant de Chambon-la-Forêt, dans le Loiret
Le budget des Français installés en campagne, particulièrement les personnes âgées, a fortement été impacté par l'inflation. C'est ce qui ressort d'une étude récemment publiée par les chercheurs de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Logique, quand on écoute les discours d'Arlette, Jean-Luc, Michel et sa compagne. Mais, loin de se laisser aller à la morosité, ces quatre retraités ont choisi de s'organiser. Pour conserver ce qu'ils chérissent le plus : la liberté.
Depuis quelque temps, c'est donc dans son fidèle van que Michel circule. Finis les voyages en avion, place au départ improvisé. "Je ne dis pas qu'on ne repartira pas. Mais le fait d'aménager mon camion, c'est un loisir aussi." Et puis, pour être dépaysé en France, quelques heures suffisent.