Lancé en mars 2021, après une année de pandémie, Service Civique Solidarité Seniors (SC2S), est un dispositif qui fait intervenir des jeunes auprès des personnes âgées, pour lutter contre leur isolement, accru pendant les confinements.
En ce début d’année 2022, une cinquantaine de volontaires sont recherchés dans tous les départements de la région Centre-Val de Loire. La structure Service Civique Solidarité Seniors C2S est là pour aider les associations, les EHPAD à but non lucratif, les CCAS, les villes, à accueillir ces services civiques. Des tuteurs accompagnent aussi les jeunes volontaires, dans leur parcours. Une mobilisation nationale pour recréer du lien intergénérationnel, qui rencontre un écho très favorable en Région Centre-Val de Loire. En l’espace de moins d’un an, la région a accueilli plus de 250 volontaires sur de nombreux territoires.
A Bourges, FACILAVIE, une association d’aide et de services à domicile du Cher accueille 3 volontaires depuis le 15 novembre 2021. Nathalie Fluzat, la directrice de cette association qui rayonne sur tout le département du Cher connaît bien le secteur de l’accompagnement des personnes âgées et sait combien l’isolement est quelque chose de difficile. Particulièrement pendant les périodes de confinement.
L’idée c’était de trouver un dispositif pour proposer des animations, tout en restant dans une maitrise des coûts de fonctionnement. Je me suis rapprochée de Service Civique Solidarité Seniors pour créer des activités de lien social auprès des personnes âgées.
Nathalie Fluzat directrice de FACILAVIE
C’est la première fois qu’on met en place cette mission à FACILAVIE. Ça peut être une promenade, une partie de cartes ou transmettre des connaissances numériques.
"Pour le recrutement, je voulais des jeunes vraiment engagés dans cette démarche et qu’il y en ait un avec le permis de conduire pour déployer cette activité en allant notamment sur les territoires ruraux du Cher où sont nos aînés les plus isolés".
Normalement, les volontaires fonctionnent en binôme mais Nathalie Fluzat a aussi voulu donner sa chance à Linda, une jeune femme en situation de handicap. "Pour moi, Solidarité Seniors ça doit être gagnant-gagnant, les jeunes apportent beaucoup aux aînés mais nous devons être capables de donner un coup de pouce à ces jeunes, dans un moment où ils se cherchent, où ils ont des difficultés dans leur parcours. Il y avait un tel dynamisme chez Linda, qu’on ne pouvait pas passer à côté".
Pour rappel, le Service Civique Solidarité Seniors permet aux jeunes de 16 à 25 ans (30 ans en situation de handicap) de s’engager dans une structure pour y accomplir une mission d’intérêt général durant 6 à 12 mois. Les informations et les différentes missions de SC2S sont à retrouver ici.
Les missions des volontaires en Service civique Solidarité Seniors
Après une période de formation et d’accompagnement des services civiques dans la structure, les aides à domicile de l’association ont relayé l’arrivée des jeunes volontaires auprès des bénéficiaires pour leur proposer des interventions à domicile, partager des activités, les accompagner lors de sorties, pour créer du lien. La première fois une cinquantaine de demandes de visites a été actée et le lien se consolide semaine après semaine. "Pour l’instant, les volontaires font des visites au domicile des personnes pour créer du lien, repérer quels peuvent être leurs besoins et leur attentes et dans un second temps, notre projet, c’est d’aller vers des activités collectives autour du bien vieillir".
On connaît tous les freins des personnes âgées à sortir de chez elles. Là, c’est les rassurer et les amener vers ce qui existe, tout ce qui peut les aider : la gym senior, le bus numérique pour lutter contre la fracture numérique.
Recréer du lien intergénérationnel, la mission de Linda, Camille et Evan
Linda a 26 ans. Atteinte d’une myopathie depuis sa naissance, elle se déplace en fauteuil roulant et ne peut pas travailler à plein temps. Son parcours vers l’emploi a été chaotique.
Je cherchais un emploi depuis longtemps, très longtemps. Vu que je suis en situation de handicap, c'est déjà compliqué et je ne peux travailler qu'à mi-temps. J'ai fait du bénévolat, beaucoup. J'ai été inscrite à Pôle Emploi, à Cap Emploi, à la mission locale et c'est là que ma conseillère m'a parlé du Service Civique Solidarités Seniors. J'ai eu de la chance, j'ai un contrat de 15 heures.
Linda, Service Civique Solidarité Seniors
J’ai un bac Pro Accueil relations clients et usagers, tout ce qui est accueil, standard secrétariat. C’est tombé à pic car ma mission c’est d’appeler les personnes âgées pour leur proposer des visites, de faire des plannings. Malheureusement, à cause de mon handicap, je ne peux pas forcément aller voir les personnes âgées comme je veux. Le relationnel me manque un peu, je fais plus d’administratif mais je parle avec elles au téléphone. J’espère que ça leur fait du bien. C’est enrichissant aussi d’entendre leur expérience. Ils nous apprennent un peu la vie car ils sont plus âgés que nous".
