"La France est un désert quand on sort des grandes routes": comme Michel, ils sont nombreux chaque année à rouler sur les 900 km de la Loire à vélo, de Cuffy (Cher) à Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique), un parcours mêlant nature, patrimoine et gastronomie.
Andrew Leask, 47 ans, un Anglais de Stratford-upon-Avon, "la ville de Shakespeare" précise-t-il, est parti de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), l'embouchure de la Loire, il y a trois jours. Équipé léger, il fait 80 kilomètres par jour et compte rejoindre Bâle, en Suisse, d'ici à 15 jours. Peu sportif, il a constaté qu'il avait d'abord grossi. "Je mange des glaces et beaucoup de pâtes", avoue-t-il après avoir
demandé au réparateur local de huiler sa chaîne et de graisser son dérailleur. Il repart sans payer. "C'est le principe: trois gouttes d'huile, un coup de pompe, je m'appelle Accueil-vélo", explique Dominique Raclin, qui tient le cyclo-café de Bréhémont, à quelques kilomètres de Tours.
Des Néerlandais s'arrêtent, demandent une carte et boivent un soda. Devant la boutique, la Loire étend ses bancs de sable. Si les vélos à hydrogène mis à disposition ici par la communauté de communes ne trouvent pas encore de client, le vélo électrique, lui, gagne du terrain. "Ça fait venir la clientèle qui ne faisait pas de vélo", estime Franck, qui tient le magasin "Roue lib" près de la gare de Tours. Toute la journée, il accueille les clients et le soir, après la fermeture, il va déposer ou récupérer des vélos dans d'autres villes des bords de Loire comme Amboise. "Là-bas, le soir, toute la ville est habillée en cycliste", dit-il de la cité royale.
Tout le long de la Loire, qui parcourt six départements et deux régions, un réseau labellisé a été mis en place. Loueurs, réparateurs, hôtels, gites, restaurateurs: plus de 600 professionnels se coordonnent et proposent ainsi des séjours clés en main incluant notamment les hébergements. Les châteaux, la gastronomie, les vignobles, la Loire ou encore l'absence de dénivelé (190 mètres du départ à l'Atlantique) sont aussi une raison du succès.
Un million de touristes
Selon une étude qui date de 2015, les retombées économiques pour la région Centre-Val de Loire ont été estimées à 30 millions d'euros."Un cyclotouriste dépense 57 euros par jour", explique Michel Nadaud, 64 ans, retraité à Angoulême, "moi, le dixième car je dors derrière les haies".
Avec son vélo horizontal, sur lequel il est couché sur le dos, il transporte sa tente et sa nourriture: "Je fais corps avec le paysage, la France est un désert quand on sort des grandes routes", dit-il en reprenant, bronzé, la route de l'Atlantique.
Contrairement à lui et à ceux qui font des boucles à partir d'un camping, d'autres ont organisé leurs périples plus confortablement. Dès l'arrivée à la gare de Tours, des entreprises réceptionnent les bagages, les livrent à l'hôtel réservé pour le soir et les reprennent le lendemain matin alors que leurs propriétaires pédalent.
Les parcours cyclables qui longent la Loire sur 900 kilomètres ont ainsi été empruntés en 2018 par un million de touristes, dont une majorité de Français, selon le comité régional du Tourisme Centre-Val de Loire.
Premier circuit touristique en vélo inauguré en 2006, La Loire à vélo s'est fait doubler, en fréquentation, par la Vélodyssée ouverte en 2012, un tracé de plus de 1.200 km qui longe l'Atlantique de Roscoff (Finistère) à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), fréquentée par 3,6 millions de personnes en 2018.
Avec près de 16.000 kilomètres d'itinéraires aménagés, la France est la deuxième destination mondiale pour le tourisme à vélo et sur les 21 millions de Français qui le pratiquent pendant leurs vacances, 5% le font en itinérance, selon France vélo Tourisme. Environ le tiers des excursionnistes sur deux roues sont des étrangers, venus d'Europe du Nord pour la plupart, selon l'association.