Après bientôt 3 mois au sein de l’association FACILAVIE, Linda a trouvé pleinement sa place et n’en revient toujours pas. "Honnêtement, je n’y croyais pas quand j’ai postulé pour ce contrat de service civique. Je n’avais pas préparé mon entretien, je me suis dit, ça va être encore un échec et finalement, non ! J’étais heureuse, je ne remercierai jamais assez madame Fluzat de m’avoir donné ma chance".
"Le fait de travailler ça fait du bien au moral. Je sens que tous les efforts que j’ai pu faire pour avoir mon diplôme, j’ai cherché longtemps, je me suis battue, et c’est vrai que c’est un bonheur. Là, je suis contente de me lever le matin, j’ai un but. Ça manquait dans ma vie".
Ce service civique de 7 mois qui se termine mi-juin, pourrait peut-être déboucher sur un contrat aidé Parcours Emploi Compétences (PEC) avec de nouvelles missions. Une perspective qui ravit Linda. En binôme avec Camille, titulaire d’une formation d’aide à la personne, Evan, 19 ans, sillonne les routes du Cher de Bourges à Sancerre, à la Chapelle-d’Angillon, à la rencontre des personnes âgées. Ce service civique est une décision mûrement réfléchie. "Après mon bac, j’ai fait une année de médecine à Tours, que malheureusement je n’ai pas eue et j’ai postulé trop tard pour des écoles de kiné en Belgique et en Espagne. Je me retrouvais un peu sans rien faire, après une année compliquée, un mois en cours et le reste du temps cloîtré dans mon appartement à cause du Covid".
J’avais entendu parler du service civique et le faire auprès des seniors, est plutôt un atout pour mon projet. Comme kiné, je serai appelé à travailler avec des personnes âgées aussi bien que des sportifs ou des enfants.
Evan, Service Civique Solidarité Seniors
Mon tuteur Abdel, de Solidarité Seniors, m’a dit que c’était une bonne expérience pour mon dossier. Pour Evan, ce service civique est une véritable force car il permet à la fois de s’enrichir humainement et développe l’autonomie. "Avec ma collègue, on est super autonomes. Ça permet de travailler son organisation, on doit envoyer notre planning comme des pros, il faut prendre des rendez-vous, développer nos propositions et Madame Bluzat a confiance en nous.
"Nous, on apporte de la compagnie, auprès de personnes qui sont très isolées, qui n’ont pas forcément de visites ou de la famille qui vient les voir. On s’apporte des choses mutuellement. Quand on va chez Claude, qui est un collectionneur passionné, il nous montre ses soldats de plomb, ses cigares. Il y des gens réticents à aller se promener, on ne les force pas mais on propose".
"On le sent et ils nous font ressentir qu’on est utile pour eux."
Mardi, on est allés voir une dame à Sancerre qui a perdu son mari. On est resté plus longtemps, on a pris un petit café et elle nous a dit que ça lui avait fait beaucoup de bien, si elle pouvait elle nous verrait tous les jours car elle ne voit plus personne, à part les aides à domicile".
Moi, je sais que dans ma famille on est très attaché au grand-père. Il ne voit plus et il était tout seul en Vendée. On l’a rapatrié dans le Cher, près de chez nous. Il va beaucoup mieux depuis. C’est ce que je souhaite à tous les grands-pères et les grand-mères, qu’on s’occupe un peu d’eux parce qu’une personne âgée peut aller bien mais si on lui coupe le contact social, ça part vite. On l’a vu pendant le covid, ça en a affecté plus d’une, elles se sentent vite seules".
Evan est touché par ces personnes qui n’ont plus de contacts avec leur famille. "Il y a des dames qui pleurent devant nous car on leur rappelle leurs petits-enfants qu’elles ne voient plus. On essaie d’apporter des bons moments pour remplacer ceux qu’ils n’ont plus en famille. Il faut essayer de s’adapter à tout le monde. C’est ce qui m’attend aussi si je suis kiné, de rencontrer des profils différents". Aujourd’hui Evan et Camille voient une quarantaine de personnes régulièrement. Comme la directrice de FACILAVIE nous le précisait, le développement d’activités collectives est aussi au cœur de ce projet Solidarités Seniors. Evan a déjà des idées à Sancerre où il se rend souvent avec sa collègue. "Pour le moment, on fait des activités individuelles à cause du covid mais comme on a pas mal de monde ici, ce serait bien de les réunir, ça leur ferait du bien. À force de les voir, on remarque des profils qui iraient bien ensemble. Si on pouvait faire un loto ou rassembler des joueurs de belote ce serait super".
Ces rencontres permettent des moments de convivialité, de partage essentiels pour tisser du lien entre les jeunes volontaires et les seniors. Près de Sancerre, la semaine dernière Paulette, qu’Evan aide à se servir de son Ipad, a préparé, pour la première fois, un déjeuner pour Camille et Evan. Elle lui a confié n’avoir pas cuisiné depuis bien longtemps et qu’elle allait s’y remettre un petit peu pour faire des petits plats et des gâteaux pour le goûter. Quelquefois, quand on n’a plus l’habitude de sortir, juste une promenade en bord de Loire fait du bien et permet de garder le sourire, conclut Evan.
Linda, Camille et Evan, termineront leur Service Civique Solidarité Seniors, le 15 juillet, riches d’une expérience humaine et professionnelle unique. Un service civique indemnisé, pour eux, autour de 600 € par l’Etat et l’association FACILAVIE.